LIVRE DEUXIÈME
CHAPITRE III
Suite du même discours
Enfin le démon, ne pouvant faire manquer une âme dans la voie des souffrances, se plait au moins à la détraquer de devoirs. Ne quittez donc pas vos exercices spirituels, ni aucune occupation qui regarde votre vocation, pour quelque ennui, tristesse, inquiétude ou peine que vous puissiez avoir. Faites, dit un grand prélat, comme ces malades qui mangent plus par raison que par appétit. Soyez ensuite plus assidu à l'usage des sacrements, quoique vous pratiquiez toutes choses sans goût, sans sentiment et, comme il vous semble, sans ferveur ; au contraire, avec aversion, répugnance, contrecur et violence d'esprit.
CHAPITRE IV
Des croix corporelles
Réjouissez-vous, vous qui êtes affligés de maladies. Sainte Thérèse bénissait Dieu de ce que, n'étant pas d'une forte complexion, cela lui donnait la fièvre dans ses voyages et augmentait ses peines. Elle assurait qu'une âme cultivée par les travaux et par les maladies n'est jamais sèche, mais toujours imbibée de l'esprit de Dieu.
Réjouissez-vous, vous qui avez quelques défauts corporels, soit que vous les ayez dès votre naissance, soit qu'ils vous soient arrivés par quelque accident : vous n'en serez pas si agréables aux créatures, qui, ne s'attachant pas à vous, vous donneront lieu de vous en détacher, pour vous unir à Dieu seul.
Oh ! Quelle heureuse grâce, que ces disgrâces de la nature ! Que ne voudrions-nous pas avoir donné en l'autre vie, pour les moyens qui, nous séparant de l'être créé, nous unissent au Créateur ! Oh ! combien, oh ! combien, oh ! combien d'âmes gémissent dans les enfers, pour avoir eu des corps bien faits et de beaux talents naturels !
Oh ! Si vous les pouviez entendre maudire ce que le monde aime tant, ces beautés, ces grâces naturelles ! Combien d'âmes sont sauvées, parce que, déplaisant aux créatures, elles se sont attachées à Dieu ; ou parce que, ayant un corps infirme et sujet aux maladies, elles n'ont pu s'engager dans les vaines voies du siècle ! J'en ai connu qui m'ont dit qu'elles seraient perdues sans leurs maladies.
Cependant, le saint livre de l'Imitation de Jésus-Christ dit que peu de personnes deviennent meilleures par les infirmités des maladies. C'est qu'elles n'en font pas un usage chrétien. Faites-en donc un bon usage ; et pour cela apprenez que la grâce des maladies est bien grande.
Dieu, dit sainte Catherine de Gênes, fait un purgatoire en ce monde des corps des personnes malades. Apprenez que c'est une grâce si grande, qu'elle suffit pour arriver à une haute sainteté, comme nous lisons de plusieurs saints, qui ont passé toute leur vie dans des maladies continuelles.
Que faisaient ces personnes éminentes en sainteté ? Visitaient-elles les pauvres ? Prêchaient-elles ? Quels étaient leurs exercices et leurs emplois, sinon d'être malades ? Tâchez d'avoir recours au ciel, pour en obtenir une grande patience :
elle est très nécessaire dans les maladies qui ont des douleurs aiguës ou qui sont de longue durée. Souvenez-vous que les maladies qui durent longtemps doivent être soigneusement ménagées pour l'éternité : c'est l'emploi que la divine Providence donne à ces personnes pour gagner le ciel. Qu'elles y prennent bien garde, pour en faire un fidèle usage : ordinairement la durée, quand elle est longue, les rend ennuyeuses.
Source : livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde