VINGT-SIXIÈME DEGRÉ
Du Discernement dans les pensées, les vices et les vertus.
20. Parfois, ce qui a coutume d'être un bon remède pour certaines personnes, devient un poison véritable pour d'autres, et que ce même remède donné à la même personne, mais dans des circonstances différentes, lui est salutaire dans un temps, et funeste dans un autre.
21. J'ai vu un médecin spirituel, également ignorant et indiscret, lequel accabla si mal à propos de reproches un pauvre malade qui languissait sous le poids de ses péchés, qu'il le poussa dans les horreurs du désespoir. S'en ai vu un autre, plein de science et de sagesse, qui, par des reproches humiliantes, fit comme une incision dans un cur gonflé d'orgueil, et en fit heureusement sortir toute la corruption infecte qui le gâtait et le salissait.
22. J'ai vu le même malade spirituel qui tantôt, pour se guérir des passions qui corrompaient son cur, avalait comme un breuvage salutaire toute l'amertume de l'obéissance, et en devenait vigoureux, ardent, laborieux et vigilant, et tantôt, pour rendre la vue à l'il de son âme, se tenait dans une immobilité et un silence parfaits, ne regardant personne et ne parlant à personne. Que celui qui a des oreilles pour entendre, comprenne ce que je veux dire ici !
23. Il y en a, et je vous avoue que je ne sais comment car je nai point cherché à connaître par moi-même et par mon propre jugement comment arrivaient ces dons et ces faveurs précieuses, mais enfin il y en a qui sont naturellement portés à la continence, au repos de l'âme, à la modestie, à la douceur et à la componction du coeur.
Il y en a d'autres qui ont des inclinations opposées à ces vertus, et qui combattent de tout leur pouvoir ce mauvais naturel. Or, quoique ces derniers ne triomphent pas toujours de leurs penchants, je les crois préférables aux premiers; car ils triomphent de la nature même.
24. Ne venez donc pas vous glorifier devant moi, vous qui, sans travail et sans peine, jouissez de ces dons et de ces faveurs de la nature; mais confessez avec humilité que le souverain Dispensateur des dons ne vous a si bien favorisés, que parce qu'Il connaissait votre extrême faiblesse, qu'Il prévoyait que, sans ces grâces toutes gratuites, vous vous seriez perdus, et parce que dans sa Bonté infinie, Il voulait vous sauver.
Nous devons encore observer qu'une bonne éducation, des instructions salutaires reçues dans notre enfance, les exercices spirituels auxquels nous nous sommes livrés pendant notre adolescence, peuvent dans la suite de notre vie nous porter à pratiquer la vertu et à faire profession dans la vie monastique; mais que toutes ces choses peuvent nous en détourner, si elles n'ont pas été bonnes et chrétiennes.
25. Les anges sont une lumière pour les moines; les moines doivent être la lumière des autres hommes. C'est pourquoi ils sont obligés spécialement à faire tous leurs efforts pour devenir des hommes exemplaires, et pour ne jamais, soit dans leurs paroles, soit dans leurs actions, donner lieu à personne de se scandaliser; car si la lumière se change en ténèbres, que deviendront les ténèbres elles-mêmes, je veux dire ceux qui vivent au milieu du monde ? (cf. Mt 6,23)
Source : Livres-mystiques.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde