Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Voila le texte tiré du livre "Foi et Avenir"
par angloy 2022-06-04 14:00:53
Imprimer Imprimer

Je viens d'emprunter le livre à la Bibliothèque Diocésaine. Monseigneur Aillet en parle dans la revue "Notre Église" de ce mois de juin.

Dans ce livre, le chapitre intitulé "Chrétiens pour l'an 2000" va de la page 111 à la page 130. Ce que l'on a appelé "la prophétie de Joseph Ratzinger", ce qui nous intéresse donc, va de la page 124 à la page 130. Voici le texte :

Nous voici ainsi arrivés à notre aujourd’hui, et au regard que nous pouvons porter sur demain. L’avenir de l’Église ne peut venir et il ne viendra que des énergies de ceux qui ont de profondes racines et vivent de la plénitude de leur foi. Il ne saurait venir de ceux qui ne savent vivre qu’au rythme de l’instant. Il ne viendra pas non plus de ceux qui critiquent autrui et se considèrent comme la mesure de l’infaillibilité ; de ceux qui choisissent les chemins faciles et évitent celui de la passion de la Foi, qui baptisent mensonge et vieillerie, tyrannie et légalisme, tout ce qui interpelle l’homme, lui cause une souffrance, l’oblige à faire don de lui-même. Disons-le en clair. L’avenir de l’Église, une fois encore, portera la marque de ses saints : c'est-à-dire d’hommes qui trouvent un sens derrière les phrases, ce en quoi ils sont précisément modernes. Des hommes capables de mieux voir parce que leur vie embrasse de plus grands espaces. Cette mort à soi-même qui libère l’homme, c’est dans la seule patience des petites renonciations à soi-même qu’elle s’acquiert.

C’est dans cette passion quotidienne, qui lui permet de mesurer à quel point son propre moi l’enchaine, et là seulement, que l’homme s’ouvre. Il ne voit que dans la mesure où il a vécu et souffert. Si nous avons aujourd’hui tant de peine à percevoir Dieu, c’est sans doute parce qu’il nous est trop facile de nous fuir nous-même, de fuir la profondeur de notre existence dans le « divertissement » et le confort matériel. Et c’est ainsi que nous n’avons pas accès au secret de nos âmes. S’il est vrai que l’on ne voit bien qu’avec le cœur, combien sommes-nous tous des aveugles (1)!

Mais où cela nous conduit-il ? A ceci : que les grands mots de ceux qui nous prophétisent une Église sans Dieu et sans Foi ne sont que des discours vides. Une Église qui, dans une « prière politique », célèbre le culte de l’action, nous la refusons, c’est un superflu. Et elle périra d’elle-même. Demeurons l’Église de Jésus-Christ. L’Église qui croit en ce Dieu qui s’est fait homme et nous a promis la vie qui transcende la mort.

De même, un prêtre, qui n’est qu’une fonction sociale, des psychothérapeutes, des spécialistes en tous genres, peuvent en tenir lieu. Celui dont nous continuerons à avoir besoin, ce n’est pas le spécialiste qui se tire d’affaire en s’établissant dans un rôle de consultant, mais le prêtre investi de Dieu, qui est au service des hommes, qui est à leurs côtés dans le deuil et dans la joie, dans l’espérance et dans l’angoisse.

Allons plus loin. De la crise d’aujourd’hui naîtra demain une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera petite et devra, pour ainsi dire, repartir à zéro. Elle ne pourra plus remplir bon nombre des édifices construits au temps de sa splendeur. Et la diminution du nombre de ses fidèles s’accompagnera d’une diminution du nombre de ses privilèges sociaux.

Elle aura à donner l’image d’une communauté fondée sur le choix libre et indépendant de ses adeptes. Et cette petite société assumera beaucoup plus fermement les initiatives de ses membres. De nouvelles fonctions seront créées, la prêtrise conférée à des chrétiens « adultes ». Dans les petites communautés, dans les groupes sociaux homogènes, ce sont eux qui auront la charge de la vie pastorale. Le prêtre, en tant que fonction majeure, demeurera irremplaçable. Mais au milieu de tous ces changements que l’on peut pressentir, l’Église retrouvera résolument l’essence d’elle-même dans ce qui a toujours constitué son centre : la foi dans le Dieu un et trine, la foi en Jésus-Christ, le fils de Dieu qui s’est fait homme, la foi dans le soutien de Dieu qui nous est dispensé jusqu’à la fin. Oui, c’est dans la foi et dans la prière qu’elle retrouvera le centre d’elle-même, que les sacrements redeviendront le Service de Dieu au lieu de susciter des problèmes d’aménagement liturgique.

Ce sera une Église tournée vers l’intérieur, non une Église qui se bat pour un mandat politique mais qui évitera de flirter aussi bien avec la droite qu’avec la gauche. Sa tâche sera difficile, car le mécanisme de cristallisation et de décantation lui coûtera beaucoup de ses forces. Il la rendra pauvre, il fera d’elle l’Église des petits. Et le processus sera d’autant plus délicat qu’il lui faudra garder l’équilibre entre le sectarisme étroit et l’entêtement dans les grands mots. On peut prédire que cela lui demandera du temps. Ce sera un chemin long et difficile comme celui du faux progressisme à l’avant-veille de la Révolution quand il était bien porté chez un évêque de railler les dogmes et même de laisser entendre que l’existence de Dieu n’avait rien de précisément certain.

Mais quand elle aura subi l’épreuve de toutes ces tensions, c’est une grande force qui coulera dans cette Église, riche de son dépouillement et de sa vie intérieure ; car les hommes d’un monde intégralement planifié seront indiciblement seuls. Et, quand Dieu les aura quittés, ils mesureront toute leur pauvreté. Alors, ils découvriront la petite communauté des hommes de foi comme quelque chose d’entièrement neuf. Comme une espérance qui les concerne, comme une réponse, qu’au secret de leur cœur ils ont toujours attendue.

Cette crise de l’Église est à peine entamée. Des bouleversements considérables nous guettent. Mais une chose est également certaine ; ce qui restera définitivement, ce n’est pas cette Église, culte politique, qui avec Gobel avait connu l’échec, mais l’Église de la Foi. Jamais elle ne pourra reconquérir la puissance sociale prépondérante dont elle jouissait tout récemment encore. Mais elle refleurira et les hommes verront en elle une patrie, source de vie et d’espoir au-delà de la mort (2).


(1) Voir les remarquables développements de H. de Lubac, « L’Église dans la crise actuelle », dans la Nouvelle Revue théologique, 91 (1969), 580-596, spécialement 592 ss.

(2) Lire également avec intérêt sur ce sujet, Serviteurs du Christ, de K.Rahner, notamment le chapitre VI, consacré au prêtre de demain.
----------------------------------------------------------------------------


     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 La prophétie de Joseph Ratzinger par angloy  (2022-06-02 15:45:56)
      La prophétie de Joseph Ratzinger par Denis SUREAU  (2022-06-02 16:26:42)
          merci mais ce n'est qu'un extrait par angloy  (2022-06-02 20:30:39)
              Introuvable sur Internet par Gereo  (2022-06-03 19:14:34)
                  Ah ben ça recoupe le message que j'ai écrit plus haut. par Davidoff2  (2022-06-04 11:15:58)
                      Pas vraiment par Gereo  (2022-06-04 12:04:45)
                          Voila le texte tiré du livre "Foi et Avenir" par angloy  (2022-06-04 14:00:53)
                              Et pour aller un peu plus loin... par Davidoff2  (2022-06-04 16:49:35)


54 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]