Dimanche 8 août 2021 - Sermon du père Michel qui fêtait les 25 ans de son ordination sacerdotale :

MTRP, chers frères, chers amis,
Il y a 25 ans, le 8 août 1996, je me dirigeais en voiture à la gare d’Avignon, pour aller chercher mes chers parents, venus des États-Unis pour assister à mon ordination sacerdotale. Je n’avais pas vu mon père depuis 9 ans. Le frère qui m’accompagnait m’a dit : « Il y a 25 ans, le 8 août 1971, mon grand-père André Charlier est décédé. » Le 8 août 1971, ça fait donc aujourd’hui exactement 50 ans qu’André Charlier est mort. Et c’est aujourd’hui le 8 août que je fête mes 25 ans de sacerdoce. J’y vois un signe de la Providence : Dom Gérard m’a appelé au sacerdoce, et il a toujours attribué sa vocation monastique à l’influence de son père spirituel André Charlier. On peut dire que sans André Charlier, le moine Dom Gérard n’aurait probablement jamais existé, ni l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux. On peut dire de la même manière que sans John Senior, l’Abbaye de Clear Creek aux États-Unis n’aurait certainement jamais existé.
Ce matin, je fête donc mes 25 ans de sacerdoce, et j’ai envie de dire, avec les gens de la Décapole que Jésus « a bien fait toutes choses ». C’est pour cela, en guise de commentaire de l’évangile ce matin, permettez-moi de vous parler de la guérison d’un sourd-muet, Mr John Nash. Connaissez-vous Mr John Nash ? John Nash était un mathématicien américain, né en Virginie-Occidentale. En 1994, il est devenu célèbre dans le monde entier, car il a reçu cette année-là un Prix Nobel. L'évangile de ce matin nous parle de la guérison d'un sourd-muet, et il est traditionnel à ce propos d'évoquer le grand mystère du péché originel, qui a rendu l'humanité sourde et muette. Depuis le péché originel, sans le baptême, la Parole de Dieu ne pénètre pas très bien dans l'homme, l’homme déchu est sourd ; et l'homme est incapable de parler correctement, de transmettre aux autres cette même parole, l’homme déchu est muet. Je pensais que l'exemple de John Nash pouvait illustrer un peu ce mystère du péché originel. J'ai lu récemment sa biographie, un livre assez dense de 450 pages, publié en anglais mais non traduit en français, à ma connaissance. Par contre, le film « Un homme d'exception », basé sur ce livre, existe en français. Le grand acteur Russell Crowe joue admirablement le personnage, et le film a remporté en 2001 quatre Oscars. John Nash a obtenu son doctorat en mathématiques vers 1950, à la célèbre Université de Princeton, aux États-Unis. Albert Einstein y était chercheur, et à l'époque cette université était le centre mondial pour les mathématiques. C'est pour les découvertes aboutissant à ce doctorat, obtenu à l'âge de 21 ans, que Nash recevra un Prix Nobel, plus de 40 ans plus tard. Entre temps, il va tomber gravement malade, à l'âge de 30 ans il sera atteint d'une schizophrénie grave, si grave que sa femme finira par divorcer ; John Nash ne pourra plus enseigner à Princeton ; bref, il connaîtra une déchéance totale. Sa schizophrénie le coupe du monde extérieur, il devient un “sourd-muet” au point de vue de la relation avec autrui. Mais, chose rare, il en guérira, au bout de 25 ans d'âpres épreuves. Et il reprendra ses cours à Princeton, il recevra même le Prix Nobel en économie , et… se remariera avec sa femme, en 2001 !
En grande partie, c'est grâce à l'aide de sa femme, qui a été pour lui comme un Efféta, Ouvre-toi, que John Nash a pu guérir. Le moment le plus émouvant du film évoque cela. Alors que John semble définitivement perdu, sa femme se met à genoux devant lui. Elle vient de décider, en accord avec le psychiatre, de garder John chez elle, tout en restant divorcée, et de ne plus l'interner à l'hôpital psychiatrique. Très consciente des risques que cela comportait, elle met sa main sur le cœur de John, puis sa main sur sa tête malade, et dit très lentement : « J'ai besoin de croire que quelque chose d'extraordinaire est encore possible ». 15 années d'épreuves vont suivre pour elle, avant la guérison miraculeuse de John. Sans l’aide de sa femme, John Nash n’aurait probablement jamais guéri, ni reçu le Prix Nobel. Sans André Charlier, ce monastère n’existerait probablement pas. C’est la communion des saints.
Le généticien Jérôme Lejeune, disait : « Il y a quelque chose qui frappe beaucoup le neurologue, et le médecin que je suis, c'est qu'il y a vraiment une faille à l'origine de la nature humaine (…) le cœur et la raison ne vivent pas en très bonne intelligence, et c'est probablement ça, le signe du péché originel. » Le cœur et la raison : c’est pour ça que la femme de John Nash met sa main sur le cœur et la tête de son mari.
Pour schématiser, on peut dire que la femme, c’est le cœur. On dit que la femme pense avec son cœur. Au cœur de l’Église ma Mère, je serai l’amour, disait sainte Thérèse. L’homme, c’est la tête, la raison. Le Pape est la tête de l’Église. Plusieurs frères m’ont demandé cette semaine si, dans mon sermon, j’allais parler du Motu Proprio du Pape François. Je leur ai dit : « Non, ce n’est pas à moi de faire ça. » Pourtant, hier, une idée m’est venue. Nous sommes nombreux à vouloir une chose : qu’une femme intervienne dans l’Église. Et pas n’importe laquelle. Celle que nous allons fêter dans 8 jours. Nous sommes nombreux à prier pour que cette Femme, Marie, vienne par exemple se mettre à genoux devant le Saint-Père. Qu’elle pose sa main sur le cœur du Pape, puis sa main sur la tête du Pape, et qu’elle lui dise, au sujet de ce Motu Proprio : « Très Saint Père, j’ai besoin de croire que quelque chose d’extraordinaire est encore possible. » Après 25 ans de sacerdoce, c’est la grâce que je demande à Marie, qui est la femme de ma vie.

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