LIVRE DEUXIÈME
CHAPITRE IV
Des croix corporelles
(...) On dira encore que tout cela est bon, mais qu'il en arrive de bonnes humiliations : (...) on est méprisé, on est rebuté ; on s'ennuie, dans la longueur du temps, de vous servir et assister. Tant de charité qu'il vous plaira dans une forte maladie, si les incommodités durent longtemps, particulièrement quand elles ne sont pas si notables, on manque souvent de plusieurs besoins.
Hélas ! vous plaignez-vous du trop de grâces que le ciel vous fait ? Si vos croix sont plus grandes, vous en êtes plus heureux devant Dieu. J'oubliais de vous dire que Dieu laisse quelquefois des personnes de grande vertu si sensibles à leurs maux, qu'à moins d'un grand discernement, vous croiriez qu'elles sont fort impatientes quoique dans leur fond elles soient admirablement résignées à la divine volonté.
Les douleurs de sainte Catherine de Gènes lui faisaient quelquefois faire des cris jusqu'au ciel, dit l'histoire de sa vie. J'ai connu des âmes d'une vertu extraordinaire, à qui la même chose est arrivée. Cela sert à humilier, et à couvrir des vertus qui raviraient si elles étaient aperçues. Certainement le miroir de patience, le bienheureux Henri de Suso, pleurait et criait à hauts cris, et quelquefois dans les rues, au milieu de ses souffrances.
Les impatients ne doivent pas de là prendre un sujet d'excuse à leur peu de résignation ; mais les personnes véritablement résignées, peuvent se consoler par ces exemples, si leur partie inférieure est vivement touchée, et jusqu'aux larmes ; cela n'empêche pas l'entière conformité de la volonté avec la volonté de Dieu.
CHAPITRE V
De la perte de l'honneur
Quoi que l'homme puisse faire par ses austérités, aumônes, catéchismes, prédications, oraisons, s'il n'arrive au mépris de l'honneur, il ne parviendra jamais à l'entière union avec Notre-Seigneur, parce que c'est ce qu'il a le plus aimé et chéri en ce monde, et l'état dans lequel il est né et est mort.
Chose étrange ! Nous ne voulons point ce qu'un Dieu-Homme a toujours recherché ; ou si nous en voulons, nous nous lassons bientôt de ce qu'il a aimé jusqu'au dernier moment de sa vie divine. Que deviendra ici la prudence humaine de certains spirituels, qui estiment et assurent qu'il est nécessaire, pour faire le bien, d'avoir du crédit et d'être en honneur parmi les hommes ?
La grande sainte Thérèse regarde cette maxime, non seulement comme insupportable, mais comme très pernicieuse. Redisons encore ce qui a été dit autre part : Sommes-nous plus sages que la Sagesse éternelle, pour trouver des voies plus propres à faire le bien, que celles qu'elle a prises ? Ô mon âme, arrêtons nos yeux sur cet exemplaire parfait, et ne les en détournons pas.
Source : Livres-mystiques.com
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