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Contempler avec les yeux de l'esprit
par Abbé Néri 2020-06-16 16:28:36
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Même si la réforme liturgique a fait disparaître la plupart d’octaves, on peut continuer à s’inspirer de la piété séculaire qui les a instituées et développées. Elles permettent de prolonger la contemplation de la solennité qu’elles célébrant. Ainsi dans l’office du dimanche dans l’octave du Saint Sacrement l’Eglise nous offre deux textes patristiques particulièrement intéressants. Tout d’abord un extrait de l’homélie 70 de saint Jean Chrysostome :

« Puisque le Verbe a dit : « Ceci est mon corps, » adhérons et croyons à sa parole, et contemplons-le des yeux de l’esprit. »

Et vraiment c’est excellent de considérer que fondés dans la parole de Dieu nous pouvons contempler des yeux de l’esprit. Et cela parce que :

« Le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais sous des choses sensibles, il nous donne tout à comprendre. »

Et, comme les sacrements correspondent à ces choses sensibles par lesquels le Christ nous offre ses dons spirituels, le saint docteur emploie l’exemple du baptême pour illustrer son propos :

« Il en est de même dans le baptême aussi, où par cette chose tout à fait sensible, l’eau, le don nous est conféré ; spirituelle est la chose accomplie, à savoir la régénération et la rénovation. »

En effet, de même que l’eau en lavant et purifiant par son contact rend une sorte de nouvel éclat, ainsi le baptême en purifiant l’âme la rend conforme au Fils qui est l’image parfaite du Père et c’est ainsi qu’elle naît à la vie de la grâce et est renouvelé en profondeur. Ainsi s’explique l’économie divine :

« Si tu n’avais point de corps, il n’y aurait rien de corporel dans les dons que Dieu te fait ; mais parce que l’âme est unie au corps, il te donne le spirituel au moyen du sensible. »

Acceptant avec docilité cette pédagogie divine saint Jean Chrysostome nous guide dans la contemplation :

« Combien y en a-t-il maintenant qui disent : Je voudrais le voir lui-même, son visage, ses vêtements, sa chaussure ?

Eh bien, tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu désires de voir ses habits, et le voici lui-même qui te permet, non seulement de le voir, mais encore de le toucher, de le manger et de le recevoir au dedans de toi. »


Et il tire une conséquence sous forme d’avertissement :

« Que personne donc ne s’approche avec dégoût, avec nonchalance ; que tous viennent à lui, brûlants d’amour, remplis de ferveur et de zèle. »

Et, pour nous exciter à un plus grand zèle, il a recours à la comparaison avec le repas pascal :

« Si les Juifs mangeaient l’agneau pascal debout, avec leur chaussure, un bâton à la main, avec empressement, à combien plus forte raison dois-tu pratiquer ici la vigilance !

Les Juifs étaient alors sur le point de passer de l’Égypte dans la Palestine, c’est pourquoi ils avaient l’attitude de voyageurs : mais toi, tu dois émigrer au ciel. Il te faut donc toujours veiller ; car ce n’est pas d’un léger supplice, que sont menacés ceux qui reçoivent le corps du Seigneur indignement. Songe à ta propre indignation contre celui qui a trahi et ceux qui ont crucifié le Sauveur ; prends garde que tu ne deviennes, toi aussi, coupable du corps et du sang du Christ.

Ces malheureux firent souffrir la mort au très saint corps du Seigneur, et toi, tu le reçois avec une âme impure après tant de bienfaits. Non content de s’être fait homme, d’avoir été souffleté, crucifié, le Fils de Dieu a voulu de plus s’unir à nous, de telle sorte que nous devenons un même corps avec lui, non seulement par la foi, mais effectivement et en réalité.

Qui donc doit être plus pur que celui qui est participant d’un tel sacrifice ?

