Entretien sur le blog Le Rouge & le Noir, 17 mai 2021, par Karl Peyrade, "Les inquisitoriales"
Le Rouge & le Noir
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R&N : Au-delà même du désir du Saint Père de faire grandir la collégialité épiscopale et la synodalité, une participation grandissante des laïcs dans les décisions de l’Église est souhaitée par de plus en plus de diocèses et paroisses. Que pensez-vous d’un tel positionnement ?
Abbé Claude Barthe : C’est en effet un phénomène qui se développe depuis le Concile. Il s’accroît considérablement aujourd’hui, spécialement en France, du fait de la disparition du clergé. Dans les diocèses, les évêques confient de plus en plus de fonctions à des laïcs. Elles n’empiètent pas cependant sur la charge épiscopale. Car dans les faits, les pouvoirs de l’évêque sont liés par le haut, c’est-à-dire par la Conférence des Évêques et ses organes et bureaux. Dans les paroisses la prévalence du laïcat est plus marquée. Le manque de prêtres fait que les paroisses sont prises en charge par des équipes de laïcs, appelées Équipes d’Animation Pastorale (EAP), auxquelles est confiée la « participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse », par interprétation large du canon 517 § 2. Cela cantonne le prêtre, qui doit desservir des territoires de plus en plus vastes, dans un rôle d’accompagnateur. Bien des évêques français auront bientôt à leur disposition si peu de prêtres que leurs diocèses seront divisés en une poignée de paroisses prises en charge par des laïcs, avec quelques prêtres qui sillonneront le diocèse pour consacrer l’Eucharistie.
Je pense que cela est désastreux, non seulement pour le fonctionnement interne de l’Église, mais aussi pour le laïcat, car en fait, il se détourne des affaires de la Cité qui lui reviennent en propre, pour s’occuper d’affaires cléricales. Il y a une sorte de « cléricalisation » des laïcs catholiques, lesquels par ailleurs vont se réduisant, dans bien des paroisses de province, à une poignée de retraités.
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R&N : Dans une Église en évolution avec un nombre de prêtres décroissant, que pensez-vous que doit être la place du prêtre aujourd’hui (guide spirituel/manager d’équipes/organisateur d’événements) ?
Abbé Claude Barthe : Je pense qu’il est nécessaire que le prêtre soit plus prêtre que jamais, qu’il exerce pleinement son rôle missionnaire, d’enseignement, d’administration des sacrements, qu’il soit homme de prière, de soutien spirituel. Ce faisant, d’ailleurs, il contribuera à attirer des vocations sacerdotales et religieuses.
R&N : Justement, au vu de la "crise des vocations" que subissent particulièrement les pays occidentaux, quelle est la raison d’être de l’exigence de l’état de vie des prêtres (célibat), et pourquoi est-il nécessaire pour porter du fruit ? Que répondriez-vous à ceux qui défendent le contraire ?
Abbé Claude Barthe : Le célibat ecclésiastique n’est pas de soi responsable de la crise des vocations : c’est une banalité de remarquer qu’il y a aussi une crise des vocations chez les pasteurs protestants mariés et plus généralement dans tous les domaines où est réclamé un engagement de bénévolat sur le long terme. La crise des vocations marque en réalité la déliquescence dramatique de la foi chrétienne et de la charité. Le catholicisme qui reste est très tiède.
Le vrai fondement du célibat ecclésiastique est l’état de vie assumé par le Christ lui-même, au sacerdoce duquel participent les prêtres de l’Église. Un lien profond unit la virginité et le sacerdoce, disait Paul VI dans l’encyclique Sacerdotalis cælibatus, « et cette participation sera d’autant plus parfaite que le ministre sacré sera affranchi de tout lien de la chair et du sang ». A l’inverse de ce que disent les adversaires de cette ascèse, les fruits qu’elle est destinée à porter sont notamment la croissance du nombre des ouvriers pour la moisson.
R&N : De même, nous assistons à de nombreux débats dans la société sur la parité, qui touchent aujourd’hui l’Église. Pensez-vous que les femmes devraient davantage être mises en avant dans l’Église ? Quel rôle est-il bon qu’elles aient quand nous pensons aux charismes et vocations propres que Dieu a donnés à l’homme et à la femme ? Que pensez-vous par exemple de certaines velléités que certains membres de la Curie romaine affichent d’ouvrir l’accès au diaconat aux femmes ?
Abbé Claude Barthe : Dieu a voulu une humanité sexuée, une complémentarité dans la distinction et non un arasement dans la « parité ». La femme, et c’est merveilleux du point de vue de la création, est pour la maternité, non seulement physique mais psychologique, éducative, spirituelle. Elle est la générosité qui transmet et entretien la vie. Le rôle des épouses et mères dans la vie chrétienne, celle des familles et des communautés, a toujours été immense depuis l’origine de l’Église. Y compris dans la virginité consacrée, où la femme chrétienne se prive volontairement des épousailles et de la maternité pour un mariage avec l’Époux divin et une fécondité spirituelle plus haute encore.
Le diaconat est un ordre sacré, et la revendication du diaconat féminin se heurte à la même impossibilité que celle du sacerdoce féminin : le Christ, Souverain Prêtre, était un homme et il n’a conféré la participation à son sacerdoce qu’aux Apôtres. En même temps, il a confié à sa Mère, en saint Jean, la maternité spirituelle de chacun des chrétiens. La sainteté de Marie aurait pourtant mille fois mérité le sacerdoce s’il avait été convenable pour elle. Où donc, hors le christianisme, reconnaît-on une place aussi sainte et aussi importante à la Femme, à Marie, et aux femmes ?