LIVRE QUATRIÈME
CHAPITRE IV
Nous devons avoir une haute estime de la croix, et nous en tenir indignes
Plusieurs saints, remplis de ces véritables lumières, ont fait de grandes pénitences et de longs voyages en des lieux saints, pour obtenir de Dieu tout bon la grâce de souffrir.
Notre-Seigneur a révélé que les plus grandes croix étaient des dons qu'il n'accordait qu'à la faveur de sa très sainte Mère.
Ce sont des faveurs spéciales réservées à ses favoris, qui y ont plus ou moins de part, selon quils en sont plus ou moins aimés.
A-t-on jamais vu de sujet sur lequel la grâce de Dieu se soit épanchée avec plus de libéralité que sur Jésus-Christ ?
Mais, en même temps, y en a-t-il jamais eu sur lequel la justice de Dieu se soit exercée avec tant de rigueur ? Jamais de gloire semblable à la sienne, jamais de croix qui soient égales.
Après Jésus, jamais personne plus aimée de Dieu que la très sainte Vierge, et jamais personne plus dans la souffrance.
Cela étant, il est tout clair que nous sommes indignes de l'honneur des souffrances. Nos péchés, disait le P. de Condren, de sainte mémoire, méritaient bien plutôt que nous eussions part aux honneurs du siècle, à ses plaisirs et à ses richesses, et, dans cette vue, il s'écriait qu'il était grandement étonné de n'être pas du nombre de ces gens qui sont glorieux selon le monde, et, de vrai, souvent c'est le partage des réprouvés.
Voyez-vous, disait encore ce saint personnage, le Grand Turc est l'un des plus grands ennemis de Jésus-Christ, et c'est le Seigneur qui a le plus de biens, de plaisirs et d'honneurs.
Les pauvres, dit la bienheureuse Angèle de Foligny, les abjects, les humiliés, ce sont les favoris de Jésus-Christ, qui ont l'honneur d'être assis à sa table et de manger avec lui, étant nourris des mêmes mets ; car le Fils de Dieu a été nourri d'opprobres et de pauvreté.
Le saint homme, le P. Jean de la Croix, le savait bien, lorsque cet adorable Sauveur, lui mettant à son choix de lui demander ce qu'il voulait pour récompense des grands travaux qu'il avait soufferts pour sa gloire :
Seigneur, répondit cet homme admirable, je vous demande seulement de souffrir, et d'être méprisé pour vous.
L'âme, dit sainte Thérèse dans la 6ème demeure du Château intérieur, connaît, avec toutes sortes de vérités, qu'elle ne mérite pas de souffrir pour un Dieu un petit travail, combien plus d'en endurer un plus grand.
Que les personnes de croix prennent donc bien garde à ces vérités, surtout pour ne pas s'en faire accroire, pour ne pas prendre mal à propos une certaine confiance de nature dans leurs états, une complaisance secrète, une estime subtile.
Source : livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde