CHAPITRE XVI
Suite du sujet précédent
Saint Jérôme a été choisi de Jésus-Christ pour être l'un des docteurs et Pères de l'Église ; que n'a-t-il point souffert par la médisance et la calomnie ? De quels crimes ne l'a-t-on pas voulu accuser ? De quelles hérésies ne l'a-t-on pas voulu rendre coupable ?
On a déposé contre lui qu'il avait de l'amour impur pour sainte Paule. Il était haï de toutes sortes de personnes. Les hérétiques le haïssaient, dit Sévère Sulpice, parce qu'il ne cessait de les combattre ; les ecclésiastiques le haïssaient, parce qu'il reprenait leur vie et leurs crimes.
Saint Athanase a été l'un des plus zélés défenseurs de la foi catholique ; aussi a-t-il été un des plus persécutés. On le noircit des plus infâmes calomnies ; il fut accusé de sacrilèges, de meurtres, de magie, d'adultère, et enfin cinq évêques déposèrent contre lui ; ce qui fut cause que l'empereur Constantin l'exila, ce bon prince, trop crédule, ayant ajouté foi à la déposition de ces évêques qui paraissaient d'une vie fort sainte et qui avaient été amis du saint, et qu'il avait amenés même avec lui à Tyr.
CHAPITRE XVII
Le discours des avantages des croix est continué
Mais y a-t-il rien de plus convaincant en cette matière que l'exemple du grand Apôtre ? Le Fils de Dieu dit de lui (Act. IX, 15) qu'il est un vaisseau d'élection pour porter son nom devant les rois et les nations, et en même temps il l'assure qu'il lui montrera combien il faut qu'il souffre pour son nom ; car il semble que ce soit la même chose d'être un apôtre et de beaucoup souffrir.
Aussi cet homme tout divin estime ne pouvoir donner des marques plus assurées de son apostolat que les souffrances. Il savait que son Maitre avait dit à ses disciples (Joan, XX, 21), qu'il les envoyait comme son Père l'avait envoyé, c'est-à-dire non pas aux honneurs, aux richesses ou aux plaisirs de ce monde, mais aux croix.
C'est ce qui fait qu'il s'écrie (Galat. VI, 14) : Qu'à Dieu ne plaise qu'il se glorifie en autre chose qu'en la croix, que le monde lui est un crucifié, et qu'il est crucifié au monde ! (Ibid.)
Nous avons été faits, dit-il encore, un spectacle au monde, aux anges et aux hommes. Nous sommes fous pour Jésus-Christ, nous sommes faibles, nous sommes de peu de considération, l'on nous maudit, nous souffrons persécution, l'on nous blasphème et nous sommes comme les ordures du monde. (I Cor. IV, 10-13.)
Se peut-on imaginer un état plus crucifiant et plus ignominieux que d'être comme les ordures d'un lieu que l'on balaye et que l'on jette au vent ?
Si l'humiliation et les mépris rendaient inhabiles aux fonctions apostoliques, jamais homme n'aurait été plus inutile que saint Paul.
Si les persécutions obligeaient à la retraite, jamais personne n'a été plus obligé de se retirer que cet apôtre, puisqu'il souffrait de toutes sortes de personnes, et des infidèles et de ceux de sa nation, et même des faux frères, qui se disaient domestiques de la foi ; en toutes sortes de lieux, dans les solitudes aussi bien que dans les villes, sur la mer aussi bien que sur la terre. (II Cor. XI, 26)
Mais il savait bien, ce qui depuis a été enseigné par saint Grégoire, que l'opposition que l'on forme contre les bons desseins n'est qu'une épreuve et un exercice de la vertu, et non pas une marque que Dieu rejette celui qui souffre.
Source : livres-mystiques.com