CHAPITRE XVI
Comme l'amour se pratique en l'espérance
L'entendement humain étant donc convenablement appliqué à considérer ce que la foi lui représente de son souverain bien, soudain la volonté conçoit une extrême complaisance en ce divin objet, lequel, pour lors absent, fait naître un désir très ardent de sa présence, dont l'âme s'écrie saintement: Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche.
C'est à Dieu que je soupire,
C'est Dieu que mon coeur désire.
Et comme l'oiseau auquel le fauconnier ôte le chaperon, ayant la proie en vue, s'élance soudain au vol, et s'il est retenu par les longes, se débat sur le poing avec une ardeur extrême ; de même la foi nous ayant ôté le voile de l'ignorance, et fait voir notre souverain bien, lequel néanmoins nous ne pouvons encore posséder, retenus par la condition de cette vie mortelle, hélas ! Théotime, nous le désirons alors; de sorte que,
Les cerfs longtemps pourchassés,
Fuyant pantois (haletants, respirant avec peine) et lassés,
Si fort les eaux ne désirent,
Que nos coeurs d'ennuis presses
Seigneur, après toi soupirent,
Nos âmes en languissant
D'un désir toujours croissant
Crient: Hélas ! quand sera-ce,
O Seigneur Dieu tout-puissant,
Que nos yeux verront ta face?
Ce désir est juste, Théotime, car qui ne désirerait un bien si désirable? Mais ce serait un désir inutile, ains qui ne servirait que d'un continuel martyre à notre coeur, si nous n'avions assurance de le pouvoir un jour assouvir.
Celui qui pour le retardement de ce bonheur protestait que ses larmes lui étaient un pain ordinaire nuit et jour , tandis que son Dieu lui était absent, et que ses adversaires l'enquéraient (lui demandaient): où est ton Dieu? hélas! qu'eût-il fait, s'il neût eu quelque sorte d'espérance de pouvoir une fois jouir de ce bien, après lequel il soupirait?
Et la divine épouse va tout éplorée et alangourie (défaillante) d'amour de quoi elle ne trouve pas sitôt le bien-aimé qu'elle cherche l'amour du bien-aimé avait créé en elle le désir le désir avait fait naître l'ardeur du pourchas (reherche passionnée), et cette ardeur lui causait la langueur, qui eût anéanti et consumé son pauvre coeur, si elle n'eût eu quelque espérance de rencontrer enfin ce qu'elle pourchassait.
Ainsi donc ques afin que l'inquiétude et la douloureuse langueur, que les efforts de l'amour désirant causeraient en nos esprits, ne nous portât à quelque défaillance de courage, et ne nous réduisît au désespoir ; le même bien souverain qui nous incite à le désirer si fortement, nous assure aussi que nous le pourrons obtenir fort aisément, par mille et mille promesses qu'il nous a faites en sa parole, et par ses inspirations; pourvu que nous voulions employer les moyens qu'il nous a préparés et qu'il nous offre pour cela.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
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