On pourrait utiliser dans des cours de catéchisme l’image du souffleur de bulles pour expliquer aux enfants et même aux adultes la dépendance des hommes à Dieu. En s’appuyant par exemple sur ce passage d’un essai de Frank-Duquesne :

Peut-être un symbole, une image, pourront-ils nous suggérer une compréhension plus exacte de ce rapport entre les êtres et Dieu. Un homme souffle dans une pipe en terre et produit des bulles d'eau savonnée. Ces bulles existent, elles sont distinctes de celui qui les crée, chacune d'entre elles a ses dimensions et ses couleurs caractéristiques. On ne peut pas dire quelles ont seulement l'air d'exister. Leur présence n'est pas apparente, mais réelle. Cependant, la bulle n'existe qu'aussi longtemps que son créateur continue de souffler ; s'il s'arrête, elle éclate et cesse d'être : « O Eternel, si Tu leur retires Ton souffle, toutes choses expirent ; mais, si Tu leur envoies Ton souffle, elles sont créées » (Psaume 103:29-30).
Imaginons un instant que la bulle soit consciente, à sa façon. À son niveau mental de bulle, peut-elle évoquer sa propre mort ? Peut-elle suffisamment échapper à soi-même pour se considérer du dehors et se représenter comme n'existant pas ? Comme une vraie bonne bulle, prisonnière de l'espace et du temps, elle ne peut s'imaginer le monde sans elle, ni son propre anéantissement. Ainsi, tout homme sait qu'il doit mourir un jour, mais n'y croit pas... Enfin, la bulle peut-elle, par elle-même, parvenir à la connaissance du souffleur ? Cette connaissance n'appartient pas à l'horizon intellectuel des bulles. Tout au plus, notre bulle se rendra-t-elle compte de ceci : c'est que la force qui la maintient dans l'être, qui la propulse, tout en lui restant immanente – faute de quoi, la bulle « claquerait » – se renouvelle mystérieusement, sans qu'elle, la bulle, y soit pour quelque chose ou y comprenne quelque chose. Elle ne peut donc connaître, par elle-même, le souffleur, que sous le masque de sa propre impulsion vitale. Bulle, connais-toi donc toi-même !
Supposons, maintenant, que le souffleur communique à la bulle quelque chose de ses propres pouvoirs d'intellection : la bulle connaîtra son créateur, c'est-à-dire qu'elle saura nommer son impulsion créatrice. Elle l'identifiera. Mais, elle reste elle-même bulle comme avant. Elle pourra même se révolter contre le souffleur, vouloir à sa propre guise « vivre sa vie ». Suprême rébellion : elle affirmera qu'il n'y a pas de souffleur, mais une force aveugle, éternellement issue de nulle part. Elle dira même qu'elle est elle-même son propre souffleur (c'est le panthéisme) ou qu'il n'y a pas de bulle, qu'elle-même n'existe pas, qu'il n'y a qu'un souffleur, sans doute excentrique, qui s'imagine être devenu bulle (c'est la théosophie orientale). Il n'empêche que, bel et bien, la bulle existe, qu'elle n'est pas le souffleur, mais qu'elle n'existe que par son souffle.
C'est l'histoire même de nos rapports avec Dieu : livrés à nous-mêmes, nous ne serions pas. Ce que nous avons d'être, nous l'empruntons à Dieu. La formule augustinienne : tota vita gratia sola, est donc rigoureusement vraie. Comme il ne peut y avoir, entre l'Etre et le néant, entre l'Etre et ce qui n'est pas, aucun rapport qui ne provienne de l'Etre, il va de soi que Dieu n'a créé le monde par aucune prétendue « nécessité de nature ». Il n'y a ni commune mesure, ni rien qui puisse donner lieu, entre Dieu et l'homme, entre Dieu et toute créature, à des relations autres qu'un acte de souveraine volonté chez l'Un, et de totale mendicité chez l'autre.

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