CINQUIEME CONFÉRENCE : DU PURGATOIRE
Miseremini mei, miseremini mei, saltem vos amici mei, quia manus Domini tetigit me.
Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins mes amis, car la main de Dieu m'a touché. (Job, XIX, 21)
Dans l’Église des premiers âges, la loi canonique était appliquée dans toute sa rigueur. Il n'y avait ni rémission, ni condescendance. La pénitence et les œuvres satisfactoires étaient imposées dans la mesure strictement requise pour satisfaire intégralement à la justice de Dieu.
Cette pénitence ne consistait pas dans la récitation de quelques courtes prières ; elle consistait dans de longs jeûnes au pain et à l'eau, dans la récitation quotidienne des psaumes, dans de longs et pénibles pèlerinages, dans une multitude considérable d’œuvres pies.
Un voleur, suivant la quantité du larcin, était condamné à deux ou à cinq ans de pénitence, un blasphémateur à sept ans, un impudique à dix et souvent à douze ans de jeûne, de larmes, de prostrations publiques sur le seuil du lieu saint...
Suivant ce terrible calcul, une vie entière passée dans les macérations des anachorètes, fut-elle aussi longue que celle des anciens patriarches, suffirait à peine pour expier l'habitude des péchés les plus ordinaires aux hommes de nos jours ?
Combien donc sera long et terrible le Purgatoire de la plupart des pécheurs ! Sans doute, une pensée serait susceptible d'adoucir l'infortune de ces âmes souffrantes, ce serait celle que leur souvenir n'est pas éteint, que les amis qu'elles ont laissés sur cette terre sont en travail pour les secourir ou les délivrer.
Hélas ! c'est là une consolation dont se berce vainement leur cœur. A la vérité, c'est notre coutume detémoigner le regret que nous accordons à leur mémoire.
Sans doute, la religion est loin de condamner ce tribut accordé à la douleur. Elle condamne bien plutôt la dureté de ceux qui, aussitôt qu'ils ont perdu leurs parents et amis, n'en gardent plus le souvenir. - Les saints pleuraient leurs amis, mais ils songeaient surtout à les secourir.
Non, ce n'étaient pas des larmes que demandait sainte Monique à saint Augustin, lorsqu'elle lui disait à son lit de mort : «Je vous demande, mon fils, de vous souvenir de moi, chaque fois que vous offrirez le sacrifice à l'autel».
Ce n’était pas par des larmes que saint Ambroise voulait marquer le grand attachement qu'il avait eu pour l'empereur Théodose, lorsqu'il disait : «Je l'ai aimé ce prince et parce que je l'ai aimé, je ne l'abandonnerai pas que je ne l'aie introduit dans ce séjour où l'appellent ses vertus.
Peuples, accourez et répandez avec moi, sur les restes de ce prince, l'encens de vos prières, les profusions de votre charité et les regrets de votre pénitence».
Mais, que dis-je, des larmes ! ces larmes qui promettaient de couler toujours ne tardent pas à tarir. Nos cœurs inconstants et égoïstes se lassent d'appeler des noms qui ne nous répondent par aucun écho, de chercher à évoquer des images qui se sont enfuies de nos yeux sans retour.
Lancé dans le tourbillon du monde et des frivolités, on se détourne d'un souvenir trop austère, et trop pénible. A la distraction succède l'oubli, et les douleurs des morts sont les plus délaissées de toutes les douleurs.
Source : livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde