Il me semble que cet article mêle plusieurs problèmes distincts, quoiqu'ils entretiennent des liens entre eux.

1° La comparaison avec l'époque de la Réforme : les affirmations de l'auteur me semblent peu convaincantes. A l'origine de la Réforme, il n'y a pas seulement les mauvaises mœurs d'une partie du clergé, mais aussi une vraie crise spirituelle liée à une inquiétude quant au salut.

Aujourd'hui, la question du salut laisse indifférents même des chrétiens pratiquants. On agite beaucoup la menace d'un schisme conservateur extrêmement improbable alors que le schisme est déjà là, latent, implicite, par suite de la décomposition générale de la doctrine dans de larges parties de la catholicité.

2° La question de l'obsession supposée du clergé pour la morale sexuelle. Il n'est malheureusement pas entièrement faux de dire que dans un certain catholicisme néo-conservateur, les problèmes liés au 6e commandement semblent avoir occulté tout le reste.

Cependant, c'est aussi par souci pastoral que le clergé est contraint de parler de ces problèmes, tout simplement parce qu'il est question du salut des âmes. Il s'agit de péchés en matière grave, faciles à commettre et extrêmement répandus, qui s'opposent directement à la vie de la grâce. On ne voit donc pas comment l'Eglise pourrait renoncer pendant un siècle à en parler.

3° La question, la plus importante sans doute, du pouvoir dans l'Eglise. On trouve dans le texte le refus, plus ou moins clairement exprimé, de l'idée que l'Eglise ait un pouvoir à exercer. C'est un problème qui avait déjà été posé, en termes finalement assez semblables quoique dans un contexte tout différent, en 1790-1792, dans la première époque du schisme constitutionnel dans la France révolutionnaire.

L'Eglise a reçu le pouvoir des clefs. Renoncer à exercer le pouvoir qu'elle a reçu du divin Maître sous prétexte de vouloir une Eglise servante et pauvre, qui substituerait l'idée de ministère à celui de pouvoir de juridiction, c'est renoncer à conduire les âmes au Ciel. Oui, l'Eglise a un pouvoir, qui réside dans sa hiérarchie, même si ce pouvoir doit être exercé dans un esprit de service, l'esprit de Jésus-Christ, qui a interdit à ses apôtres l'esprit de domination.

On a le sentiment que c'est l'idée d'une puissance spirituelle qui est dénoncée comme un abus. Or cette idée est inséparable de la nature même de l'Eglise de Dieu.

4° Les solutions pratiques à adopter. La descente préventive dans les catacombes ne devrait pas sembler une solution satisfaisante, même si c'est une perspective qui semble jouir ces derniers temps d'une certaine popularité. Ce n'est d'ailleurs probablement pas une solution pour les problèmes d'abus dont il est question.

Quant au besoin de juger les évêques criminels, il convient certainement de procéder avec la plus extrême circonspection. L'émotion légitime que soulèvent les scandaleuses défaillances des membres de la hiérarchie ne doit pas conduire à remettre en cause l'ordre même de la hiérarchie, qui tient à l'institution divine de l'Eglise.

Le problème est bien évidemment qu'aujourd'hui, le pape semble protéger autant qu'il peut les délinquants, ce qui rend difficile de les faire juger par le Saint-Siège ou par des conciles provinciaux (le problème est finalement le même qu'en matière doctrinale : le juge refuse de juger). Il faut certainement en gémir, dénoncer les coupables avérés et se garder de coopérer en quoi que ce soit à leurs crimes, mais on ne voit pas comment des laïcs indépendants pourraient exercer le jugement sur des successeurs des apôtres, à moins de renverser de fond en comble l'ordre hiérarchique et d'apporter ainsi des remèdes pires que le mal.

Peregrinus

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