CHAPITRE V
CONDUITE DE LA PROVIDENCE A L'ÉGARD DE CEUX QUI S'ABANDONNENT PLEINEMENT A ELLE
CHAPITRE VI
LA PROVIDENCE ET LE CHEMIN DE LA PERFECTION
Cette doctrine est nettement exprimée dans le Dialogue ch. II[87], où on lit : « Je te l'ai dit déjà, si tu t'en souviens bien, il y a quelque temps, quand tu souhaitais de faire grande pénitence pour moi. « Que pourrais-je faire, disais-tu, que pourrais-je endurer pour vous, ô Seigneur ? » - Et je te répondis dans ton esprit par ces simples mots : « Je suis Celui qui me complais à peu de paroles et à beaucoup d'œuvres, pour bien faire entendre que celui qui se contente de crier vers moi à son de voix : « Seigneur, je voudrais faire quelque chose pour vous », comme celui qui pour moi veut bien mortifier son corps par de nombreuses pénitences, mais sans renoncer à sa volonté propre, a tort de croire qu'il m'est agréable. ... Moi qui suis infini, je suis en quête d'œuvres infinies, c'est-à-dire d'un sentiment infini d'amour.
Je demande donc que les œuvres de la pénitence et autres exercices corporels soient employés à titre de moyens, et qu'ils n'occupent pas dans l'affection la place principale. Si c'est là ce qu'on aime par-dessus tout, l'on ne m'offre plus que des œuvres finies. Il en sera comme de la parole qui n'est plus rien dès qu'elle est sortie de la bouche, si elle ne procède pas de l'affection intérieure de l'âme. C'est l'âme qui conçoit et engendre la vertu dans la vérité, et c'est par cette vertu intérieure que l'œuvre finie est unie à l'amour de charité ».
Autrement il n'y aura que le côté matériel de la perfection ; l'âme et l'inspiration de la vie intérieure n'y seront plus. Il est dit au même endroit :
« On ne doit pas mettre sa fin dans la pénitence ou en tout autre acte extérieur, qui, je te l'ai dit, sont des œuvres finies... qu'il est sage parfois d'interrompre, soit par nécessité, soit par obéissance... (tandis qu'on ne doit pas interrompre la vie d'amour de Dieu). Ces pratiques sont donc un moyen, non le principe... Mais elles me plaisent quand on y cherche un instrument, non le principe de la vertu ». (Ces derniers mots montrent qu'il ne faut pas tomber dans l'autre extrême, en négligeant la mortification corporelle, pratiquée par tous les saints).
« La vertu, continue le Dialogue, est toute entière dans la charité éclairée de la lumière de la vraie discrétion. Sans la charité elle est sans valeur. Cet amour, la discrétion me le donne sans fin et sans mesure, parce que je suis la souveraine et éternelle Vérité. Elle n'impose donc ni loi ni bornes à l'amour dont elle m'aime, mais, à l'égard du prochain, elle le mesure à bon droit, selon l'ordre de la charité.
C'est dans l'ordre de la charité de ne pas se faire tort à soi-même, par le péché, pour rendre service au prochain. Quand il suffirait d'un seul péché... pour produire une action de grande importance, ce ne serait pas d'une charité ordonnée avec discrétion de le commettre...
« Voici l'ordre qu'impose la sainte discrétion. L'âme dirige toutes ses puissances à me servir virilement en toute générosité, et l'amour qu'elle a pour le prochain est tel qu'elle est prête à donner la vie du corps pour le salut des âmes, et mille fois, s'il était possible. Il n'est point de peines et de tourments qu'elle ne soit disposée à subir pour assurer à autrui la vie de la grâce. »
Voilà en quoi consiste spécialement la perfection chrétienne, principalement dans l'amour généreux de Dieu, et secondairement dans l'amour non seulement affectif, mais effectif, du prochain. C'est pourquoi Catherine de Sienne aime à dire que la charité vivifie toutes les vertus[90], qu'elle rend leurs actes méritoires de la vie éternelle[91], qu'elle est comme la mère de toutes les vertus, qu'elle est le vêtement nuptial des serviteurs de Dieu, et que, plantée dans la terre de l'humilité, elle est comparable aussi à un arbre qui élève vers le ciel ses fleurs et ses fruits nombreux, fruits de vie pour l'éternité. La sainte insiste souvent sur ceci que l'amour du prochain est inséparable de l'amour de Dieu, qu'il en est le rayonnement, le signe, la preuve certaine, et que le zèle des âmes inspire toutes les vertus[94]. Elle ajoute aussi qu'on ne peut aimer efficacement le prochain que pour Dieu et en Dieu. « L'amour du prochain est comme le vase qu'on remplit à la fontaine. Si on le retire de la source pour boire, il est bientôt vide. Mais si on le tient plongé dans la source, on peut y boire toujours, il demeure toujours plein ».
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde