Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

L’âge de l’euphémisme, par le R. P. Jean-François Thomas
par Vexilla Galliae 2022-06-01 23:25:20
Imprimer Imprimer

« Lorsque l’Apôtre annonce la fin des jours et les temps périlleux, il décrit les faux prophètes qui pullulent, résistant à la vérité et corrompus dans leur esprit. Cependant, il précise que leur pouvoir finira par se heurter à un mur et à éprouver ses limites : « Ils n’iront pas au-delà, car leur folie sera connue de tout le monde. » (IIe Épître de saint Paul à Timothée, III. 9) Il semble bien que notre époque soit celle du dévoilement progressif de cette folie monstrueuse. Les maîtres du monde commettent l’erreur d’enchérir dans leur délire et leur rage de détruire. Philippe Muray écrit à ce propos : « Cette époque, pour employer un euphémisme, exagère. L’exagération comique me paraît la meilleure réponse que l’on puisse apporter à cette exagération. » (Entretien dans Parutions, 2003) Comme les politiques, les journalistes, les artistes, les amuseurs publics savent qu’ils exagèrent et qu’ils risquent de finir par être découverts dans leur imposture, ils sont passés maîtres dans l’art de l’euphémisme, méthode aussi vieille que le monde déchu pour faire avaler des couleuvres. Les victimes de cette manipulation finissent elles-mêmes par l’apprécier et par s’en servir à leur tour. Philippe Muray, dans son Journal intime, donne l’exemple typique, souligné dans l’ouvrage de Hilberg sur La Destruction des Juifs d’Europe, du vocabulaire codé forgé par ceux qui vont périr, comme en écho à celui du persécuteur parlant de « solution finale » : le crématoire devient la « boulangerie », le malade incurable devient un « musulman », les dépôts d’objets pris sur les déportés deviennent le « Canada », etc. L’euphémisme cache un mensonge, refoule la réalité, crée la docilité. Il est utilisé à la fois par la proie et par le bourreau, créant une horrible collaboration.

Muray note alors : « N’euphémisez jamais. L’euphémisme, c’est la langue de l’ennemi. » (Ultima necat, Tome IV, 3 février 1992) Nous voilà prévenus, au cas où nous n’aurions pas déjà ouvert les yeux et les oreilles par nous-mêmes, car nous sommes immergés dans une atmosphère euphémisante, soigneusement entretenue par ceux qui nous gouvernent et leur valetaille aux ordres dans les domaines de la « culture », de l’information-désinformation, des associations pléthoriques. Le procédé est courant depuis la Révolution. L’inventeur de l’euphémisme semble être le bourgeois de l’ère industrielle. Tout au moins en fait-il ses choux gras. Toutes les langues de bois modernes ont des indigestions à répétition à force d’en ingurgiter, d’en dégurgiter et d’en gurgiter à la manière de pélicans boulimiques. Léon Bloy avait bien repéré le phénomène, florissant y compris au sein d’un clergé gagné au progrès, à la pratique du sport et aux enterrements de première classe. Un de ses savoureux commentaires sur les formules toutes faites et les proverbes dont sont friands les adeptes de l’euphémisme nous livre une clef : « Il faut hurler avec les loups : Précieuse maxime qui a dû être léguée par un vieux chien. Hurler, ai-je besoin de le dire ? est une litote, un euphémisme. Il s’agit de faire ce que font les loups, c’est-à-dire de manger les moutons, en commençant, bien entendu, par ceux qu’on a le devoir de garder. Le clergé bourgeois est unanime à reconnaître que c’est une pratique plutôt agréable, la chair du mouton étant exquise et bienfaisante à l’estomac de toutes les sortes de chiens. Il y a, dans Ézéchiel, un chapitre menaçant qui a l’air de leur prédire des indigestions. Mais on ne lit guère Ézéchiel dans le clergé bourgeois et, en particulier, dans le diocèse de Meaux, où j’imagine qu’on doit le trouver un peu rococo. Je cite le diocèse de Meaux parce que j’y vis — assez mal, d’ailleurs, n’étant pas berger, ni chien de berger — et que j’ai eu l’occasion d’y observer quelques curés que Bossuet n’avait pas prévus et qui ne ressemblent pas à des aiglons. Je parlerai plus tard de ces serviteurs de Dieu avec un certain luxe de détails. En attendant je leur propose l’apologue tout à fait ecclésiastique du chien de garde devenu un « chien muet », à force de hurler avec les loups et qui engloutit en silence la Chair et le Sang de l’Agneau, tous les matins. » (Exégèse des lieux communs, XXXVII) L’euphémisant est bien un carnassier et son unique but est de dévorer l’agneau, comme il a égorgé l’Agneau et qu’il continue de le faire en salissant la Création par ses apophtegmes et ses formules qui ébranlent les fondations du monde. [...] »

Suite de l'article : https://www.vexilla-galliae.fr/actualites/chetiente-christianophobie/lage-de-leuphemisme-par-le-r-p-jean-francois-thomas/

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 L’âge de l’euphémisme, par le R. P. Jean-François Thomas par Vexilla Galliae  (2022-06-01 23:25:20)


210 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]