Bonjour fouduroy,
A mon avis nous sommes ici, sous la plume de Gustave Thibon, en présence d'une manière gravement erronée de présenter l'intégrisme et le progressisme et de les renvoyer, apparemment, dos-à-dos.
Je me trompe peut-être, mais enfin je me risque à écrire ce qui suit.
A mon sens, le "camp de base" du "progressisme" est situé à l'intérieur ou dans le prolongement du carré formé par la réunion des quatre points suivants : Kant, Hegel, Lamennais, Schleiermacher, ou, en d'autres termes, à l'intérieur ou en aval de la réunion
- d'une conception post-kantienne de la conscience humaine,
- d'une conception post-hégélienne du devenir du monde,
- d'une conception post-lamenaisienne des relations entre l'Eglise catholique et le monde contemporain,
- d'une conception post-schleiermachienne de la structure et des relations de la religion chrétienne.
Et, à mes yeux, le "camp de base" de "l'intégrisme" est situé à l'intérieur de la survalorisation de certaines caractéristiques de la composante tridentine de la Tradition catholique : je pense ici, notamment, aux tendances propices au controversisme et à l'exclusivisme qui sont situées au sein de la composante tridentine, notamment anti-protestante ad extra, et anti-moderniste ad intra, de la Tradition catholique.
Dans cet ordre d'idées, j'ai le regret de devoir dire aux personnes qui ne voient pas où est le problème, en présence de cette citation de Gustave Thibon, que nous sommes, depuis déjà plusieurs décennies, en présence de "fossiles progressistes", pour ne pas dire de "nostalgiques progressistes", dans la mesure où les progressistes sont adossés à une chimère qui a commencé à apparaître entre 1790 et 1830.
Le but de la manoeuvre progressiste est celui-ci : la réconciliation de l'Eglise catholique avec un monde contemporain qui, à partir de la fin du XVIII° siècle ou du début du XIX° siècle, a décidé, en plein accord avec lui-même, de tourner le dos à Jésus-Christ, cette réconciliation nécessitant, du point de vue progressiste, la subordination croissante de l'Eglise catholique à des conceptions philosophiques non réalistes et à des conceptions théologiques non orthodoxes, mais propices, notamment, à l'idéalisation des religions non chrétiennes et à l'immanentisation de la religion chrétienne.
Par ailleurs, la question n'est pas de savoir si "le progressiste avance sans tenir compte des garde-fous et tombe dans l’abîme", et elle n'est pas davantage de savoir si "l’intégriste, de peur de tomber, s’accroche aux garde-fous et n’avance plus" ; la question est de savoir dans quelle direction veut avancer un progressiste, et est aussi de savoir dans quelle direction veut avancer un intégriste.
Or, il ne s'agit pas de deux manières, également erronées, d'avancer, ou d'espérer avancer, dans ce qui constituerait, à très long terme, la même direction, à charge, pour un Souverain pontife qui se voudrait à la fois "rénovateur" et "traditionnel", de procéder à de l'équilibrisme, ou de recourir à de l'ambivalence, au service d'une synthèse impossible ou, en tout cas, équivoque, improbable, intenable.
La survalorisation, parfois militante et partisane, de ce qui constitue, incontestablement, l'une des principales composantes de la Tradition catholique, est une chose, tandis que l'imposition à presque tous les fidèles et l'introduction dans presque toute l'Eglise de conceptions philosophiques et théologiques et de convictions politico-religieuses qui n'ont jamais fait partie d'aucune des principales composantes de la Tradition catholique est une tout autre chose.
Encore une fois, je me trompe peut-être, en écrivant ce qui précède, mais alors que l'on me dise en quoi je me trompe.
Bon dimanche.
Scrutator.