mais cependant de l'aveu-même de ce prêtre exorciste, certains de ses confrères "rationalistes" ramenaient tout à des causes psychologiques, sans donc exercer le ministère confié par l'évêque. L'interview est évidemment orientée. Le prêtre interrogé tient pour vraie l'existence du démon et pratique des exorcismes au besoin. Il sacrifie cependant à cet euphémisme (assez en vogue à l'époque) : "l'esprit du mal", qui renvoie à une abstraction, qui ne correspond pas la foi de l'Eglise en des êtres personnels déchus. Mais on peut entendre aussi dans le contexte où il emploie l'expression, l'esprit malin, impur.

La Dépêche 25/02/1999 L'exorciste ne croit pas au diable

Demain soir, l'exorciste du diocèse de Montauban donnera une conférence à Lafrançaise. En avant première, le prêtre nous raconte sa troublante pratique de médecin des âmes du département.

Derrière la porte de fer forgé, l'abbé Georges Boissières exerce son ministère d'exorciste. Depuis qu'en 1992, l'évêque de Montauban l'a chargé de délivrer du mal les Tarn-et-Garonnais envoûtés par le malin, l'ancien aumônier scolaire passe son temps à écouter ses contemporains.

Sur une fiche de bristol, il tient des comptes précis : 342 rendez-vous en 1998, dont 178 premières rencontres et 164 secondes voir troisièmes visites.

En tout près de 400 personnes sont venues, l'année dernière, consulter ce médecin des âmes religieux et sceptique.

Fenêtre sur le spirituel

Ni rationaliste ni mystique, Georges Boissières louvoie entre les deux écoles en vogue chez les 120 exorcistes français.

«Chez les uns, tout est diabolique, chez les autres, tout est psychologique. Moi je pense que ces deux approches tranchées sont fausses. Même s'il est vrai que 95 % des cas que je rencontre peuvent s'expliquer par le psychologique, il reste toujours un petit pourcentage inexplicable. Une fenêtre ouverte sur le spirituel de plus en plus prise au sérieux par les psychiatres. D'ailleurs, je leur envoie des gens et ils m'en envoient. Notre rôle c'est de faire le tri».

Si elles ne nécessitent pas systématiquement la mise en œuvre des pratiques d'exorcisme, les récits de manifestations du surnaturel sont monnaie courante dans le petit bureau sobre de l'exorciste. «Avant hier soir, dix jeunes qui avaient fait une séance de spiritisme sont venus me voir. Ils avaient évoqué l'esprit d'un frère et de la grand-mère morts tous les deux, à l'aide d'un verre. Le verre s'est brisé. Ils ont senti de mauvaises odeurs. Ils étaient affolés. Dans ces cas là, j'ai une approche scientifique. Je constate qu'ils ont soulevé des forces qu'on ne contrôle pas. Nous sommes dans l'irrationnel. Nous pouvons constater mais pas expliquer. Mais, en tout état de cause, la doctrine des exorcistes est claire en la matière. Ce ne sont pas les morts qui se manifestent mais l'esprit du mal qui s'empare de la personnalité du défunt pour entrer en relation avec les vivants». Pour éviter les ennuis, Georges Boissières a conseillé aux apprentis médiums de ne plus ouvrir la boite de Pandore. Puis il les a laissés repartir après avoir récité une prière de délivrance. Personne ne quitte le bureau sans la bénédiction du prêtre.

Pacte avec le diable

Ces dix là s'en sont tirés avec une bonne frousse. Mais les alertes sont parfois plus sérieuses. En près de huit ans de pratique, l'exorciste du diocèse a eu recours quatre fois au grand exorcisme.

A chaque fois qu'il a sorti l'eau bénite, le prêtre avait à faire à des adeptes de la magie noire ou à des gens complaisants avec les forces du mal.

« Un jour, un homme avait fait un pacte avec le démon. Il lui avait demandé de lui donner la célébrité, la richesse et les femmes en échange de son âme. Il a tout eu et, en un mois, il a tout perdu et s'est retrouvé acculé au suicide. Il n'est pas passé à l'acte parce que j'ai pratiqué un exorcisme, mais c'était vraiment le mythe de Faust. Je ne le croyais pas. Aujourd'hui je pense que dans certains milieux comme dans celui du show-business des choses comme cela se font».

Sectes sataniques

Dans le Tarn-et-Garonne, les sorciers blancs et noirs «sont aujourd'hui plus nombreux que les prêtres» et «les sectes sataniques ont probablement ici comme ailleurs leurs adeptes», affirme le prêtre. Mais, «même si des gens maléfiques peuvent aller jusqu'au meurtre», le fond de commerce de l'exorciste reste très à l'écart des aiguilles et des poupées transpercées. Maladie, divorce, décès d'un proche aggravés par le sentiment d'isolement ou un état dépressif peuvent conduire le professeur d'université, le médecin, ou le rempailleur de chaise gitan dans le bureau du prêtre. Les appels à l'aide émanent de toutes les strates de la société.

Seuls les chrétiens engagés ou les athées convaincus semblent prémunis contre les attaques plus ou moins réelles du malin. Un malin auquel Georges Boissières refuse d'ailleurs de faire l'honneur de porter crédit. «Je crois en Dieu, je ne crois pas au démon. Ça ne veut pas dire qu'il n'existe pas, mais je refuse de lui donner mon adhésion».

Il y a des frontières qu'il ne faut pas franchir.

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !