Voici une traduction française d'un article publié par le Catholic Herald:

Les entrevues papales sont devenues presqu'entièrement séculières

par le père Raymond de Souza

06 juin 2019

''La récente interview accordée par le pape François à la télévision mexicaine a généré des informations concernant ce qu'il a dit à propos de Theodore McCarrick et du désagrément actuel. Le simple fait que l'interview ait eu lieu n'était toutefois pas digne d'intérêt. Les interviews papales sont maintenant quantitativement ordinaires. Il y a aussi un autre changement qualitatif. Ils sont marqués par une éthique de plus en plus mondaine; la voix unique du pape est maintenant devenue plus semblable à n'importe quels autres voix mondaines.

Bien avant le pontificat de saint Jean XXIII, l’Osservatore Romano, principal organe de communication du Vatican, rapportait que l’une ou l’autre des déclarations officielles avait été «recueillie des lèvres augustes du Souverain Pontife». La communication papale a commencé à se relâcher sous St Paul VI, avec un nombre croissant d’audiences, d’homélies et d’adresses comportant parfois des remarques improvisées.

Comme pour le phénomène du voyage papal, saint Jean-Paul II a repris l’initiative de Paul VI et l’a beaucoup étendu. Il s'est entretenu ouvertement avec les journalistes et a répondu à leurs questions lors d'une conférence de presse impromptue dans les premiers jours qui ont suivi son élection. Il a commencé à côtoyer les journalistes sur les vols papaux, bien qu'en général il ait échangé des salutations et quelques commentaires généraux sur les vols de départ. En 1994, était publié Crossing the Threshold of Hope, un livre d'interviews de Vittorio Messori, qui a fait sensation dans le monde de l'édition.

Benoît XVI a poussé les limites encore plus loin. Alors que le livre de Jean-Paul II consistait en des réponses écrites à des questions écrites, le livre Lumière du monde de Benoît XVI en 2010 a été une autre première pontificale: il a répondu aux questions de vive voix pendant six heures, et l’entretien a été publié. Benoît XVI a poursuivi ses entretiens aériens avec les journalistes, mais il s’agissait désormais de véritables conférences de presse, le Saint-Père répondant à des questions sur de nombreux sujets.

C'est sous Benoît XVI qu'un changement qualitatif a eu lieu. On a en grande partie posé à Jean-Paul II de vastes questions thématiques, souvent sur une base théologique. Avec Benoît XVI - dans la continuité des trois livres d’interviews qu'il a faits pendant qu'il était le préfet de la doctrine de la foi - des décisions spécifiques étaient examinées et des commentaires étaient formulés sur un large éventail d’applications pratiques. Dans Light of the World, par exemple, Benoît XVI est interrogé en détail sur l'affaire Williamson. Dans Last Testament, son livre d'entretiens post-papal, il commente et défend sa papauté, y compris une évaluation de son secrétaire d'État, le cardinal Tarcisio Bertone.

Le pape François a donné des dizaines d'interviews à la presse, et les conférences de presse aéroportées ont eu un impact décisif. L’équivalent «Ne craignez pas» de ce pontificat - «Qui suis-je pour juger?» - a été prononcé lors du premier voyage du Saint-Père, à l’issue d’une conférence de presse aérienne qui a duré plus d’une heure.

La fréquence et la durée des entretiens du pape François - il a réalisé trois livres d’interviews en six ans - ont non seulement entraîné une baisse quantitative de l’attention qui leur a été accordée, mais ont également accéléré le changement qualitatif survenu sous Benoît XVI.

La récente interview de Valentina Alazraki, correspondante au Vatican pour Televisa au Mexique depuis 1974, était une affaire très mondaine. Les questions théologiques et spirituelles étaient secondaires. Ce n’était pas un sage pasteur qui partageait sa sagesse sur l’ensemble de l’histoire; cela ressemblait davantage à un ministre qui défendait son bilan, puisqu'Alazraki passait d’une controverse à l’autre et invitait ainsi François à défendre son bilan.

Considérez les sujets énumérés dans le résumé de Vatican News au sujet de l'interview réalisée par Televisa: contrôles aux frontières, jeunesse, violence contre les femmes, relations avec les médias, McCarrick, l'affaire Viganò, migrants et réfugiés, avortement, politique étrangère, mariages irréguliers et homosexualité. L'accent était mis sur les décisions papales et le plaidoyer politique. C'était une affaire mondaine approfondie.

Benoît XVI est en grande partie responsable de ce changement qualitatif. Au cours de ses cinq entrevues réalisées au cours de ses longues années romaines et de ses conférences de presse aéroportées, il répondait à des questions sur tous les sujets. Il a même remplacé la coutume de saint Jean-Paul II d’écrire des lettres aux prêtres le Jeudi Saint par une séance de questions-réponses avec les prêtres de Rome au début du carême.

Mais Ratzinger / Benoît XVI est tout à fait singulier, à la fois par sa capacité à répondre de manière improvisée avec des pensées complètes et élégantes et en replaçant les choses dans leur propre contexte théologique. Il est beaucoup plus commun pour les évêques et les prêtres de se retrouver dans des situations difficiles, en s'efforçant d'être clairs et cohérents, que pour un érudit.

L’exemple de Benoît XVI n’est pas un modèle à suivre pour les autres. Et en ce qui concerne les interviews papales, il est maintenant clair que moins, beaucoup moins, serait certainement un plus.''

Le père Raymond J de Souza est un prêtre de l'archidiocèse de Kingston, en Ontario (Canada), et rédacteur en chef de convivium.ca

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