DEUXIÈME TRAITE
CHAPITRE IX
De la pauvreté de la très-sainte Vierge
Messieurs ses parents, contre l'ordinaire, ayant de la peine à le voir exécuter ce dessein, il me dit que c'était une chose bien résolue, et qu'enfin il ne pouvait plus supporter d'être riche. Puis il ajouta que si l'on s'opposait davantage aux mouvements qu'il en ressentait, il donnerait ses biens au premier venu.
Il exécuta un si généreux dessein plusieurs années auparavant sa précieuse mort ; et tant de beaux sentiments de la pauvreté que nous lisons avec une onction si précieuse dans ses divins ouvrages, ne viennent pas seulement des pensées qu'il en a eues par pure spéculation ; mais bien plus par une solide pratique.
Saint François alla en pèlerinage aux tombeaux de saint Pierre et de saint Paul, pour impétrer du ciel de plus en plus l'établissement de cette chère doctrine de Jésus-Christ, qu'il appelait sa dame et sa reine, et qu'il honorait avec tant d'amour qu'il avait bien de la peine à voir quelqu'un plus pauvre que lui ; ce qui le pressait de changer d'habit lorsqu'il rencontrait quelque mendiant plus pauvrement habillé que lui.
Étant invité d'aller manger à la table d'un cardinal, il fallut qu'il allât mendier auparavant du pain aux portes, afin d'avoir quelque chose de pauvre en une si bonne table.
La bienheureuse Angèle de Foligny fit un pèlerinage de quarante lieux, pour demander la pauvreté, ses directeurs ayant peine à la voir dépouillée de tous ses biens.
Le bienheureux Scocelin, qui vivait du temps de saint Bernard, dans un pays de glaces et de neiges, a été l'incomparable dans l'amour de la pauvreté qu'il pratiquait si rigoureusement, qu'il ne portait pas même d'habits, à la réserve de ce qui était nécessaire pour couvrir la nudité de son corps, autant que l'honnêteté le demandait.
Il n'avait pas de cellule pour se retirer, se souvenant de ce qui est écrit, que les oiseaux ayant des nids, et les renards des tanières, le Fils de l'homme n'avait pas où reposer sa tête.
Il couchait donc à plate terre, dans les bois ou campagnes, exposé à toutes les injures de l'air, n'ayant pas même un trou en terre pour se défendre des incommodités des saisons.
On l'a quelquefois trouvé tombé par terre accablé par la rigueur de l'hiver, n'ayant pour couverture que la neige dont il se servait pour un peu s'échauffer. Saint Bernard, ayant appris avec étonnement une pauvreté si extrême, lui envoya un habit pour le couvrir ; mais le saint homme l'ayant reçu avec action de grâces, ne le put regarder, disant : L'homme apostolique m'a bien dit de le prendre, mais je n'ai pas d'ordre de le conserver.
Source : livres-mystiques.com
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