Article IV
- LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?
A ces deux raisons théologiques relatives à la maternité divine s'ajoute une confirmation importante qui apparaîtra de plus en plus en parlant de la médiation universelle de Marie. Elle pouvait en effet dès ici-bas et dès qu'elle a pu mériter et prier, plus obtenir par ses mérites et ses prières que tous les saints ensemble, car ils n'obtiennent rien sans la médiation universelle de la Sainte Vierge qui est comme l'aqueduc des grâces ou, dans le Corps mystique, comme le cou par lequel les membres sont unis à la tête.
Bref, Marie, dès qu'elle put mériter et prier, pouvait sans les saints obtenir plus que tous les saints ensemble sans elle. Or le degré du mérite correspond au degré de la charité et de la grâce sanctifiante. Marie a donc reçu dès le début de sa vie un degré de grâce supérieur à celui que possédaient immédiatement avant leur entrée au ciel tous les saints et tous les anges réunis.
Il y a d'autres confirmations indirectes ou des analogies plus ou moins éloignées : une pierre précieuse comme le diamant vaut plus que quantité d'autres pierres réunies. De même dans l'ordre spirituel, un saint comme le Curé d'Ars pouvait plus par sa prière et ses mérites que tous ses paroissiens pris ensemble. Un fondateur d'ordre comme un saint Benoît vaut plus à lui seul par la grâce divine qu'il a reçue et que tous ses premiers compagnons, car tous réunis ils n'auraient pu faire cette fondation sans lui, tandis que lui aurait pu trouver d'autres frères comme ceux venus à lui dans la suite.
On a donné aussi d'autres analogies, l'intelligence d'un archange dépasse celle de tous les anges inférieurs à lui pris ensemble. La valeur intellectuelle d'un saint Thomas dépasse celle de tous ses commentateurs réunis. La puissance d'un roi est supérieure non seulement à celle de son premier ministre, mais à celle de tous ses ministres ensemble.
Si les anciens théologiens n'ont pas explicitement traité cette question, c'est très probablement parce que la solution leur paraissait évidente. Ils disaient par exemple, à la fin du traité de la grâce ou de celui de la charité, pour en montrer la dignité tandis qu'une pièce de dix francs ne vaut pas plus que dix d'un franc, une grâce ou une charité de dix talents vaut beaucoup plus que dix charités d'un seul talent, c'est pourquoi le démon cherche à maintenir dans la médiocrité des âmes qui, par la vocation sacerdotale ou religieuse, sont appelées très haut, il veut empêcher ce plein développement de la charité, qui ferait beaucoup plus de bien qu'une charité inféieure simplement multipliée à son degré très commun où elle s'accompagne de tiédeur.
Il faut faire ici attention à l'ordre de la pure qualité immatérielle qui est celui de la grâce sanctifiante. Si la vue de l'aigle ne dépasse pas celle de tous les hommes réunis, c'est qu'il se mêle ici une question de quantité ou de distance locale, du fait que les hommes répandus en différentes régions à la surface de la terre peuvent voir ce que l'aigle placé sur un sommet des Alpes ne peut atteindre. Il en est autrement dans l'ordre de la pure qualité.
Si cela est vrai, il n'est pas douteux que Marie, par la première grâce qui la disposait déjà à la maternité divine, valait plus aux yeux de Dieu que tous les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges réunis, qui se sont succédé et se succéderont dans l'Eglise, plus que toutes âmes et que tous les anges créés depuis l'origine du monde.
Si l'art humain fait des merveilles de précision et de beauté, que ne peut faire l'art divin dans la créature de prédilection, dont il est dit : « Elegit eam Deus et praeelegit eam », et qui a été élevée, dit la liturgie, au-dessus de tous les choeurs des anges.
La première grâce reçue par elle était déjà une digne préparation à sa maternité divine et à sa gloire exceptionelle qui vient immédiatement au-dessous de celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle a souffert, du reste, comme lui, à proportion, car elle devait être victime avec lui, pour être victorieuse aussi avec lui et par lui.
Source : Livres-mystiques.com
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