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La dangereuse expansion des sectes évangéliques
par Ewondo 2019-11-26 18:39:25
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La dangereuse expansion des sectes évangéliques

ENQUÊTE - Groupes pseudo-évangéliques et pasteurs autoproclamés surfent sur l’essor de ces églises protestantes pour mettre sous emprise leurs fidèles.

Par Etienne Jacob
Publié hier à 20:37, mis à jour il y a 3 heures

Source : le Figaro, édition Premium

Un «bombardement d’amour». C’est le premier sentiment éprouvé par Cindy lorsqu’elle intègre un groupe sectaire évangélique strasbourgeois, à la fin des années 2000. «En quête de sens, d’identité et de repères», la jeune femme, alors âgée de 18 ans, a tout de la proie facile pour une communauté usant de ressorts vicieux pour amadouer ses adhérents. «Au départ, je n’ai pas eu l’impression de rentrer dans une secte. Je rejoins le groupe grâce à un ami: on est une bande de potes, on chante pour Dieu, on fait des concerts, on prie. J’ai juste l’impression de vivre ma jeunesse», se souvient la jeune femme, désormais coach en développement personnel.

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Mais progressivement, Cindy se rend compte qu’elle n’est plus vraiment libre. La communauté lui prend du temps, beaucoup de temps. Et dès qu’elle veut se libérer, elle se sent retenue par les fidèles et un couple pastoral puissant et charismatique. «On utilise des versets de la Bible pour faire en sorte qu’on reste dans le groupe. On nous fait comprendre que cette tension est normale, que continuer à servir est une manière de progresser spirituellement», raconte-t-elle. Au bout de sept ans, elle décide de claquer la porte de cette «association» aux «dérives sectaires évidentes». «J’ai eu mon premier enfant, et ils n’ont pas accepté que je me mette en retrait de l’organisation pour m’en occuper. Alors, j’ai décidé de m’en aller. Cela m’a attiré les foudres de la direction, mais j’en suis sortie», conclut la jeune femme.

Si elle n’a subi aucune violence physique ou sexuelle - bien qu’elle se souvienne d’une propension des pasteurs à encourager l’abstinence -, l’histoire de Cindy illustre parfaitement le genre d’emprise mentale subie par les victimes de sectes évangéliques. Ces organisations, de bouche de la plupart des interlocuteurs interrogés par Le Figaro, sont en pleine expansion dans l’Hexagone, suscitant inquiétude du gouvernement et des associations. À l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu (Unadfi), on qualifie ces groupements de véritables «États dans l’État», où «la République n’existe plus vraiment». Ces derniers exercent des «pressions constantes» sur leurs adhérents, jetant le discrédit sur la religion évangélique dans sa globalité, forte de 2513 églises en France.

«Une bombe à retardement»

À la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), on fait pourtant état de chiffres «trompeurs». Si le nombre de signalements décline depuis 2016 (212 contre 120 en 2018), c’est avant tout à cause du «manque d’information» de la population à propos de l’existence de l’organisme, avance une source associative.

Malgré cette baisse, 383 églises potentiellement déviantes ont été signalées aux services de l’État sur les dix dernières années «et le rythme des structures nouvelles s’accélère». Sans pouvoir donner de chiffres précis, les associations d’aides aux victimes notent une augmentation des appels liés à des églises déviantes. «Les réunions en préfecture sur les dérives sectaires font remonter des situations inquiétantes», indique au Figaro la secrétaire générale de la Miviludes, Anne Josso.

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La patronne de la mission évoque aussi «une augmentation des situations judiciarisées», sachant que «les prédations financières et sexuelles sont les préjudices les plus récurrents».

En avril, le pasteur coréen David Song Young-chan, de l’Église évangélique baptiste de toutes les nations (EBTN), a été mis en examen pour viols à Paris. Même chose pour un prêcheur de Colombes (Hauts-de-Seine), accusé d’avoir violé plusieurs jeunes femmes. En juin 2018, à Draveil (Essonne), une cinquantaine de plaintes ont été déposées par les adeptes d’une église évangélique pour une escroquerie qui s’élèverait à plus de 2 millions d’euros. Le travail dissimulé est également monnaie courante au sein de ces organisations, confie-t-on à l’Unadfi. «Quand vous aidez gratuitement tous les jours de la semaine, on sort du cadre du bénévolat», affirme l’association. Daniel Sisco, président de l’association pour la défense des familles et des individus victimes de secte (ADFI) d’Ile-de-France, résume: «Les sectes évangéliques, c’est une bombe à retardement».

Avec une stratégie d’expansion agressive, les églises évangéliques se sont implantées dans toute la France, même si elles restent plus concentrées dans les villes et leur périphérie. Conséquence, une véritable «banalisation» de leurs méthodes qui «peuvent favoriser des dérives», alerte une source associative. «Leur mode de fonctionnement (extériorisation de la foi, prosélytisme et paiement de la dîme) interroge moins le public.

Elles se sont installées dans le paysage et de fait elles suscitent moins d’interrogations», indique Anne Josso. Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) le reconnaît: «On est sur un schéma sur lequel on doit être vigilant. On fonctionne avec un pasteur qui peut avoir une véritable autorité sur sa communauté. Ce système peut faciliter certaines dérives».

«Réflexe communautaire»

Les sectes évangéliques, elles, «jouent sur un réflexe communautaire» en visant des publics «peu insérés socialement», «manquant de repères». «Dans les dossiers récents on trouve à la fois: des personnes âgées abusées financièrement ; des jeunes isolés et en difficulté (migrants, en foyer) ; des familles d’origine étrangère qui vivent mal le processus d’acculturation ; et bien sûr des personnes fragilisées par des difficultés personnelles (maladies, deuil…)», révèle-t-on à la Miviludes. Comme ce récent témoignage d’une mère démunie face à sa fille, étudiante en deuxième année de licence, «déconnectée de notre vie familiale pour ne se vouer qu’à Dieu en lisant du matin au soir sa Bible, en priant et en jeûnant». «En moins d’une semaine elle a donné 150 euros qu’elle considère comme des offrandes», raconte-t-elle.

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Sur le territoire, d’effarants modèles se développent. Celui de petites églises tenues par des pasteurs autoproclamés au passé parfois très trouble est particulièrement en vogue. Car «n’importe qui peut se revendiquer comme tel», rappelle-t-on au CNEF. Bien souvent, ces organisations sectaires jouent sur les peurs pour diffuser des idées millénaristes.

Rédemption, vision apocalyptique où il faut choisir son camp, complot diabolique... l’objectif est «d’isoler» au maximum les personnes du monde extérieur, analyse une source associative. Pendant dix-sept ans, entre 2000 et 2017, Bravo Kayizalanga dit avoir été victime, en compagnie de son épouse, d’un de ces leaders toxiques. Initialement membre d’une église évangélique baptiste, le couple a rencontré par hasard un homme, originaire de Centrafrique. «Il était très charismatique et voyant que nous étions en quête de profondeur et de spiritualité, il a profité de ça», raconte-t-il au Figaro. Mais au fil du temps, l’homme manipule le jeune couple. Alors que les évangéliques prêchent autour de valeurs positives, le gourou brandit la menace d’une malédiction. «Il nous faisait jeûner parfois jusqu’à douze jours de suite, nous humiliait, nous insultait en public. Il nous a escroqués plus de 200.000 euros», déplore la victime présumée, qui a porté plainte.

Outre ces pasteurs-escrocs, se développent en France des églises internationales puissantes «dont l’influence est préjudiciable aux adeptes et plus largement à la cohésion sociale en ce qu’elles encouragent un repli et prônent des valeurs contraires à celles qui fondent la société française (refus de l’égalité femmes-hommes, diabolisation de l’homosexualité…)», détaille Anne Josso.

Auprès de la Miviludes, la victime d’une secte livre un témoignage édifiant: «Le pasteur, charismatique, tient des propos très durs notamment sur les homosexuels ou l’obligation qu’à une femme à rester auprès de son époux quand bien même celui-ci la battrait. J’ai été très choquée d’entendre ces propos et de voir la salle acquiescer, se rallier à cette homophobie qui compare ces couples à des chiens et ne pas même se soucier de personnes en danger».

Guérison miraculeuse

La thématique de la guérison est particulièrement en vogue chez ces sectes évangéliques. «Les pasteurs, parfois qualifiés de prophètes (...) promettent des guérisons miraculeuses, en référence aux miracles de la Bible, le mot guérison ne concernant pas seulement la santé physique et psychologique, mais aussi le chômage, les ennuis financiers, les échecs professionnels, sentimentaux...», relève-t-on à l’Unadfi. Conséquence, il arrive parfois que des personnes âgées, ou atteintes de cancers, cessent de prendre leur traitement, croyant avoir été sauvées par leur gourou. Sur le Web, les vidéos montrant des personnes redonnant la vue à des aveugles ou l’usage de leurs jambes à des personnes en fauteuil roulant, sont d’ailleurs légion.
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Créée au Nigéria en 1990, Christ Embassy, église évangélique implantée dans le monde entier, joue sur cette corde sensible. Le mouvement prône des guérisons miraculeuses et par la prière.

Son fondateur, le pasteur Chris Oyakhilome, a été accusé d’escroquerie par le gouvernement nigérian. Son émission de télévision, montrant des pseudo-guérisons filmées, a été interdite en Afrique du Sud. Le groupement néopentecôtiste est arrivé en France au début des années 2000 en région parisienne, puis en Normandie, en Bretagne et à Grenoble. À Rennes, un prêcheur avait fait polémique en distribuant aux fidèles des tracts vantant la guérison rapide d’une femme atteinte du sida. Selon le CNEF, Christ Embassy possède des pratiques «borderline qui n’ont rien à voir avec la foi protestante».

Le Centre d’accueil universel, ou Église universelle du royaume de Dieu (EURD), utilise les mêmes ressorts. Fondé au Brésil, le mouvement est solidement enraciné dans l’Hexagone depuis les années 1970. Son expansion sur le territoire national se montre très vivace ces dernières années, s’alarme-t-on chez les associatifs. Le groupement fait des adeptes dans les communautés Afro-antillaises et Portugaises et chez les populations en difficulté. Son principal lieu de culte se trouve à Paris, dans le 10e arrondissement, mais il sévit aussi dans une trentaine de villes.

L’analyse des différents services spécialisés fait apparaître que cette église est considérée comme un groupe de type guérisseur. Le risque est donc que les adeptes délaissent la médecine conventionnelle au profit de ces pseudo-miracles. Outre un prosélytisme virulent et des sacrifices financiers importants, l’organisation pratique aussi des exorcismes, notamment sur de jeunes enfants. La Miviludes appelle à la grande prudence à l’égard de l’EURD, dont l’influence grandit à Saint-Denis.
Visée politique?

D’autres églises suscitent une véritable méfiance. Mais nos interlocuteurs préfèrent ne pas les citer de vive voix, craignant des représailles.

Pêle-mêle, de vives interrogations existent au sujet de l’Alliance des nations pour Jésus: son créateur, le pasteur Shora Kuetu, dispose d’un réseau de «prêcheurs» sur le territoire et d’un site internet à l’influence grandissante. L’église Charisma au Blanc-Mesnil et ses dispositifs de prêche impressionnants, questionne également les autorités. The Last Reformation, mouvement danois pratiquant l’hypnose et l’exorcisme, projetterait aussi d’augmenter son influence en France. «Le sujet des sectes reste très anecdotique. Mais il est vrai que la façon de faire de toute église évangélique n’est pas neutre. Il y a une part d’émotionnel, comme à un concert de rock, quelque chose nous porte», argue-t-on au CNEF.

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À l’Unadfi, on s’inquiète de la visée politique de certains groupements: «Au Brésil, ils ont largement contribué à la victoire de Jair Bolsonaro. Alors pourquoi pas en Europe et en France?» Mais c’est surtout l’emprise totale sur les fidèles que l’association déplore: «Le point commun de ces mouvements, c’est qu’ils sont dans la vie des gens. Ils ont leurs propres règles, leurs services d’ordre, parfois leurs tribunaux. Ils vous étouffent, vous prennent votre temps, votre argent.

Bien souvent, les prêcheurs créent une méfiance vis-à-vis de l’extérieur et de la société en général. On parle souvent des quartiers populaires, mais ici, ce sont de véritables zones de non-droit, au détriment des victimes». La Miviludes confirme cet «activisme politique sous-jacent», surtout mené par les «églises internationales». Elle relève même quelques points de convergence avec l’idéologie de Daech: «Certains registres utilisés sont communs: l’affiliation communautaire, une vision apocalyptique, une guerre des croyants». Tout en tempérant: «Il y a cependant deux différences majeures: pas de légitimation de la violence et pas de stratégie politique de conquête du pouvoir».

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