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«Je mets les désirs de mon mari avant les miens» : les tradwives
par Bernard Joustrate 2023-04-12 10:59:57
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«Je mets les désirs de mon mari avant les miens» : les tradwives, le mouvement ultraconservateur qui prône le retour de la femme au foyer
Par Annabelle de Cazanove pour madame Figaro


Mariage, ménage, maquillage : elles prônent le retour d'une vie à l'ancienne, débarrassée des tracas éventuels du célibat ou d'une carrière à mener. Entre position réactionnaire et étrange désir de sécurité.



Elle se présente face caméra, très apprêtée. Son maquillage est toujours impeccable, sa peau si lisse qu'elle semble irréelle. Elle porte des jupes midi plissées, de longues robes corsetées et, quand elle officie en cuisine, c'est avec un tablier à froufrous : rien, dans son apparence, n'est laissé au hasard. Estee Williams est une Américaine de 25 ans, originaire de l'État de Virginie. Avec près de 84.000 abonnés sur TikTok, elle est l'une des tradwives les plus en vue du moment. Contraction de l'anglais «traditional» et «wife», le terme, en français, peut se traduire par «épouse traditionnelle» : soumise à son mari, elle n'a pas d'emploi et consacre son temps à s'occuper de son foyer. Une position totalement assumée, et même revendiquée.

Une sous-culture digitale

Les tradwives ont émergé et prospèrent sur les réseaux sociaux. Né en 2017, au début du mandat de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le phénomène a continué de progresser en 2022 : avec plus de 152.000 mentions sur les réseaux sociaux, le terme «tradwife» a atteint un pic l’année dernière, selon Deborah Etienne, analyste de données pour l'agence Brandwatch. Interagissant via écrans interposés, leur apparence est primordiale.

Mais toutes n'ont pas le look léché, très pin-up des années 1950, d’Estee Williams. D’autres, comme la Française Hanna Gas, 36 ans, créatrice du blog Apprendre les Bonnes Manières , reprennent moins les codes du «sex-symbol» rétro que ceux, très sages, de l’épouse du début du XXe siècle. Et rejoignent la mouvance «modest fashion», une «mode pudique» et qui consiste à montrer le moins de peau possible. Hanna Gas porte ainsi des robes longues, bien taillées mais jamais moulantes, sans décolleté et aux manches trois-quarts. Celle qui se décrit comme «coach en étiquette» a également créé une ligne de vêtements féminins, où l’on ne trouve aucun pantalon.

La vie domestique

Cuisine, ménage, courses, repassage, et s’occuper des enfants quand il y en a : telle est la journée-type d’une tradwife. Estee Williams passe par exemple entre trois et cinq heures par jour en cuisine, où elle réalise des prouesses : vareniki (des ravioli russes) à l'aneth, riz pilaf persan, pâté de chevreuil - que son mari, Connor, est allé chasser -, sans compter le pain fait-maison et les innombrables smoothies composés d'une douzaine d’ingrédients.

Une attitude qui s’inscrit dans la tendance «cottagecore», à savoir le développement sur les réseaux sociaux d’images véhiculant une vision romancée de la vie agraire. Lasses du monde moderne, bruyant, dangereux et donc anxiogène, les tradwives prônent souvent une vie «plus simple», faite de jardinage, de lecture et de crochet.

«Féminine, pas féministe»

Le mariage est l’un des piliers de la philosophie des tradwives. Et pour qu’il fonctionne à merveille, cultiver sa féminité est essentiel. Le compte Instagram @thetradwivesclub décrit l’attitude à adopter : «Pour qu’une femme attire un homme de qualité, elle doit être féminine, soumise, belle et gentille». Une activité à part entière, au moins aussi chronophage que de dépoussiérer le salon et la chambre à coucher. Taille ceinturée, décolletés plongeants, lèvres rouge carmin… Dans une vidéo en deux parties sur les bonnes pratiques maritales, qui a totalisé 800.000 vues sur TikTok, Estee Williams explique : «Je m’habille bien et je me maquille, même si je reste à la maison. (...) Je porte les habits qu’il (son mari Connor, NDLR) aime le plus, j’arrange mes cheveux comme il aime, et je lui cuisine ce qu’il adore. Je mets les désirs de mon mari avant les miens. Remplir les besoins de son mari est ce qui bénéficie le plus au mariage». Sous plusieurs de ses publications, un hashtag : #femininenotfeminist (féminine, pas féministe, NDLR).


« Je mets les désirs de mon mari avant les miens. »
ESTEE WILLIAMS, TRADWIFE AMÉRICAINE


Selon les tradwives, le féminisme moderne aurait en effet rendu les femmes plus vulnérables, en multipliant notamment les injonctions à leur égard : en plus de s’occuper du foyer et de leurs enfants, elles doivent aussi construire une carrière professionnelle. De plus, les mouvements féministes ayant émergé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale auraient participé selon elles à dénigrer le statut de «femme au foyer» auquel les épouses dites traditionnelles, comme Alena Kate Pettit, entendent redonner ses lettres de noblesse. Cette Britannique a été l’une des premières tradwives et alimente, depuis 2016, un blog intitulé The Darling Academy , où elle expose ses valeurs familiales, donne de bonnes recettes vintage, et livre des conseils sur l’art de tenir sa maison et de rester élégante en toutes circonstances.

