La boutique de l’Espérance, partenaire historique du Forum catholique !
Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Très intéressant!
par Signo 2018-05-01 21:44:42
Imprimer Imprimer

Ces propos rejoignent mes intuitions et celles de nombreux penseurs célèbres. En particulier:


C'est d'abord un mouvement théologique. Il s'agit d'insister sur le fait que l'orthodoxie chrétienne ne consiste pas seulement en une série d'observations rituelles traditionnelles, mais possède un pouvoir de transformation radical. Cela implique d'insister sur une vue intégrale de la nature et de la grâce, de la raison et de la foi, de la théologie et de la philosophie. Il est impossible de séparer la foi chrétienne de la manière dont nous pensons l'éthique, les sciences sociales. Je ne pense pas qu'il y ait une frontière entre théologie et philosophie. Par ailleurs, il s'agit de s'ériger contre l'idée selon laquelle le christianisme serait un humanisme comme les autres. Le christianisme est un modèle alternatif à la modernité telle qu'elle est issue des Lumières. L'idée post-kantienne selon laquelle on pourrait stabiliser le savoir dans des structures de la connaissance sans les ancrer dans une métaphysique a fait long feu. Foucault et Deleuze ont été utiles lorsqu'ils ont souligné le profond relativisme auquel devait nécessairement aboutir un humanisme sans transcendance: tout en réalité est instable et le savoir est incertain. En poussant jusqu'au bout les prémisses d'un humanisme sans dieu, ils ont paradoxalement montré que la seule stabilité possible était la transcendance.



On retrouve bien là les caractéristiques traditionnelles de la pensée catholique, qui entend rassembler l'ensemble des domaines d'exercice de la pensée humaine en un commun édifice dont la clé de voûte est la théologie, c'est à dire la science de Dieu. Opposer la philosophie à la théologie comme le font les modernes est une aberration.


Je n'accuse pas directement les Lumières, qui n'ont été qu'une réaction à une théologie appauvrie, qui était devenue trop dogmatique, univoque et avait perdu tout mysticisme. Avoir fait de la connaissance de Dieu une connaissance logique, claire, certaine et objective faisait encourir le risque du scepticisme. La théologie s'était calquée sur le modèle logique de l'épistémologie. Je crois que sur le long terme, le problème était la perte d'une métaphysique chrétienne fondée sur l'analogie, c'est-à-dire l'idée que tout sur terre est plus ou moins un reflet du divin. L'idée que nous sommes des corps incarnés dans le monde, pas des spectateurs détachés et que nous pouvons avoir une connaissance intuitive des choses



Cette "théologie appauvrie", ayant perdu sa dimension mystique, est exactement la conséquence que la modernité a eu sur la pensée catholique à partir de la soi-disante "Renaissance", et surtout à partir des XVIIe et XVIIIe siècles. La haute pensée médiévale à la fois philosophique et mystique du Docteur angélique s'était en effet peu à peu muée en "thomisme desséché" (Abbé Gouyaud) qui hélas, me semble-t-il, imprègne toujours quelque peu l'enseignement dans les instituts traditionalistes. Dans cette mentalité appauvrie, il y a quelque chose du mystère de l'Incarnation, voire quelque chose de la notion de mystère elle-même, que l'on a perdu en Occident. Or l'idée que les réalités terrestres reflètent les réalités célestes est à la base de toute liturgie vraiment traditionnelle; pas étonnant, par conséquent, qu'à ce "thomisme desséché" corresponde une liturgie sclérosée, dégénérant trop souvent en un ritualisme étroit et mis en oeuvre de manière mécanique;la liturgie n'est plus vue comme un ensemble organique de symboles, de signes et de réalités matérielles à travers lesquelles le Christ communique sa vie aux hommes, mais comme une cérémonie purement juridique au sein de laquelle la stricte application des rubriques finit par passer avant la prière elle-même. Le résultat est que dans un tel cadre liturgique, on perd le lien vital, existentiel, que la symbolique liturgique permet d'établir entre l'homme et le Dieu vivant. D'où ces postures rigides, ce décorum lourd et pompeux, et cette impression générale que la prière liturgique n'est qu'une "mécanique" bien huilée que l'on constate dans la plupart des lieux de culte FSSPX ou Ecclesia Dei (certes, ces célébrations restent évidemment très largement préférables aux sinistres farces que l'on peut trouver, en guise de messe dominicale, dans 90% des paroisses ordinaires, mais cela n'excuse rien). Les orientaux eux par contre ont réussi à garder cette dimension "vitale", "existentielle", de l'expérience liturgique.

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 « Le libéralisme est une erreur anthropologique » par gégé81  (2018-05-01 14:41:25)
      Très intéressant! par Signo  (2018-05-01 21:44:42)
          "Thomisme desséché" par Peregrinus  (2018-05-02 15:46:56)
      Du sens des mots par Vincent F  (2018-05-02 08:47:38)
          Libéralisme philosophique et libéralisme économique par Jean-Paul PARFU  (2018-05-02 09:19:44)
              Même sur le plan philosophique par Vincent F  (2018-05-02 09:33:38)
      Selon Don Félix Sarda Y Salvany par Louisneuf  (2018-05-02 13:17:35)


160 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]