La fin tragique de la chapelle Saint-Joseph de Lille

L’université catholique de Lille achève à coups de pelleteuses la destruction de la chapelle Saint-Joseph. Les derniers recours de l’association Urgences patrimoine viennent d’être rejetés par la justice qui la condamne à payer pour avoir voulu sauver l’édifice.

Rongé de tous côtés, le squelette restant de la chapelle Saint-Joseph s’effondre par blocs en grands fracas sous les assauts des pelleteuses. Il y a quelques jours encore, l’édifice bâti par les jésuites à la fin du XIXème siècle se dressait majestueusement dans le quartier Vauban au cœur de Lille. Le spectacle est déchirant pour certains Lillois autant que pour les défenseurs du Patrimoine qui auront œuvré jusqu’au bout pour éviter cette destruction. À l’image de l’association Urgences patrimoine, présidée par Alexandra Sobczak, qui vient de connaître de nouveaux sévices.

Urgences patrimoine condamnée à payer 1 000 euros à l’Etat
Alors que les premières offensives des pelleteuses commençaient le 10 février, Urgences patrimoine mettait ses derniers espoirs dans de nouveaux recours déposés en justice, auprès du Conseil d’Etat et du tribunal administratif de Lille qui devait la recevoir en audience le 18 février.

Les deux instances lui ont finalement donné tort, le 18 puis le 19 février, jour où le tribunal administratif a ainsi condamné l’association à verser 1 000 euros à l’Etat pour rembourser les frais qu’il avait dû engager dans la procédure de référé. « C’est tout simplement scandaleux. Cette condamnation, pour une association citoyenne comme la nôtre qui ne bénéficie d'aucune subvention publique et qui a moins de 10.000 euros par an pour fonctionner est vraiment le signe que l'on souhaite nous voir disparaître », se désole Alexandra Sobczak, qui attend de voir si le Conseil d’Etat infligera à son tour à l’association une telle pénalité. Depuis le printemps dernier, ses requêtes successives ont été rejetées tour à tour. Le premier coup de massue décisif fut donné par le ministère de la Culture le 14 novembre 2020, lorsque la ministre Roselyne Bachelot refusa le classement du monument, seule manière de le préserver de la démolition.

Depuis, les autorités n’ont pas manqué d’occasions d’exercer leur clémence. Elles ont préféré persister et signer en faveur de la destruction de la chapelle. Celle-ci sera bientôt remplacée par un campus étudiant de l’école Junia, membre de l’université catholique de Lille et propriétaire des lieux.

Coup de gueule de Stéphane Bern et dernier hommage
Soutien de premier plan en matière patrimoniale, Stéphane Bern lui-même s’est ému à plusieurs reprises du sort réservé à la chapelle Saint-Joseph. Il y a quelques jours, il a adressé un message à la présidente d’Urgences patrimoines après avoir interpellé les responsables politiques sur Twitter. « Comme vous je suis scandalisé que l’association Urgences patrimoine ait été condamnée à payer 1 000 euros à l’Etat mais je suis persuadé qu’un jour l’Etat aura à répondre d’avoir laissé démolir nos trésors du patrimoine », lui a-t-il confié. Il apportera son soutien financier à la pénalité financière de l’association qui ne survit que par des dons.

Elle ne sauvera pas l’édifice, mais une dernière décision est tout de même attendue d’ici six à huit mois de la part du tribunal administratif de Lille, après le dépôt par Urgences patrimoine d’un recours au fond le 15 novembre dernier pour contester le fait que la chapelle ne méritait pas d’être classée aux monuments historiques. « Nous mettrons tout en œuvre pour, à défaut de l’avoir sauvé, la venger et faire enfin reconnaître ses qualités architecturales notables, hélas ‘’post mortem’’ », indique Urgences patrimoine sur son site La Gazette du patrimoine.

Mardi 20 janvier, quelques riverains et membres de l’association sont venus rendre un dernier hommage à la chapelle et déposer des roses sur la grille interdisant l’accès au chantier. « Nous n'avons pas été autorisés à rentrer dans l'enceinte même de la chapelle, mais on m'a tout de même fait cadeau de deux petits morceaux d'elle, que j'emporte avec moi comme le graal absolu et qui ne me quitteront jamais. Certains trouveront cela un peu "too much" et théâtral, mais peu importe, moi j'en avais besoin », confie Alexandra Sobczak. Son combat pour sauver la chapelle aura duré un temps symbolique, neuf mois, le temps d’une grossesse. Aujourd’hui vient une fois pour toutes celui du deuil.

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