La poubelle de Luther
Ainsi le "père de la Réforme" (1483-1546) vécut-il grand train dès son enfance, chez ses parents à Mansfeld, en Saxe-Anhalt (est de l'Allemagne).

Par Lorraine Rossignol

Perdrix, oies, cochons de lait... On ne se privait de rien, chez les Luther. Les jours de jeûne, on troquait les viandes rôties pour des poissons de mer coûteux, morue ou hareng, mais c'est toujours avec des couverts précieux, des verres filigranés, que l'on se mettait à table. Ainsi le "père de la Réforme" (1483-1546) vécut-il grand train dès son enfance, chez ses parents à Mansfeld, en Saxe-Anhalt (est de l'Allemagne).

C'est du moins ce que révèle le contenu de la poubelle familiale, méticuleusement inspectée, depuis 2003, par des archéologues allemands, dans le cadre d'une campagne de fouilles lancée par la Direction du patrimoine du Land de Saxe-Anhalt, qui s'est aussi intéressée à la maison dite "de Luther", à Wittenberg, où l'ex-moine vécut plus tard avec sa femme, issue d'une famille patricienne, et leurs six enfants. Là aussi, verres de Venise et faïences turques faisaient partie du quotidien.

Le tout donne lieu à une exposition, "Des archéologues sur les traces du Réformateur", au Musée régional de Halle. Si, derrière les vitrines, les morceaux d'os, arêtes, n'ont rien de spectaculaire, ces trouvailles n'en font pas moins grand bruit en Allemagne : Martin Luther, héros national qui dénonça les fastes de l'Eglise catholique, vécut comme un bourgeois.


Luther donna une autre image de son enfance. "Mon père était un pauvre mineur", affirma-t-il, ma mère "devait porter le bois sur son dos". Les archéologues déduisent au contraire que les parents du Réformateur étaient des entrepreneurs prospères et que leur petit Martin ne manquait de rien pour s'amuser : jeu de quilles en os de boeuf, arbalète pour enfant...

L'histoire porte un coup au mythe de Luther en Allemagne
Taxé de vanité et d'affabulation, le réformateur est maintenant l'objet de tous les soupçons : "Sa traduction de la Bible en allemand n'était nullement la première, il y en a eu dix-huit autres avant, révèle l'hebdomadaire Die Zeit. Et même sa célèbre citation : "Si je savais que demain le monde devait disparaître, je n'en planterais pas moins aujourd'hui un pommier"", est apocryphe, selon le journal : "C'est celle d'un pasteur de Hesseet qui date de 1944." Seul le poids de Luther à sa mort échappe à cette crise de doute généralisée quant à ses gestes et ses dires : 150 kilos.

Lorraine RossignolLe Monde

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