CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE VI
LA FIN DU GOUVERNEMENT DIVIN
La vision béatifique et l'amour de Dieu qui en résulte
Nous sommes donc appelés à voir Dieu, non pas seulement dans le miroir des créatures si parfaites soient-elles, non pas seulement par son rayonnement dans le monde des anges, mais à le voir immédiatement, sans l'intermédiaire d'aucune créature, mieux même que les personnes que nous voyons de nos yeux, car Dieu, étant tout spirituel, sera intimement présent dans notre intelligence qu'il éclairera et fortifiera pour nous donner la force de le voir (Cf. S. Thomas, Ia, q. 12, a. 2).
Entre lui et nous il n'y aura même pas l'intermédiaire d'une idée, car cette idée créée ne pourrait représenter tel qu'il est en soi le pur éclair intellectuel éternellement subsistant qu'est Dieu, et sa vérité infinie. Nous ne pourrons exprimer notre contemplation par aucune parole, même par aucune parole intérieure, comme lorsqu'on est absorbé par la vue d'un spectacle sublime il est impossible de l'exprimer. Une seule parole peut dire ce qu'est Dieu tel qu'il est en soi : la parole éternelle et substantielle du Verbe.
Cette vision de Dieu face à face l'emporte infiniment sur la plus haute philosophie. Ce ne seront plus des concepts des attributs divins, ces concepts qui font penser aux petits carrés de mosaïque. Nous sommes appelés à voir toutes les perfections divines intimement conciliées, identifiées dans leur source commune, dans la Déité, ou vie intime de Dieu ; à voir comment la Miséricorde la plus tendre et la justice la plus inflexible procèdent d'un seul et même amour, infiniment généreux et infiniment saint, comment la même qualité éminente d'amour identifie en soi des attributs en apparence si opposés ; à voir comment la Miséricorde et la justice s'unissent dans toutes les œuvres de Dieu.
Nous sommes appelés à voir comment cet amour, même en son bon plaisir le plus libre, s'identifie avec la pure sagesse, comment il n'y a rien en lui qui ne soit sage, et rien dans la sagesse qui ne se convertisse en amour. Nous sommes appelés à voir comment cet amour s'identifie avec le Souverain Bien toujours aimé de toute éternité, comment la divine Sagesse s'identifie avec la Vérité première toujours connue, et comment toutes ces perfections ne font qu'un dans l'essence même de Celui qui est.
Nous sommes appelés à contempler cette éminente simplicité de Dieu, pureté et sainteté absolues, à voir l'infinie fécondité de la nature divine s'épanouissant en trois Personnes, à contempler l'éternelle génération du Verbe, « splendeur du Père et figure de sa substance », à voir l'ineffable spiration du Saint-Esprit, terme de l'amour commun du Père et du Fils, qui les unit éternellement dans la plus absolue diffusion d'eux-mêmes. « Bonum est essentialiter diffusivum sui » le bien est essentiellement diffusif de soi dans la vie intérieure de Dieu, et c'est librement qu'il répand ses richesses au dehors.
Nul ne peut exprimer la joie qu'engendrera pareille vision, ni l'amour qui en résultera en nous, amour de Dieu si fort, si absolu, que rien ne pourra désormais non seulement le détruire mais l'amoindrir, amour fait sans doute d'admiration, de respect, de reconnaissance, mais surtout d'amitié, avec la simplicité et la sainte familiarité qu'elle implique. Par cet amour nous nous réjouirons surtout que Dieu soit Dieu, infiniment saint, juste, Miséricordieux, nous adorerons tous les décrets de sa providence en vue de la manifestation de sa bonté, et nous nous subordonnerons pleinement à Lui.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde