Les martyrs de Laval
A l’occasion du 50ème anniversaire de la béatification des martyrs de Laval, une célébration a eu lieu le dimanche 12 juin 2005 à la basilique Notre-Dame d’Avesnières à Laval (Mayenne).
Extraits de l’homélie
Frères et sœurs,
Nous voici donc dans cette basilique pour conjuguer deux anniversaires : 150 ans d’existence pour notre diocèse de Laval et en même temps le 50ème anniversaire de la Béatification des martyrs de Laval. Que notre entrée en célébration ait débuté par l’évocation de 19 martyrs béatifiés, reconnus officiellement par l’Eglise, est un moment extrêmement fort en même temps que sobre parce que nous nous sentons bien petits devant ce parcours, ce chemin de Croix au sens propre du mot que ces baptisés, religieuses, prêtres, ont accompli au milieu de la population qu’ils ont servie.
Ils sont un trésor de foi pour toute l’Eglise, pour le diocèse, pour nous qui sommes rassemblés ce matin. Ils restent des références pour notre vie chrétienne. Ils furent d’abord et totalement des disciples de leur Seigneur, au sens où ils ont mis leur pas dans ceux du Christ, ils ont littéralement imité le Christ comme de vrais disciples : d’abord emprisonnés, condamnés, mis à mort, de la prison au tribunal et à l’échafaud dans notre ville de Laval ; comme l’a dit Mgr VILLEPELET, il y a 50 ans, à la suite de Jésus, d’abord l’agonie à Gethsémani, puis le prétoire et enfin la Croix qui est devenue l’échafaud à la suite de leur maître et Seigneur.
Eh bien, il était bon que notre entrée en célébration se fasse dans une procession qui prenne leur suite : ils nous introduisent dans le sacrifice suprême qui fut celui du Christ que nous célébrons chaque dimanche et qui est en même temps la victoire de la vie, du Ressuscité, des ressuscités que nous devenons par notre baptême.
Nous avons été frappés par la liste des 19 martyrs reconnus par l’Eglise mais il y en a d’autres plus anonymes, tout aussi méritant mais dont le souvenir est peut être perdu. Mais cette liste prend un relief particulier, ne trouvez-vous pas, car elle vient après une autre liste que la liturgie nous a invités à rappeler, celle des 12 apôtres choisis par Jésus, appelés, voulus, établis, envoyés officiellement, solennellement avec une mission, un pouvoir, des instructions, un horizon, une liste qui fonde et définit l’Eglise dont nous sommes, que nous aimons et dont nous recevons tout… … Mgr RICHAUD, en 1955, qui venait de quitter le diocèse de Laval pour Bordeaux, a éprouvé le besoin de le souligner, je le cite : “Le grand témoignage de la foi, c’est celui du sang,… le diocèse de Laval méritait bien la béatification de ses 19 martyrs… En 1794, ils étaient encore des diocésains du Mans, mais c’est la Terre mayennaise qu’ils ont arrosée de leur sang, 15 en étaient originaires.”
Je crois pourtant que notre époque contemporaine nous oblige à être clair sur le sens même du martyr car nos contemporains se méfient de ce qui est devenu notre quotidien avec des attentats-suicide qui massacrent des innocents et que nous ne pouvons que réprouver surtout lorsqu’ils se recommandent d’une autorité divine. Nos martyrs ne sont pas des fanatiques, ils ne cherchent pas la condamnation et la mort, ils ne menacent la vie de personne, ils donnent le témoignage non pas d’une cause humaine mais d’un attachement de foi à la personne de Jésus-Christ : l’un d’eux, le Père TRIQUERIE s’écriera sur l’échafaud : “Je serai fidèle à Jésus-Christ jusqu’au dernier soupir”. C’est une mort non choisie mais acceptée en fidélité au Seigneur. Voilà ce qui s’est passé au milieu de nos ancêtres. Voilà ce qui a été donné en spectacle à la population lavalloise. Voilà ce sur quoi notre foi d’aujourd’hui s’appuie.
Mgr Armand MAILLARD, évêque de Laval
Les martyrs que nous fêtons, qui sont-ils ?
Les quatorze prêtres guillotinés le 21 janvier 1794 : - Jean-Baptiste du CORMIER, 64 ans, curé de la Trinité, reconnu comme le responsable, sera exécuté le dernier à la demande de VOLCLERC l’accusateur public. - Six sont des curés : Jacques ANDRE, 50 ans, André DULIOU, 66 ans, Louis GASTINEAU, 66 ans, François MIGORET, 65 ans, Julien MOULE, 77 ans, Auguste-Emmanuel PHILIPPOT, 77 ans. - Quatre sont des aumôniers : Pierre THOMAS, 75 ans, chez les Augustines de Château-Gontier, Jean Marie GALLOT, 46 ans, chez les Bénédictines, Joseph PELLE, 74 ans, chez les Clarisses, et Jean Baptiste TRIQUERIE, 57 ans, diverses maisons franciscaines. - Trois sont hors ministères : René-Louis AMBROISE, 74 ans, Julien-François MORIN de la GIRARDIERE, 64 ans, et Francis DUCHESNE, 58 ans.
Cinq autres martyrs au long de l’année 1794
- Le 5 février : Françoise MEZIERE. Une laïque donnée à l’instruction des enfants et aux soins des malades. Elle a soigné deux Vendéens qui l’ont dénoncée. Arrêtée, elle est conduite à Laval et exécutée.
- Les 13 et 20 mars : Sr Françoise TREHUT et Sr Jeanne VERON, religieuses de la Charité Notre-Dame d’Evron. Fidèles à leur mission de soigner ; elles ont secouru ceux qui avaient besoin de leur aide. Sr Françoise l’affirme : “Bleus ou chouans, tous sont mes frères en Jésus-Christ”.
- Le 25 juin : Sr Sainte Monique, Marie LHUILIER : sœur converse des Augustines de la Miséricorde. Toute dévouée aux malades.
- Le 17 octobre : Jacques BURIN, prêtre. Il a été curé de St-Martin de Connée. Arrêté à la suite du refus de serment, il est condamné à s’exiler à plus de dix lieues. Il entre en clandestinité. En octobre 1794, deux femmes de Courcité veulent se convertir et se confesser. Malgré les conseils de prudence, il répond à cet appel : c’est un traquenard. Il est tué d’un coup de fusil. C’est un sillage de lumière qui vient jusqu’à nous.
La vénération des humbles
Très tôt, dès le jour de l’exécution, les prêtres ont été reconnus et vénérés comme “martyrs”. On a envoyé des enfants tremper des mouchoirs dans leur sang. Plus tard, en 1803, un rapport de gendarmerie signale des pèlerinages spontanés à la Croix-Bataille. Des groupes, qui peuvent aller de 50 à 600 personnes, se retrouvent près de la fosse commune où ils ont été ensevelis. Le 9 août 1816, à la suite d’un certain nombre de démarches, leurs corps sont exhumés et déposés en la basilique d’Avesnières. La glorification par l’Eglise C’est en 1839 que l’évêque du Mans ordonne les recherches sur les causes de la condamnation et les circonstances de leur mort des dix-neuf exécutés en 1794. A la suite de difficultés, d’empêchements, d’imprévus, il faut attendre 1917 pour que Mgr GRELLIER mette en marche le procès canonique. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que vont aboutir les travaux. Le 19 juin 1955, le Pape PIE XII procède à la béatification des martyrs de Laval.
Une interpellation pour notre temps
- La foi en l’Eglise : s’ils ont donné leur vie, c’est pour rester fidèles à la communion qui nous rassemble en l’Eglise du Christ. Pour eux, le serment qui leur était demandé brisait cette communion. - La foi en toute la vie : c’est une fidélité humble et quotidienne qui a imprégné leur existence et les a conduits “jusqu’au bout”. - La foi partagée : c’est avec d’autres frères et sœurs en humanité et en vie chrétienne qu’ils ont été exécutés. C’est dans la simplicité de nos existences que la vie de Dieu porte du fruit au cœur de notre monde.
Père Louis BOYER