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Cette phrase est de Bernanos, non de Mgr Lustiger
par Fenestri 2021-04-26 11:30:18
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Ce qui ne l'a sans doute pas empêché de la reprendre à son compte, enfin vous me comprenez...

Extrait de "Frère Martin", paru dans la revue Esprit en octobre 1951 (note : les capitales sont dans le texte d'origine) :

"Comme mon cher curé de campagne je pense souvent à Martin Luther. Dans un de ses livres, Jacques Maritain s’est donné le cruel plaisir de reproduire, à quelques pages de distance, deux portraits du chef de la Réforme. Le second nous montre un Luther vieilli, le visage endolori par une sorte de bouffissure analogue à celle de la décomposition, les traits méconnaissables et presque entièrement animalisés. Jacques Maritain est né protestant et peut-être a-t-il cru trouver dans cette horrible métamorphose un témoignage irrécusable, effroyable, d’une faillite spirituelle probablement sans exemple dans l’histoire. A quoi bon ? Que ce malheureux, égaré par la haine et pris au piège du mal dont il subit visiblement la fascination, ait fini par ressembler tragiquement à quelqu’un de ces cardinaux sodomites qu’il dénonce, je crois qu’il y a plutôt là de quoi nous faire rêver aux mystérieux desseins de la toute-puissante miséricorde sur cet homme étrange. J’aime mieux essayer de comprendre quelque chose aux épisodes d’un drame dont le vrai dénouement nous restera toujours inconnu en ce monde, et peut-être dans l’autre - qui peut savoir, en effet, où la douce pitié de Dieu cachera ceux qu’elle a volés à l’enfer, par quelque stratagème irrésistible, pour l’éternelle confusion des justes et des sages ?
Il y a un moment, j’écrivais que les scandales de la Renaissance romaine ont jeté Luther dans le désespoir. Cela n’est sans doute vrai qu’en partie. Pour un moine de son temps, cette sorte de danse macabre n’avait rien qui pût déconcerter la raison ni la conscience, et la fin attendue, inévitable, s’en trouvait inscrite en pierre sous le porche des cathédrales. Les gens d’Eglise auraient volontiers toléré qu’il joignît sa voix à tant d’autres voix plus illustres ou plus saintes qui ne cessaient de dénoncer ces désordres. Le malheur de Martin Luther fut de prétendre réformer. Que l’on veuille bien saisir la nuance. Je voudrais ne rien écrire dans ces pages qui ne soit directement accessible à n’importe quel homme de bonne foi, croyant ou incroyant, qu’importe ! Lorsque je parle du mystère de l’Eglise, je veux dire qu’il y a certaines particularités dans la vie intérieure de ce grand corps que croyants et incroyants peuvent interpréter d’une manière différente, mais qui sont des faits d’expérience. C’est, par exemple, un fait d’expérience qu’on ne réforme rien dans l’Eglise par les moyens ordinaires. Qui prétend réformer l’Eglise par ces moyens, par les mêmes moyens qu’on réforme une société temporelle, non seulement échoue dans son entreprise, mais finit infailliblement par se trouver hors de l’Eglise. Je dis qu’il se trouve hors de l’Eglise avant que personne ait pris la peine de l’en exclure, je dis qu’il s’en exclut lui-même, par une sorte de fatalité tragique. Il en renonce l’esprit, il en renonce les dogmes, il en devient l’ennemi presque à son insu, et s’il tente de revenir en arrière, chaque pas l’en écarte davantage, il semble que sa bonne volonté elle-même soit maudite. C’est là, je le répète, un fait d’expérience, que chacun peut vérifier s’il prend seulement la peine d’étudier la vie des hérésiarques grands ou petits. ON NE RÉFORME L’EGLISE QU’EN SOUFFRANT POUR ELLE, ON NE RÉFORME L’EGLISE VISIBLE QU’EN SOUFFRANT POUR L’EGLISE INVISIBLE. On ne réforme les vices de l’Eglise qu’en prodiguant l’exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d’Assise