CHAPITRE III
LA PROVIDENCE ET LA GRACE DE LA BONNE MORTI
La doctrine de l'Église et les erreurs contraires
Les semipélagiens ont soutenu que l'homme peut avoir sans la grâce l'initium fidei et salutis, le commencement de la foi salutaire et de la bonne volonté, que le Seigneur affermit ensuite. Ce n'est pas Lui qui ferait le premier pas vers le pécheur pour le convertir, c'est le pécheur qui ferait le premier pas vers Dieu. D'après les mêmes principes, les semipélagiens soutenaient que l'homme, une fois justifié par la grâce, peut persévérer jusqu'à la mort sans une grâce spéciale ; il suffit, disaient-ils, que l'initium salutis, qui est la bonne volonté naturelle, subsiste pour que le juste persévère jusqu'à la fin.
Cela revenait à dire non seulement que Dieu veut sauver les hommes, mais qu'il veut également les sauver tous, et qu'il est, non pas l'auteur, mais le spectateur de ce qui discerne le juste de l'impie, de l'initium salutis et, de la bonne disposition finale, en tant qu'elle se trouve en celui-ci plutôt qu'en celui-là, en Pierre plutôt qu'en Judas.
C'était nier le mystère de la prédestination et oublier les paroles de Notre-Seigneur : « Personne ne vient à moi, si mon Père ne l'attire » (Jean, VI, 44), paroles qui s'appliquent au premier et au dernier élan de notre cœur vers Dieu. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », avait dit encore Notre-Seigneur (Jean, XV, 5). Et comme le rappelle le IIe Concile d'Orange contre les semipélagiens, saint Paul avait ajouté « Qui est-ce qui te discerne ? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » (I Cor., IV, 7). « Nous ne sommes pas capables de tirer de nous-mêmes, comme venant de nous-mêmes, la moindre pensée, profitable pour le salut » (II Cor., III, 5), à plus forte raison le moindre désir salutaire, qu'il s'agisse du premier ou du dernier.
Aussi saint Augustin montra-t-il que la première grâce et la dernière grâce sont particulièrement gratuites : la première grâce prévenante ne saurait être méritée, ni due en quelque manière à un bon mouvement naturel, puisque le principe du mérite est la grâce sanctifiante, et que celle-ci est un don gratuit, comme son nom l'indique, une vie toute surnaturelle non seulement pour l'homme, mais pour l'ange lui-même. Saint Augustin montra aussi que la dernière grâce, celle de la persévérance finale, est un don spécial, la grâce spéciale des élus, que personne, dit Notre-Seigneur, ne peut arracher de la main de son Père, « nemo potest rapere eos de manu Patris mei » (Jean, X, 29).
Il ajoutait que lorsque cette grâce est accordée, c'est par Miséricorde ; si au contraire elle n'est pas donnée, c'est par un juste châtiment de fautes, généralement réitérées, qui ont éloigné l'âme de Dieu. On le voit par la mort du bon larron et par celle du mauvais.
Pour saint Augustin, deux grands principes dominent cette question. Le premier est que les élus sont, non seulement connus d'avance, mais plus aimés par Dieu. Saint Paul avait dit : « Qui te discerne ? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? » (I Cor., IV, 17). Saint Thomas dira : « Comme l'amour de Dieu est cause de tout bien, nul ne serait meilleur qu'un autre, s'il n'était plus aimé par Dieu » (Ia, q. 20, a. 3).
L'autre principe nettement formulé par saint Augustin est que Dieu ne commande jamais l'impossible ; mais, en commandant, il nous ordonne de faire ce que nous pouvons et de demander la grâce pour accomplir ce que nous ne pouvons pas : « Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet et facere quod possis et petere quod non possis ». Ces paroles du De Natura et gracia, c. 43, n° 50, de saint Augustin, sont citées par le Concile de Trente (Denzinger, n° 804) ; elles montrent que Dieu par amour veut rendre et rend réellement possible à tous le salut ou l'accomplissement de ses préceptes ; quant aux élus, il les leur fait accomplir jusqu'à la fin.
Comment ces deux grands principes, si certains, si incontestables l'un et l'autre, se concilient-ils intimement ? Aucune intelligence créée, humaine ou angélique, ne peut le voir, avant d'avoir reçu la vision béatifique. Il faudrait voir comment se concilient, dans la Déité, l'infinie Miséricorde, l'infinie justice et la souveraine liberté il faudrait avoir la vision immédiate de l'essence divine.
Les principes ainsi opposés par saint Augustin au semipélagianisme furent approuvés en substance, on le sait, par le IIe Concile d'Orange. Il reste ainsi que la grâce de la bonne mort est une grâce spéciale, propre aux élus.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde