UN grand merci pour ce rappel.
Voilà un évêque comme on aimerait en avoir aujourd'hui !
Joyeux et saint Noël à vous et à tous les liseurs de ce message.
Francis Dallais
Blanc du Midi et évêque des gueux, Mgr de Cabrières :
Cholvy (Gérard), Le cardinal de Cabrières (1830-1921). Un siècle d’histoire de la France, Paris, Les Éditions du Cerf, coll. « Cerf-Histoire », 2007
[compte-rendu]
Nicolas Champ
Annales du Midi Année 2010 122-272 pp. 586-587
À l’épiscopat du tournant des XIXe et XXe siècles, plusieurs biographies universitaires ont déjà été consacrées, mais elles se sont concentrées sur des figures libérales ou proches du courant moderniste telles que Mgr Lacroix (Christian Sorrel), Mgr Mignot (Louis-Pierre Sardella) ou Mgr Le Camus (Yves Blomme). Le courant adverse, représenté par des personnages importants comme l’évêque de Nancy, Mgr Turinaz, ou l’évêque de Montpellier, Anatole de Cabrières, attendait des études analogues. En effet, quiconque a travaillé sur l’histoire religieuse de la IIIe République n’a pu manquer de rencontrer Mgr de Cabrières. C’est à l’examen de ce dernier personnage que s’est livré Gérard Cholvy. Préparé de longue date par de nombreux articles que signale la bibliographie, l’ouvrage de G. Cholvy s’appuie sur une abondante documentation, celle qu’il avait rassemblée pour ses thèses consacrées au diocèse de Montpellier à l’époque contemporaine et qu’il enrichit par les apports récents de l’historiographie. Le plan adopté est classique : après une brève présentation des origines familiales, des années de formation et des étapes antérieures à son élévation à l’épiscopat, l’essentiel de l’ouvrage est dévolu à l’action d’Anatole de Cabrières une fois devenu évêque de Montpellier. Mgr de Cabrières est représentatif de ces «Blancs du Midi » restés catholiques tout au long de l’Époque moderne et devenus des fidèles de la branche aînée des Bourbons. Ses convictions légitimistes se muent en simples convictions royalistes après la disparition du comte de Chambord et ne sont nullement cachées par Cabrières. Toutefois, il se fixe très tôt, dès 1855, une ligne de conduite qui ne s’est jamais démentie : les intérêts de l’Église sont supérieurs à «tous les principes politiques si essentiels qu’on les suppose ailleurs » (p. 45). Né en 1830, passé par l’Assomption de Nîmes dont il reste ensuite proche de son fondateur, Emmanuel d’Alzon, formé à l’école des sulpiciens à Issy et à Saint-Sulpice, il entre dans la carrière sacerdotale comme prêtre du diocèse de Nîmes où il devient secrétaire particulier de l’évêque, Mgr Plantier. Il s’illustre alors par des prises de position légitimistes, ultramontaines et antiprotestantes qui retardèrent sans doute son accession à l’épiscopat, accession qui n’eut lieu qu’en 1873, à Montpellier. Il fut un évêque très actif et très entreprenant. Au temps de la montée des républicains et de la République opportuniste, il s’illustra par ses combats contre la préfecture. S’il fut toujours un fervent défenseur de la papauté, Mgr de Cabrières interpréta les encycliques pontificales de Léon XIII : il amoindrit singulièrement l’appel au Ralliement et les consignes pontificales d’Au milieu des sollicitudes ; de même, il fit une lecture conservatrice de Rerum Novarum. De fait, sa réputation d’ «évêque des gueux » vient surtout de sa décision, au coeur de la crise viticole de
1907, d’ouvrir ses églises pour accueillir les manifestants venus à Montpellier, intervention qui rend sa figure toujours vivante dans la mémoire languedocienne. L’action de Mgr de Cabrières dépasse largement les limites de son diocèse. Son ancrage méridional reste très fort : homme du Midi, il fut proche des félibres provençaux. En communion d’idées avec l’Action française, il joua notamment un rôle, semble-t-il, décisif en 1913-1914 : c’est l’un des acteurs permettant d’éviter une condamnation publique des oeuvres et de la revue de Charles Maurras. Si la stature du personnage est nationale, ses orientations demeurent longtemps minoritaires dans l’épiscopat français et c’est l’une des raisons de son élévation tardive au cardinalat, en 1911. Ne sombrant jamais dans l’hagiographie, son biographe ne cache pas les défaillances de Mgr de Cabrières. Son administration financière fut souvent critiquée. Après la Séparation, les oeuvres chrétiennes, l’enseignement libre demeurent insuffisamment organisés à l’échelle diocésaine. Candidat à l’Académie française, il est défait par Mgr Duchesne. Dépassant largement le strict portrait du prélat, les analyses de Gérard Cholvy se montrent toujours soucieuses de resituer le personnage dans son temps : ses réseaux d’amis – Mgr Turinaz, les assomptionnistes d’Alzon et Bailly… – tout comme ses inimitiés – les évêques libéraux comme Lecot, Mignot, F. Petit – sont fermement dessinés ; l’histoire et les spécificités du diocèse de Montpellier sont remarquablement mises en évidence. G. Cholvy donne ici une importante contribution à l’histoire religieuse et politique de la France. Nicolas CHAMP