Indre : à l'école catholique Saint-Michel, des élèves coupés du monde extérieur
Source : Nouvelle République
Enseignement figé, médias interdits, accès internet quasi inexistant… À l'école Saint-Michel de La Martinerie (Indre), un rapport de l'inspection académique exprime des doutes sur l'ouverture au monde extérieur et la formation à l'esprit critique.
Un niveau général et des résultats aux examens nationaux « bons, voire très bons ». Mais des manquements au socle commun des connaissances, puis des doutes sur « l’ouverture au monde "extérieur" [et] la formation à l’esprit critique ».
Voilà comment résumer le rapport d’inspection académique d’une visite à l’ensemble scolaire Saint-Michel de La Martinerie, à Déols (Indre), le 11 mai 2017, que s’est procuré La Nouvelle République. Une nouvelle visite a eu lieu en mars 2022 mais aucun changement notable n’a été observé par rapport à 2017, selon une source de l’Éducation nationale.
Un ordre qualifié d'intégriste
Placé sous le patronage de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), ordre qualifié de catholique intégriste, l'école Saint-Michel accueille quelque 160 élèves du primaire au lycée. Cet établissement privé hors contrat avec l’Éducation nationale n’a pas l’obligation de suivre les programmes scolaires.
En revanche, il doit se soumettre aux exigences du socle commun. Ce qui implique, entre autres, un accès à l’information et aux outils numériques ainsi que l’apprentissage de la vie en société, de la citoyenneté et de la formation de l’esprit critique. Des compétences sur lesquelles le rapport souligne des lacunes.
« L’enseignement est complet »
En primaire, l’enseignement de l’histoire « omet certains faits historiques comme l’expression des libertés et des droits aux XIXe et XXe siècles ou le génocide des juifs, en abordant peu les grandes ruptures et les événements fondateurs de notre société et de ses valeurs. » L’histoire étant enseignée de façon chronologique, ces sujets sont abordés en 1ère et terminale, justifie l’abbé de Villemagne, directeur de l’établissement. « L’enseignement est complet, aucune partie de l’histoire n’est mise sous le boisseau », martèle-t-il.
Le religieux explique que la scolarité à Saint-Michel est destinée à accueillir les élèves de la maternelle au lycée, et qu’ils auront donc finalement accès à ces enseignements. « Sauf qu’au lycée, on n’est déjà plus dans la scolarité obligatoire, relève Rémy-Charles Sirvent, secrétaire général du Comité national d’action laïque (Cnal). Les savoirs fondamentaux doivent être enseignés avant la fin de la 3e. »
Le site a conservé les décorations militaires du 517e régiment du Train qui l'a occupé jusqu'en 2012. "On garde ces traces du passé. Nous ne sommes pas là pour faire table rase mais pour s'ancrer dans une histoire et la prolonger", explique le directeur. © (Photos NR)
Société hyperinformée
Au collège et au lycée, le rapport décrit un accès aux médias et à l’information « extrêmement réduit, voire inexistant ». Dans cet établissement, où les élèves vivent en internat, il n’y a ni CDI, ni journaux, ni télévision. Les téléphones portables sont interdits. La correspondance avec l'extérieur ne se fait que par lettre et un appel est possible durant les repas. « L’accès à Internet n’est pas possible non plus, sauf de manière exceptionnelle pour des exposés dans le cadre des TPE (travaux personnels encadrés), par exemple. »
Les élèves ne risquent-ils pas de se retrouver en décalage, dans une société hyperinformée où la maîtrise des outils numériques est une seconde nature ? L’abbé de Villemagne s’en défend. « Quand ils rentrent dans leur famille le week-end, les élèves ont accès à ces outils et savent parfaitement les manier. Mais à l’école, il faut rester concentré sur son travail. » Et donc s’en écarter.
Un laboratoire sans expériences
Des propos qui font réagir Rémy-Charles Sirvent. « L’apprentissage de ces outils (défini dans le domaine 2 du socle commun) n’est pas une option du week-end, c’est un objectif d’enseignement légal », recadre-t-il. De son côté, l’inspecteur académique qui signe le rapport du second degré note que « la confrontation à la pluralité des opinions […] apparaît comme extrêmement limitée ».
L’enseignement en physique et SVT présente aussi des carences. Le directeur assure que l’établissement abrite un laboratoire. Mais l’inspecteur écrit que « le matériel expérimental est quasi inexistant ». Les élèves sont soumis à des cours magistraux « figé[s] dans un modèle purement transmissif » et ne se voient proposer « aucune manipulation ni expérimentation ».
Public particulier
Depuis la loi séparatisme de 2021, l’inspection académique peut mettre toute école hors contrat en demeure de se conformer à l’instruction obligatoire, qui permet aux élèves l’acquisition du socle commun. En cas de refus, outre la fermeture des classes, le directeur s’expose à six mois d’emprisonnement et 15.000 € d’amende.
« Mais cela s’applique si on estime qu’il y a un défaut d’acquisition globale du socle, précise notre source à l’Éducation nationale. Ce n’est pas le cas à La Martinerie, où il manque seulement quelques items. L’école s’adresse à un public particulier, qui ne correspond simplement pas aux écoles publiques. On formule des préconisations. Mais globalement, il n’y a rien d’inquiétant. »
160
C’est le nombre approximatif d’élèves scolarisés La Martinerie : une trentaine d’élèves (filles et garçons) en primaire et quelque 130 garçons au collège et au lycée. L’école professionnelle Philibert-Vrau forme, de son côté, 50 jeunes garçons.
LA MARTINERIE EN DATES
L’école Saint-Michel a été fondée en 1972, boulevard de Cluis à Châteauroux. En 1975 elle déménage à Niherne.
En 2012, la structure acquiert à la Communauté d’agglomération castelroussine (Cac) 26 hectares de la zone militaire de la Malterie pour 450.000 € afin d’y rapatrier l’école religieuse de Niherne et d’y ouvrir une école professionnelle proposant des formations dans les métiers de bouche, du bâtiment (maçonnerie, électricité, menuiserie) et des aménagements paysagers.
En 2017, ouverture d’un lieu de vie pour personnes handicapées, la maison Sainte-Jeanne-de-Valois, qui accueille une dizaine d’adultes.
Amélie ZACCOUR
Journaliste, rédaction de Châteauroux