CINQUIÈME PARTIE
PROVIDENCE, JUSTICE ET MISÉRICORDE
CHAPITRE PREMIER - PROVIDENCE ET JUSTICE DIVINE
La Providence et la Justice de l'autre vie
La nature de ce jugement particulier, s'explique par l'état de l'âme séparée du corps ; dès qu'elle le quitte elle se voit comme substance spirituelle, comme un esprit pur se voit, et elle connaît aussitôt son état moral ; elle reçoit une illumination intérieure, qui rend inutile toute discussion ; la sentence est portée par Dieu, transmise par la conscience qui est l'écho de la voix de Dieu ; l'âme voit alors clairement ce qui lui est dû selon ses mérites et ses démérites qui lui sont alors nettement rappelés. C'est ce que dit symboliquement la liturgie dans le Dies iræ : Liber scriptus proferetur, in quo totum continetur : L'âme verra tout ce qui a été écrit à son sujet au livre de vie.
La justice infligera alors des peines proportionnées aux fautes, soit pour un temps, soit pour toujours. Le péché mortel, dont on ne veut pas se repentir avant la mort, est après elle comme une maladie incurable mais dans un sujet immortel dans l'âme. On s'est détourné, sans repentance, du Souverain Bien ; on a pratiquement nié sa dignité infinie de fin dernière, et l'on n'est pas revenu sur cette négation pratique quand il en était temps encore. C'est un désordre irréparable et conscient ; il y a remords mais sans repentir, l'orgueil et la révolte durent toujours et la peine qui leur est due dure toujours elle aussi; c'est surtout la privation perpétuelle de la vie divine de la grâce et de la vue de Dieu, de la béatitude suprême, avec la certitude d'avoir manqué pour toujours et par sa faute sa destinée.
La Justice de Dieu apparaît ici infinie ; c'est un mystère qui nous dépasse, comme celui de sa Miséricorde. Ici-bas les concepts ou idées que nous pouvons avoir de la Justice divine et des autres perfections de Dieu restent limités, bornés, malgré la correction que nous leur apportons par la négation de toute limite. Ils nous représentent en effet les attributs divins comme distincts les uns des autres, bien que nous ajoutions qu'il n'y a entre eux aucune distinction réelle. Il s'ensuit que ces idées bornées durcissent un peu la physionomie spirituelle de Dieu, comme lorsqu'on veut avec de petits carrés de mosaïque reproduire une physionomie humaine. Notre concept de justice étant distinct de celui de Miséricorde, il nous semble que la justice divine n'est pas seulement infiniment juste, mais qu'elle est trop raide, et la Miséricorde arbitraire.
Nous verrons dans la patrie que même les perfections divines, qui semblent le plus opposées, sont intimement fondues, qu'elles s'identifient sans pourtant se détruire dans la Déité, c'est-à-dire dans la vie intime de Dieu, que nous connaîtrons alors clairement et immédiatement. Alors nous verrons que la Justice et la Miséricorde n'existent à l'état pur, c'est-à-dire pures de toute imperfection, qu'en Dieu, et qu'en Lui la justice ne peut exister sans être unie à la Miséricorde et inversement que la Miséricorde ne peut être sans la Justice et la Providence, comme en nous les vertus cardinales sont connexes et ne sauraient se sépare. Voilà ce qui apparaît aux saints dès le jugement particulier, immédiatement suivi de leur entrée dans la gloire.
Une autre manifestation de la justice aura lieu au jugement universel, après la résurrection des corps, selon ces paroles du Credo : « Credo in Jesum Christum... qui venturus est judicare vivos et mortuos ». Notre-Seigneur dit en saint Matthieu, XXV, 31-46 : « Tous les peuples de la terre verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité du ciel à l'autre. » Si Jésus n'était pas le Fils de Dieu, comment aurait-il pu prononcer, lui pauvre ouvrier de village, de telles paroles ? Ce serait la folie la plus manifeste ; tout nous montre au contraire qu'elles sont la sagesse même.
Ce jugement universel convient manifestement parce que l'homme n'est pas seulement une personne privée, mais il vit en société et ce jugement manifestera à tous la rectitude des voies de la Providence, la raison de ses décisions et leur résultat. La justice divine apparaîtra souverainement parfaite, alors que si souvent la justice humaine est boiteuse. La Miséricorde apparaîtra infinie à l'égard de tous les pécheurs repentants et pardonnés. Tout genou fléchira devant le Christ-Sauveur, victorieux du péché, du démon et de la mort. La gloire des élus apparaîtra aussi, celui qui aura été humilié sera élevé, et le règne de Dieu sera établi à jamais dans la lumière de gloire, dans l'amour et dans la paix.
C'est ce règne que nous désirons, en disant tous les jours dans le Pater : « Que votre règne arrive, que votre volonté (signifiée par vos préceptes et l'esprit des conseils) soit faite sur la terre comme au ciel.
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde