Extrait d’une lettre d’Albert Frank-Duquesne, alors prêtre orthodoxe, adressée (en 1940) au mandataire de Belgique du Patriarche œcuménique Benjamin. L’auteur de Cosmos et Gloire y explicite les raisons de son abandon de l’Orthodoxie.
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L’Église de Rome est la seule, non qui dise : « C'est moi l'Eglise » – les disjecta membra de l'Orthodoxie en font autant – mais qui traduise cette affirmation dans les faits. Précisément parce qu'elle ne cède rien du principe, elle peut se permettre, l'essentiel étant irrévocablement sauvegardé, d'être coulante quant aux modalités d'application : d'où, par exemple, ses deux Droits Canons et ses seize rites. Mais, où, par contre, on abandonne les necessaria au vague de l’indétermination (1), où l’on n’ose même pas aborder l’ecclésiologie (haro sur le théologien téméraire qui s’en mêle !), il faut bien, pour maintenir un dernier semblant d’unité, se rabattre sur les dubia. Aussi l’Orthodoxie n’accorde-t-elle le statut d’Église (particulière) orthodoxe qu’aux confessions religieuses qui suivent fidèlement le rite byzantino-slave (2).
(…)
Aujourd’hui plus que jamais, le monde déchiré par les haines et les rivalités – sur le plan moral et spirituel, plus encore que sur celui des intérêts matériels – a faim et soif d’unité, d’unité profonde et vraie. D’une unité fondée « en esprit et en vérité » : unité et unicité du Corps mystique, dans lequel nous devenons tous « un seul esprit avec le Seigneur » ; vérité de notre humaine nature, laquelle, même indissolublement vouée à l’unité, la manifeste par la diversité. Dans l’Orthodoxie actuelle, au lieu qu’une seule Église offre à Dieu la diversité de ses rites, je trouve plusieurs Églises n’ayant de lien que l’unité du rite. Sous le vernis d’une fraternité toute « conciliaire » – on sait ce que St Basile le Grand pensait de la fraternité des Conciles ! – ces Église servent surtout d’Intelligent Department spirituel – de « gendarmerie religieuse » comme disait Napoléon – d’éclaireuses, modifiant leur politique religieuse selon les besoins momentanés de la politique gouvernementale : première servante de l’État, conscience religieuse de la nation, l’Église est serve et s’en fait gloire.

1) C'est de quoi le R. P. Boulgakov félicite l'Orthodoxie : ce corps cartilagineux, dit-il en substance dans L'Orthodoxie, peut se permette toutes les métamorphoses ; ce dont l'Église romaine, ossifiée, n’est plus capable. Mais la rigidité ne porterait-elle pas, à Rome, sur l'essentiel, dans l'Orthodoxie, sur le secondaire ? Et la souplesse ne caractérise-t-elle pas, à Rome, le secondaire, et dans l'Orthodoxie, l'essentiel (pauvreté du formulaire dogmatique) ?
2) Un hiérarque orthodoxe, commentant les Conférences œcuméniques de 1937, nous confiait : « La Church of England ne sera pleinement une Église à nos yeux, que lorsqu'elle reconnaîtra pour arbitre le Patriarche œcuménique et célébrera la Liturgie selon le rite chrysostomien ».

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