Y a-t-il un obstacle à ce qu'un chrétien, lors des premiers siècles serve sous les armes?
L'ouvrage concerne la situation du soldat chrétien uniquement aux premiers temps du Christianisme.
Focus sur saint Augustin:
" Dans son Commentaire sur le Psaume 124, il reconnaît que des chrétiens servaient sous Julien, l'empereur apostat, qui voulait rétablir le culte païen, mais il précise:
ils (les soldats chrétiens) distinguaient le maître éternel du maître temporel et pourtant, à cause du maître éternel, ils étaient également soumis au maître temporel.
Pour le soldat, l'obéissance est le critère du jugement moral:
lorsqu'en obéissant à un autorité ou à une autre sous laquelle il a été légitimement incorporé, un soldat tue un homme, aucune loi de sa cité n'en fait un coupable d'homicide; bien au contraire, s'il ne l'avait fait, il serait coupable d'avoir déserté et bafoué le pouvoir (Cité de Dieu, I, 26).
La vie militaire n'est pas condamnée par Dieu. C'est pourquoi saint Augustin rassure Boniface qui combat pour l'Empire. Après avoir rappelé le commandement de l'amour du prochain, il ajoute:
ne va pas croire que nul ne peut plaire à Dieu, s'il sert dans le métier des armes guerrières (Lettre 189, & 4).
La vie ascétique est certes supérieure au métier des armes, mais, précise saint Augustin au même Boniface, les deux états sont complémentaires:
les uns (les moines), donc en priant pour vous, se battent contre des ennemis invisibles; vous, en vous battant pour eux, vous êtes à la peine contre des barbres visibles (& 5)
Des propos qui ne cessent d'être repris, tels quels, au cours du IXe siècle carolingien, soit par Jonas d'Orléans (début des années 830), soit par Hincmar de Reims qui se contente de décalquer son prédécesseur dans l'épiscopat; nous sommes dans les années 872 -873, dernières années du règne de Charles le Chauve qui doit combattre deux félons: son propre fils, Carloman, et l'évêque Hincmar de Laon qui, bien que neveu du grand archevêque de Reims, protège le prince rebelle.
En outre, Augustin exige la maîtrise de soi dans les combats:
que ce soit la nécessité qui fasse périr l'ennemi combattant, non la volonté (& 6).
C'est la raison pour laquelle les prisonniers seront bien traités:
à celui qui a été vaincu ou capturé, on doit désormais la miséricorde (ibid.)
Il faut donc voir en saint Augustin celui qui a posé les fondements de la guerre juste, des fondements repris par saint Thomas d'Aquin dans la Somme théologique. En effet Augustin rappelle que
l'homme juste doit avant tout se préoccuper de faire la guerre uniquement pour la justice, et contre celui à qui il lui est permis de la faire
Pour Augustin, le métier des armes n'est pas incompatible avec la vie chrétienne, mais ce sont les abus qui sont condamnés ( extrait du livre de Philippe Henne, Servir Dieu dans l'armée. Mourir pour le Christ ou l'Empereur, Le Cerf, 2017, pp. 197-199).
On l'aura compris, ces propos regardent une période. La longue séquence qui débuta lors de la Révolution française ne semble pas concernée par les propos de saint Augustin, car, pour y trouver des guerres justes, il faudrait se livrer à des contorsions qui relèvent du prodige.