n’ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu’il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n’a pas défié l’iniquité, il n’a pas tenté de lui faire front, il s’est jeté dans la pauvreté, il s’y est enfoncé le plus avant qu’il a pu, avec les siens, comme dans la source de toute rémission, de toute pureté. Au lieu d’essayer d’arracher à l’Eglise les biens mal acquis, il l’a comblée de trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d’or et de luxure s’est mis à fleurir comme une haie d’avril. Oh ! je sais bien qu’en de tels sujets, les comparaisons ne valent pas grand-chose, surtout lorsqu’elles ne sont pas exemptes d’une pointe d’humour. Me serait-il permis de dire pourtant, afin d’être mieux compris par certains lecteurs, que l’Eglise n’a pas besoin de critiques, mais d’artistes ?... En pleine crise de la poésie, ce qui importe n’est pas de dénoncer les mauvais poètes, ou même de les pendre, c’est d’écrire de beaux vers, de rouvrir les sources sacrées.
L’EGLISE N’A PAS BESOIN DE RÉFORMATEURS, MAIS DE SAINTS. Martin Luther était le réformateur né. Il y a des réformateurs dont le destin tragique nous paraît explicable, Lamennais par exemple. On comprend très bien que cette corde exagérément tendue se soit brisée sur une note trop haute. Un ancien familier de Pie XI m’a rapporté que ce pape avait une sorte de dévotion à la mémoire du pauvre Féli. Sans doute n’aurait-il pas montré la même compassion pour Luther, car ce pape et ce moine inflexibles se ressemblent par trop de points pour avoir jamais été capables de se prendre l’un l’autre en pitié. Oh ! ce n’est pas que Lamennais ne me paraisse mériter rien d’autre qu’une compassion un peu dédaigneuse. S’il n’eût dépendu que de ce petit Breton infirme, avec sa logique poignante, à la fois implacable et tendre, son éloquence naïve et sublime, parfois un peu niaise, et qui fait penser à un beau devoir d’écolier mais écrit avec tout le sang d’un coeur d’homme, l’immense désastre de l’Eglise avec le monde ouvrier aurait probablement pu être évité. Quand cet homme maigre, noir et voûté, dévoré par la maladie, jetait de son banc à la Chambre, de sa voix caverneuse d’agonisant, le cri prophétique : « Malheur aux pauvres ! », il annonçait aussi bien Staline, Hitler, Mussolini ou Franco, que les hommes des monopoles et des trusts, il montrait les grands charniers ouverts. Non ! ce n’était certes pas là un homme sans moyens et sans défense, il était seulement né trop nerveux, trop sensible, avec une vanité de femme ou de poète, il était fait pour le désespoir comme un beau vase pour le liquide qui doit le remplir, il s’est rempli de désespoir jusqu’au bord. Mais lui, Luther, Martin Luther, il était plutôt fait pour la joie, la rude joie du travail ouvrier, du travail quotidien, du fardeau mis sur l’épaule, ou déchargé d’un coup de reins. Oui, c’était un homme qui n’avait rien d’un beau vase, mais plutôt un pichet de paysan, un de ces pichets de grossière faïence, couleur de miel, dans lesquels on va tirer au tonneau n’importe quoi, du cidre, de la bière, de l’eau-de-vie. Eh bien, cet homme fort n’a pas tenu plus longtemps que l’autre, il s’est affolé lui aussi, on l’a vu prendre le mors aux dents, à la manière d’un cheval de labour qui a mis son gros pied dans un nid de guêpes, il est parti en ruant gauchement des quatre sabots, ventre à terre, et lorsqu’il s’est arrêté - non pas fatigué, certes, mais pour voir où il était, reprendre son souffle, flairer ses plaies - la vieille Eglise était déjà bien loin derrière lui, à une distance immense, incalculable, séparée de lui par toute une éternité, ô rage, ô stupeur, ô déchirante infortune !..."

Le texte est trouvable en intégralité ici

     

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      Merci bien par Rothomagus  (2021-04-26 21:25:28)


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