CHAPITRE VII
De la charité incomparable de la très sainte Vierge
(...) Enfin, il faut même aimer ceux qui nous haïssent, les bénissant lorsqu'ils nous maudissent, les obligeant lorsqu'ils nous désobligent, priant pour eux d'un cœur sincère, les pénétrant dans les témoignages de toute sorte d'amitié, cherchant les occasions de les servir : ce qu'il faut faire avec joie lorsque ces bienheureuses occasions se présentent, les ménageant avec action de grâce, comme des moments précieux qui nous donnent lieu de témoigner à notre Maître et notre Dieu que c'est en vérité que nous l'aimons.
Cette pensée est étrangement forte à l'âme qui a de l'amour pour son Dieu : car que ne voudrait-elle pas faire pour lui en donner des marques ? Il est vrai qu'il est dur à la nature d'obliger et de bien faire à ses ennemis; mais il est doux de surmonter la nature pour l'amour de son Dieu.
Ce sentiment remplissait de mouvements de charité les cœurs des saints, qui non-seulement faisaient du bien à ceux qui leur faisaient du mal, mais ils s'appliquaient à les obliger et à leur rendre les services les plus notables que l'on peut faire à ses meilleurs amis. Saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus, avait été très maltraité d'un certain homme qui demeurait avec lui à Paris, et qui avait même emporté le peu de chose qu'il avait, vivant pour lors dans une grande pauvreté : ce qui était une grande perfidie aussi bien qu'une extrême malice.
Ce misérable s'étant retiré à Rouen, et saint Ignace ayant appris qu'il y était demeuré malade, fit à pied le chemin qu'il y a de Paris à Rouen, qui est de vingt-huit lieues, et sans prendre aucune nourriture, pour aller le secourir.
C'est ce que font les saints, parce que les saints aiment Dieu. Aussi quand on voulait parler d'un Chrétien dans la primitive Église, l'on disait que c'était un homme qui aimait ceux qui le haïssaient. C'est en cela que nous montrerons à la très sainte Vierge, notre douce et très bonne mère, que nous sommes ses véritables enfants.
CHAPITRE VIII
De l'humilité de la très sainte Vierge
Si à proportion qu'un édifice doit être élevé, les fondements doivent en être jetés plus avant en terre, que devons-nous penser de l'humilité de la très sacrée Vierge, qui a été le fondement de toutes ses vertus et de la gloire immense dont son Fils bien-aimé l'a couronnée. Tout est grand en la divine Marie, tout y est admirable, tout y est surprenant : mais il n'y a point d'esprit qui ne se doive perdre dans la profondeur incroyable de son humilité. Que celui-là qui nous peut faire connaitre ses grandeurs presque infinies, nous découvre l'abîme de son humilité.
« Elle est élevée, dit saint Bernard, à la dignité de Mère de Dieu, et elle s'en appelle la servante » : elle porte un Dieu dans ses entrailles, dont elle est la Mère, et elle fait un voyage pénible pour aller rendre visite à sa cousine sainte Élisabeth, de même pour la servir en sa maison. (...)
Source : Livres-mystiques.com
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