Merci à qui se reconnaîtra.

De nombreux fidèles de la paroisse d'Anglet ne se sentent plus en phase avec le curé et son vicaire, nommés l'an passé par Mgr Aillet. La catéchèse est désertée et les brouilles sont nombreuses autour des enseignements, del'homoparentalité et d'un certain conservatisme... Témoignages

La ville aux sept clochers vient peut-être d'en perdre un, tant la communion entre une partie des fidèles et le tandem curé-vicaire semble rompue, en l'église Sainte-Marie. Un an après son glorieux passage dans l'émission culte « Le Jour du Seigneur », cette paroisse d'Anglet n'est plus la maison de tous : le dialogue n'y passe plus, la question del'homoparentalité est rejetée par le duo d'ecclésiastiques, les catéchumènes ont fui et les fidèles s'éparpillent, façon puzzle.

Le jour où des croyants voulurent prier pour les droits de l'Homme illustre parfaitement ce malaise : « Le refus du curé a été catégorique. On nous a expliqué que, de nos jours, les gens considéraient les droits de l'Homme comme le droit à l'avortement...

Le jour où des croyants voulurent prier pour les droits de l'Homme illustre parfaitement ce malaise : « Le refus du curé a été catégorique. On nous a expliqué que, de nos jours, les gens considéraient les droits de l'Homme comme le droit à l'avortement, à l'euthanasie et à l'homosexualité. Il ne fallait pas faire cette prière. Nous ne pouvions pas entendre cela. »

Rencontrés par « Sud Ouest » ce lundi 6 mars, Pierre, Françoise, Andrée, Patrick, Sylvie et Béatrice (1) sont bénévoles, parents de jeunes catéchumènes ou simples fidèles. Avant l'apparition en septembre 2022 du curé Rafael Carvajal (2), ils vivaient leur foi en toute simplicité à Sainte-Marie, depuis au moins vingt ans. Ils ne connaissaient pas ce religieux chilien qui officiait déjà en l'église Saint-Joseph avant de se rapprocher de la Chambre d'Amour et d'administrer ainsi les deux lieux de culte de la paroisse, sur proposition de l'évêque Mgr Marc Aillet. Pierre, Françoise et les autres ensavaient encore moins sur le vicaire, « débarqué de nulle part ».

« La loi naturelle »

Ce dernier serait d'ailleurs, à leurs yeux, « pire encore » que le curé : « Nous sommes au XXIe siècle. Mais avec lui, c'est devenu l'Inquisition sans les sorcières brûlées », lance Pierre, un papa qui a « grandi à Sainte-Marie ».

Pour mieux comprendre, un bond dans le temps s'impose. En novembre 2022, la messe des familles vient de s'achever quand, sur le parvis de l'église, le vicaire demande à Béatrice si elle est la grand-mère de l'enfant agrippé à sa main. L'intéressée informe alors le religieux de son statut de maman, avant d'essuyer cette question : « Comment deux mamans peuvent-elles avoir un enfant ? » Réponse de l'intéressée : « Si vous suivez un peu les infos, vous savez que la PMA (procréation médicalement assistée, NDLR) existe. » S'ensuit une brouille devant tous les fidèles. Et le vicaire, qui avait rencontré la seconde maman auparavant, de répudier Béatrice d'un revers de la main. Un épisode douloureux pour le couple, qui demande audience dans les jours qui suivent.

