Après le médiocre XIXe siècle décrit avec brio par Philippe Murray dans Le XIXe siècle à travers les âges, vint l’affligeant XXe siècle, déjà voué aux gémonies en ce tout début du IIIe millénaire… Affligeant notamment dans son activisme politique, qui s'est fourvoyé dans un volontarisme naturaliste destructeur, et a même atteint les meilleurs !
Plus je lis les mémoires et biographies des militants du milieu du siècle, entre 1930 et 1960, plus je me dis que si nous sommes dans une situation aussi critique aujourd'hui, c’est normal, logique et sans doute bien fait.
Je ne parle pas ici de la folie révolutionnaire, des idéologies allant du communisme au nationalisme-révolutionnaire en passant par toutes les philosophies plus ou moins issues du naturalisme et des « Lumières ». Je veux parler des « meilleurs », de nos prédécesseurs a priori direct dans le combat contre la Révolution.
Je lis actuellement l’histoire de Robert Martel et de son combat contre-révolutionnaire en Algérie dès 1954 avec son UFNA (Union française nord-africaine) : Le combat contre-révolutionnaire en Algérie, aux éditions Chiré. Je lisais par ailleurs il y a quelques temps les mémoires de Jean-Marie Le Pen. Les contextes étaient différents, leurs fortunes le furent également, mais ils furent tous deux de vrais combattants contre-révolutionnaires en leur temps. Sans doute représentaient-ils même le mieux que l'on pût faire, tant dans l’enracinement dans la longue histoire française que dans le talent pour l’action.
Nous avons ainsi beaucoup à apprendre d’eux : nous, la génération d’après la chute du mur de Berlin, nous avons perdu tous les réflexes de l’amitié politique et de l’action en petites sociétés. Nous ne savons plus faire ce que faisaient nos aînés de façon naturelle, éduqués qu'ils étaient dans une société encore bien constituée, près de la nature et rigoureuse, mais partout irriguée de charité chrétienne. Ils savaient non seulement faire des sacrifices, mais aussi gérer les finances, sans trop s’inquiéter du lendemain, tout en sachant assurer celui-ci. Ils savaient impliquer les bonnes personnes et nouer des amitiés politiques qui allaient bien au-delà du simple « réseau ».
Tout cela est bien vrai, et pourtant, vue de 2023, l’action de nos aînés choque parfois par ses carences sur certains aspects qui apparaissent pourtant fondamentaux aujourd'hui et qui l’étaient encore au XIXe siècle, mais qui ne l’étaient visiblement plus et pas encore au milieu du vingtième.
Tant dans le cas de Jean-Marie Le Pen que dans celui de Robert Martel (du moins dans les premières années de son action, car après il se convertit franchement), une insuffisance nous saute aux yeux : ils ne fréquentent pas les sacrements et ne vont pas à la Sainte Messe. Ils disent souvent respecter et agir pour leur héritage chrétien — voire, dans le cas de Martel, invoquent souvent le Sacré-Cœur —, mais sans pourtant avoir une vie sacramentelle et encore moins une vie intérieure chrétienne.
Dans les deux cas il est aussi frappant de voir combien l’action, certes d’une autre qualité que ce que l'on peut rencontrer chez les « activistes » d’aujourd’hui qui ne cherchent plus que le « buzz » — à l’époque, on parvenait quand même à monter des groupes armés et à avancer des pions vers la prise de pouvoir concrète, soient des actions impliquant de véritables génies d’organisation et une vraie carrure de chef —, combien l’action, disions-nous, prenait le pas sur tout, jusqu'à tomber parfois dans l'activisme. Cet activisme était certes moins vulgaire que celui d’aujourd’hui, et bien moins fou que l’activisme purement révolutionnaire des communistes par exemple, mais nos protagonistes pensaient sincèrement que l’action humaine pouvait parvenir à obtenir un meilleur monde, oubliant au passage que tout est dans les mains de Dieu et que s’il faut agir comme si tout dépendait de nous, il ne faut jamais oublier que tout dépend en réalité de la Providence divine.
Ainsi, non content de ne pas avoir de vie sacramentelle, Robert Martel comme « le Menhir » ont malheureusement négligé leurs devoirs familiaux : leur action politique restait à la surface de la politique étatique, oubliant que le premier lieu de la politique est la famille et que le travail de restauration commence d’abord par ce qui nous est proche… Si Jean-Marie Le Pen par exemple — c’est facile à dire, nous le savons bien, il ne s’agit donc pas de juger, mais de constater — s'était soumis à l’esprit familial, en se mariant, en ne négligeant pas son épouse et en montrant l’exemple d’une vie intérieure solide à ses filles, le parti qu'il a offert en héritage à Marine n’en serait peut-être pas là où il en est aujourd'hui… Les enfants n’aiment pas les contradictions entre l’agir et les dires des parents, et encore moins le désordre dans les devoirs, dont ils sont toujours les premiers à subir les conséquences…
Bref, nous ressentons un désordre important chez nos aînés du XXe siècle : un oubli de Dieu en pratique et parfois en théorie aussi, mais encore un désordre dans la hiérarchie des devoirs envers la famille, l’entreprise ou le politique ; comme si, peu ou prou, par contamination démocratique et libérale, même les plus purs contre-révolutionnaires avaient pu croire que le jeu « politicien » vicié de l’époque pouvait être corrigé en jouant le « jeu » des « manœuvres » politiques, entre propagande, coups de pression, tractations, etc. Tout cela avec de bonnes intentions, et souvent pour le bien commun. Cela peut d'ailleurs se comprendre : la société de l’époque tenait la route, était saine dans ses fondamentaux, tout le monde était chrétien, et même nos « salauds » de politiciens avaient une certaine tenue, ils étaient courtois et ouverts à la discussion (en coulisse bien sûr, le théâtre médiatique étant une autre histoire).
Il était donc facile de s’en satisfaire, et l’absence de la figure royale n’aidait pas. Elle était en outre aggravée par la chute sensible de la Foi sous le coup du modernisme rampant qui allait exploser lors du concile Vatican II...
Alors, malgré les malheurs du temps, et le désordre qui se généralise, soyons heureux d’avoir une saine doctrine, et la possibilité de vivre de façon bien ordonnée à notre niveau, pour Dieu, pour la famille, pour le père des familles — le Roi — et, par conséquence, pour la France.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/le-danger-de-lactivisme-par-paul-raymond-du-lac/