DIX-SEPTIEME DEGRE
De l'insensibilité de l'âme, ou de l'endurcissement du coeur, qui est la mort de l'âme avant celle du corps.
1. L'insensibilité, et dans le corps et dans le coeur, est un assoupissement léthargique qui, par une longue durée de maladie grave et par la négligence avec laquelle on en a pris soin, finit assez ordinairement par une paralysie universelle.
2. C'est de cette manière que l'âme tombe dans la funeste insensibilité. Elle est donc une négligence coupable des devoirs, laquelle produit enfin une habitude invétérée de les omettre. C'est un mortel engourdissement du coeur produit par une folle présomption; c'est une chaîne lourde et pesante qui nous empêche de courir avec joie dans les voies de Dieu; c'est un breuvage funeste qui nous fait perdre la componction; elle est la porte de l'affreux désespoir, la mère de l'oubli de Dieu, lequel, après avoir été enfanté par elle, lui donne lui-même l'existence et la vertu d'effacer en nous tout sentiment de crainte de Dieu.
3. L'insensibilité n'est-ce pas à un philosophe insensé qui, en donnant des leçons aux autres, prononce sa propre condamnation; à un avocat qui parle contre sa propre cause; à un médecin aveugle qui, tout en faisant de longues et savantes dissertations sur les moyens de guérir un malade, ne cesse d'agrandir et d'envenimer ses plaies et d'augmenter son mal ? En effet on l'entend parler avec zèle et science de la maladie de son âme, et on ne le voit jamais s'abstenir des choses qui l'entretiennent; il demande à Dieu de l'en délivrer, et, par ses mauvaises habitudes dans lesquelles il ne cesse de tomber, il s'enfonce et s'engage plus avant dans l'abîme; s'indigne contre lui-même :
Eh ! le malheureux ! ne rougit plus des reproches amers qu'il se fait; il sait encore qu'il fait mal, il le dit même, et il ne prend pas les moyens de se corriger; il parle de la mort, et il vit comme s'il ne devait jamais mourir; il pousse de longs gémissements sur les suites terribles et inévitables de la mort, et il est tranquille, comme s'il n'avait rien à craindre et qu'il fût immortel ici bas.
Il traite des avantages précieux et des fruits salutaires de la mortification, et il n'hésite pas de se livrer sans scrupule aux excès et aux délices de la bonne chère; il lit souvent ce qui regarde le jugement dernier, et il est assez insensé pour n'en faire aucun cas, et même pour en plaisanter; il parcourt, en lisant, ce qui est écrit de la vaine gloire, et cette lecture même augmente ce vice dans son misérable coeur.
Il donne des louanges aux veilles, et lui-même se plonge dans les douceurs du sommeil; il relève avec éloquence la vertu et l'excellence de la prière, et cependant il l'a en horreur et ne se livre à ce saint exercice qu'avec une extrême répugnance et par force : elle fait son supplice et son tourment.
Source : Livres-mystiques.com
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