A contre courant

Mais qu’est ce qui a poussé ces jeunes femmes à s’enfermer dans leur cuisine ? Et à nager à contre-courant d’une époque prônant la libération et l’empowerment féminin ? La réponse n’est pas à chercher dans leur éducation. Apparemment, on ne naît pas tradwife, on le devient. «Je n'ai pas grandi dans un foyer traditionnel, explique Estee Williams, jointe par mail. Mes parents étaient divorcés, et très jeune, j'ai vu ma mère jongler entre plusieurs emplois tout en subvenant aux besoins de ses enfants». Alena Kate Pettit, quant à elle, a déclaré dans une interview pour la BBC en 2020 ne pas s’être reconnue dans la culture «girlboss», dominante quand elle était à l’université à la fin des années 1990. Laquelle véhiculait, à travers séries et films comme Sex and the City (1998) ou Le Diable s’habille en Prada (2006), l’idée que les femmes doivent être ambitieuses, sexuellement libérées, tout en poursuivant des carrières prestigieuses.

Hanna Gas, autoproclamée «apprentie lady des temps modernes», propose une série de cours monétisés enseignant l’élégance ; de «MumPreneur Catholique» à «Séduire sans faire le premier pas» en passant par «Objectif Prince Charmant», tous sont répertoriés sur son site. Au cours d’un entretien avec la plateforme d'informations The Conservative Enthusiast, elle décrit son cheminement vers ce mode de vie : «J’étais une féministe convaincue. J’étais le deuxième homme de la relation. Je savais mieux que mon mari comment il devait se conduire, quoi dire, quoi faire, etc. Ce fut une période sombre. J’ai voulu en finir. Et c’est à ce moment-là que Jésus est venu me chercher. Tout a changé. Le nettoyage fut abrasif. Mais que de grâces par la suite ! J’ai appris la féminité, la complémentarité homme/femme. J’ai appris à tenir ma place.»

Chez les tradwives, l’idée de subordination au mari, véritable «chef du foyer», prend souvent en effet racine dans la Bible. Estee Williams, comme Hannah Gas, s’en est aussi inspirée : «Je suis chrétienne et il est vrai que le fait d'avoir grandi au sein d’une famille spirituelle m'a attirée vers ce mode de vie. La Bible parle à la fois des femmes qui travaillent et de celles qui s’occupent du foyer, et les parties sur les femmes au foyer m'ont vraiment parlé».


« J’ai appris à tenir ma place. »
HANNA GAS, APPRENTIE LADY CATHOLIQUE


Anxiété moderne

La tradwifery peut également refléter un repli sur soi et un mode de vie marqué par la peur de l’autre. Estee Williams est catégorique : elle ne se rend jamais à la salle de sport sans son mari, soucieuse d’éviter les regards et prédateurs masculins. Plus globalement, dès qu’elle sort, elle prévient son époux et lui partage sa localisation via son téléphone. Dans sa vidéo pour la BBC, Alena Kate Pettit explique que sa démarche consiste à «exploiter le meilleur de ce qui a fait la grandeur de la Grande-Bretagne à une époque où l'on pouvait laisser sa porte d’entrée ouverte» : «Les temps changent et nous ne connaissons plus l'identité de notre pays», renchérit la Britannique. Se dessine alors filigrane, un discours d’extrême-droite, empreint d’une sombre nostalgie.

Un flirt avec les extrêmes

Car sous leur apparence inoffensive et rassurante, les tradwives frayent avec la droite radicale et les mouvements masculinistes. Certaines tiennent même des discours nationalistes, voire suprémacistes sur les réseaux sociaux. Comme Ayla Stewart (aka @Wifewithapurpose) qui avait essuyé des critiques, en 2017, pour avoir lancé le «White baby challenge». Appelant à la procréation aryenne dans une vidéo aujourd’hui supprimée, elle scandait : «J’en ai fait six ! Dépassez ou égalisez-moi !».

Selon Annie Kelly, doctorante américaine dont la recherche porte sur l'extrême droite et l'antiféminisme sur Internet, l'esthétique rétro des tradwives participe même à adoucir un autoritarisme sous-jacent, conscient ou pas. «Personne ne se considère soi-même comme un cerveau criminel et calculateur : à celles et ceux qui taxent leur idéologie de “néo-nazie’’, les tradwives rétorquent qu’elles veulent simplement un monde plus propre et plus heureux pour y élever leurs enfants», ajoute l’experte. En toute innocence, en apparence.

source

     

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