Quel rayon de soleil ne doit point céder en splendeur à la main qui distribue cette chair, à la bouche qui est remplie de ce feu spirituel, à la langue qui est empourprée de ce sang redoutable ?
Pense à tout l’honneur que tu reçois et à quelle table tu prends place. »


Ainsi donc au si grand honneur qui nous est fait doit correspondre un grand respect, car :

« Ce que les Anges regardent en tremblant, ce dont ils ne peuvent soutenir la rayonnante splendeur, nous en faisons notre nourriture, nous nous y unissons et nous devenons avec le Christ un seul corps et une seule chair. »

« Qui dira les puissances du Seigneur, et fera entendre ses louanges? »

Et pour nous exhorter davantage à cette louange il va comparer la sollicitude du Christ pour nous, non seulement à celle du bon pasteur mais à celle d’une mère pour son nourrisson !

« Quel pasteur n’a jamais donné son sang pour nourriture à ses brebis ?

Que dis-je, un pasteur ?

Il y a beaucoup de mères qui livrent à des nourrices étrangères les enfants qu’elles viennent de mettre au monde : Jésus-Christ n’agit pas de la sorte, il nous nourrit lui-même de son propre sang, il nous incorpore absolument à lui. »


A ce texte magnifique de Saint Jean Chrysostome la liturgie ajoute cet autre de saint Grégoire le grand, où le saint Pontife compare les jouissances corporelles aux jouissances spirituelles :


« Voici, très chers frères, en quoi les jouissances du corps et celles de l’âme diffèrent ordinairement ;

- Les jouissances corporelles, avant leur possession, allument en nous un ardent désir ; mais pendant qu’on s’en repaît avidement, elles amènent bientôt au dégoût, par la satiété même, celui qui les savoure.
- Les jouissances spirituelles, au contraire, provoquent le mépris avant leur possession, mais excitent le désir quand on les possède ; et celui qui les goûte en est d’autant plus affamé qu’il s’en nourrit davantage.

Dans celles-là, le désir plaît, mais l’expérience est déplaisir ; celles-ci semblent au contraire de peu de valeur lorsqu’on ne fait encore que les désirer, mais leur usage est ce qui plaît le plus.

Dans les premières, l’appétit engendre le rassasiement, et le rassasiement, le dégoût ; dans les secondes, l’appétit fait naître la jouissance, et le rassasiement, l’appétit.

Les délices spirituels augmentent en effet le désir dans l’âme, à mesure qu’elle s’en rassasie ; plus on goûte leur saveur, mieux on connaît qu’on doit les désirer avec avidité ; c’est ce qui explique pourquoi on ne peut les aimer sans les avoir éprouvées, puisqu’on n’en connaît pas la saveur.

Qui peut, en effet, aimer ce qu’il ne connaît pas ?

Aussi le Psalmiste nous en avertit en disant :

« Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ».

Comme s’il disait formellement :

Vous ne connaissez pas sa douceur si vous ne le goûtez point, mais touchez avec le palais de votre cœur, l’aliment de vie, afin que, faisant l’expérience de sa douceur, vous deveniez capables de l’aimer.

L’homme a perdu ces délices quand il pécha dans le paradis ; il en sortit lorsqu’il ferma sa bouche à l’aliment d’éternelle douceur.

De là, vient aussi qu’étant nés dans les peines de cet exil, nous en arrivons ici-bas à un tel dégoût, que nous ne savons plus ce que nous devons désirer.

Cette maladie de l’ennui s’augmente d’autant plus en nous, que l’âme s’éloigne davantage de cette nourriture pleine de douceur.

Elle en arrive à perdre tout appétit pour ces délices intérieurs, par cette raison même qu’elle s’en est tenue éloignée et a perdu depuis longtemps l’habitude de les goûter.

C’est donc notre dégoût qui nous fait dépérir ; c’est cette funeste inanition prolongée qui nous épuise. Et, parce que nous ne voulons pas goûter au dedans la douceur qui nous est offerte, nous aimons, misérables que nous sommes, la faim qui nous consume au dehors. »

     

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