« Deux papas ou deux mamans à l'église, est-ce possible ? » « Quand on respecte la loi naturelle, ça n'est pas possible », répond le curé

Lors de l'entrevue, le curé évoque « un malentendu » et adresse ses excuses au couple... Tout en approuvant la parole deson vicaire qui, lui, n'implore aucun pardon. Ce jour-là, les échanges sont glaciaux, comme l'atteste un enregistrement récupéré par « Sud Ouest ». Le papa d'un catéchumène, ami du couple, assiste à l'entretien en qualité de témoin. Il demande : « Pourquoi avez-vous posé la question à propos des deux mamans à Béatrice, devant son enfant ? » « Je ne me le rappelle pas », répond le vicaire. « Notre vie vous dérange ? », renchérit la maman. Silence dans les rangs... Jusqu'à cette question cruciale : « Deux papas ou deux mamans à l'église, est-ce possible ? »

Sous la pluie

« Quand on respecte la loi naturelle, ça n'est pas possible », répond le curé. « Allez-vous diffuser cette parole ? » « Non. » « D'après vous, comment l'enfant de Béatrice et Sylvie va-t-il le vivre ? » « Je ne suis pas un surhomme, qui a toutes les réponses. » Humilité ou esquive, le couple a choisi.

Les participants se heurtent à un mur. Puis l'entretien s'oriente vers l'organisation du catéchisme. Les fidèles évoquent notamment l'exemple d'une petite fille réprimandée parce qu'elle avait oublié son carnet et riait un peu trop. À peine âgée de 6 ans, celle-ci fut invitée à quitter l'église alors qu'il pleuvait. Une punition indigeste aux yeux de plusieurs parents mais pas du vicaire, aux arguments précaires : « Les parents font pareil, non ? » L'homme d'Église évoque lerenvoi de l'enfant en des termes plus admissibles : celle-ci serait restée sur le seuil de l'église, porte ouverte, sous un ciel pas si sombre.

« Cela dépend de vous »

Reste la question des désertions : « Le fait qu'il n'y ait plus d'enfants au catéchisme vous pose-t-il problème ? » « Non [...], répond le curé. Cela dépend de vous : vous adhérez, ou vous n'adhérez pas. » « Donc il y a les bons et les mauvais ? » Silence dans les rangs, la messe est dite.

Avant la nomination du duo, en mai 2022, 80 enfants suivaient les enseignements du Christ. Juste après, Sainte-Marien'enregistrait plus que 40 inscrits. Puis les nouveaux pensionnaires de la paroisse ont posé leur valise et vidé les rangs d'après nos témoins : « À ce jour, il y a moins d'une dizaine d'enfants. » « Nous pensons que les premiers départs sont liés à l'appartenance du curé et du vicaire au Chemin néocatéchuménal (3) », avance Françoise, une catéchiste confirmée et connue de tous. « Les seconds relèvent plutôt de leur comportement. »

« Brimades »

Les témoignages de plusieurs catéchumènes furent ainsi déterminants. « Chaque petit groupe d'enfants était encadré par un adulte », reprend Françoise. « Il s'agissait soit d'un catéchiste bénévole, soit du curé, soit du vicaire. » Ce dernier ayant, d'après nos fidèles, dispensé la pire catéchèse. « Des enfants sont venus m'avertir, reprend Françoise. Certains étaient en pleurs. Ils étaient nombreux à demander un changement de groupe et à déplorer des brimades permanentes. Ils étaient envoyés au coin, contraints à la génuflexion... »

Depuis, Saint-Léon a accepté d'accueillir des catéchistes et catéchumènes échaudés. De son côté, l'association bayonnaise de lutte contre les discriminations, Les Bascos, soutient le couple, dépositaire d'une main courante. Quant à Mgr Aillet, à ce stade, il n'a pas encore répondu aux sollicitations de « Sud Ouest ».

(1) Les prénoms ont été changés.

(2) Rafael Carvajal n'a pas souhaité répondre aux questions de « Sud Ouest ».

(3) Cet itinéraire religieux du catholicisme, voulu à la suite du concile Vatican II, prône une action face aux changements sociaux et un retour aux enseignements antiques. Il est souvent décrié pour ses abords très conservateurs.

« Accompagnement » Depuis l'arrivée de Mgr Marc Aillet à la tête du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron, les polémiques s'enchaînent. Rappelons que le prélat avait notamment lancé des conférences sur « l'accompagnement des personnes à tendances homosexuelles », qu'il avait ajournées en mars 2018 face à une levée de boucliers d'associations locales.

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