CHAPITRE V
Que le bonheur du Chrétien consiste à souffrir en ce monde
Réponse à quelques difficultés que l'on objecte sur ce sujet
Quelqu'un objectera ici ces paroles de notre Sauveur : Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés de chaînes, et je vous soulagerai. (Matth. XI, 28) Il est certain que Dieu, fidèle en ses promesses, soulagera tous ses disciples : mais comment ?
Il les soulagera par le repos éternel qu'il donnera en l'autre vie ; il les soulagera en la vie présente par la force qu'il leur donnera à porter leur croix, ce qui est commun à tous ceux qui souffrent, car quoique le don de force ne soit pas égal, sa grâce est abondante dans toutes les âmes crucifiées. Il les soulagera quelquefois par des consolations sensibles ; mais c'est ce qui n'arrive pas à tous.
Il les soulagera encore par la délivrance de certaines peines ; mais ce que l'on doit remarquer, est que, par ces paroles, on ne doit pas entendre ordinairement ni un soulagement sensible, ni la délivrance totale des peines ; autrement comment accorder cette vérité avec l'état public de tant de saintes âmes qui ont eu recours à Jésus-Christ, et qui ont toujours été dans la peine ?
On objectera encore ces paroles de l'Apôtre : Réjouissez-vous tous au Seigneur (Philip. IV, 4) ; et on en conclura que le bonheur est donc dans la joie. Mais il est facile de répondre à cette objection : car ou l'Apôtre entend parler d'une joie sensible, ou d'une joie qui réside en la cime de l'âme, et qui est bien souvent imperceptible.
De dire qu'il veut parler d'une joie sensible, c'est ce qui ne se peut pas : car ce serait aller contre toute expérience, contre tout ce qui se lit dans la Vie des saints, contre toute la doctrine des Pères de l'Église et des maîtres de la vie spirituelle, et contre l'autorité même de l'Écriture en la bouche du même Apôtre, que l'on ferait tomber dans une contradiction manifeste ; puisqu'il assure qu'il a souffert outre mesure, et non seulement extérieurement, mais qu'il a été dans les angoisses d'esprit, jusque-là même que quelquefois la vie lui était à charge ; et cela, non seulement par le désir qu'il avait de voir Jésus-Christ, mais encore par la grandeur de ses peines, qui lui faisait dire qu'il était ennuyé de vivre.
Donc il est manifeste que cette joie continuelle dont il parle, ne peut s'entendre de la joie sensible, qui n'est pas toujours permanente en ce monde-ci. Il parie donc d'une joie qui réside en la cime de l'âme, qui vient d'une abondance de paix qui donne la parfaite conformité avec la volonté divine ; car l'âme ne voulant que ce que Dieu veut, est toujours contente en tout ce qui lui arrive.
Or, cette paix ou cette joie est si souvent cachée, que non seulement les sens n'y ont aucune part, mais encore la partie raisonnable inférieure. Nous avons parlé suffisamment dans notre livre Du règne de Dieu en l'oraison mentale, de la différence de la partie inférieure raisonnable, d'avec la suprême partie de l'âme ; ce qu'il est assez nécessaire de savoir, plusieurs savants même les confondant, et entendant par la partie inférieure, la sensitive et animale. L'exemple de notre Sauveur éclaircit entièrement la chose, puisque son âme était affligée d'une tristesse mortelle, en même temps qu'elle jouissait de la gloire.
Source : livres-mystiques.com
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