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Fête de la Sainte Famille : le Mystère nuptial de Joseph et Marie
par BK 2018-01-06 21:17:22
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<em>Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. </em>

L’Évangéliste Luc identifie ici Marie par deux caractères fondamentaux :

- sa Virginité, qui est la Pureté parfaite de l’Immaculée Conception (et l’on pense aussitôt à la question saisissante de Saint Maximilien-Marie Kolbe : <em>Qui es-tu, Immaculée Conception ? </em>)

- son mariage avec un homme de la Maison de David, Joseph.

Ces deux caractères – Virginité immaculée et Union sponsale à Joseph – sont premiers, et suffisent à identifier Marie : ils nous sont donnés avant même ce qui nous paraîtrait être le plus évident, son prénom – prénom qui quant à lui semble presque donné par un luxe superflu de détails.

<em>Une jeune fille vierge, accordée à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. </em>

Ces deux caractères sont tellement premiers et fondamentaux pour reconnaître et connaître Marie, que l’Évangile de la Nativité de Marie est précisément la table des origines de Jésus-Christ rapportée par l’Évangéliste Matthieu, qui se conclut sur la phrase :

<em>Jacob engendra Joseph, l’Époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. </em>

Là où Saint Luc identifie Marie par son lien sponsal à Joseph, Saint Matthieu identifie Joseph par son lien sponsal à Marie. Le mariage de Joseph et Marie est ainsi constitutif de leur identité : il est l’union intime de deux âmes que Dieu Lui-même unit.

Marie est identifiée seulement après par les deux Évangélistes par son lien unique à Dieu, qui sera son plus beau et mystérieux titre : Mère de Jésus, Christ, Fils du Très-Haut ; Mère de Dieu.

Joseph, quant à lui, est présenté – ce qui est assez naturel – par son hérédité, sa généalogie, ses ancêtres : d’Adam à Abraham, d’Abraham à David, de David à son père Jacob.

Il est remarquable Paul VI choisira de prolonger l’Évangile de la fête de la Nativité de Marie jusqu’au songe de Joseph, jusqu’à ce réveil où Joseph fait ce que l’Ange lui avait prescrit, et prend chez lui son Épouse Marie.

Il semble ainsi que le couronnement sur cette terre de la Nativité de Marie est le jour où, Vierge, Épouse, et Mère, Marie commence sa vie commune avec Joseph. Le Don à Marie de l’humanité, représentée au pied de la Croix par le disciple bien-aimé, viendra quant à lui couronner la Maternité de Marie.

Si donc on veut connaître Marie, entrevoir la réponse à la question <em>Qui es-tu, Immaculée Conception ?</em> – si l’on veut pouvoir rejoindre et entrer dans la vie de celle que l’hymne acathiste appelle l’<em>Abîme de Joie impénétrable même aux Anges</em> – il faut se tourner vers celui à qui la Sainte Vierge s’est donnée : Joseph, son Époux, homme de la Maison de David.

Selon les coutumes de l’époque, le mariage est déjà fait, seule la vie commune n’a pas commencé. Et le mariage étant fait, l’Ange Gabriel peut annoncer à Marie qu’elle sera la Mère du Sauveur.

Le « oui » l’un à l’autre devant Dieu de Joseph et Marie était nécessaire à l’Incarnation, et il rend possible le « Fiat » de Marie à l’Annonciation. Les deux Évangélistes Luc et Matthieu le soulignent :

<em>L’Ange Gabriel fut envoyé à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la Maison de David. Or voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.</em>

Et c’est précisément parce que Marie est totalement sûre de Joseph qu’elle peut répondre immédiatement à l’Ange son « <em>Fiat</em> ».

Marie est sûre de Joseph : elle sait qu’il comprendra tout dans l’instant, de l’intérieur, qu’elle n’aura pas même à le convaincre : il sera touché, car Dieu lui parle à lui aussi, car en homme juste, Joseph son Époux est fidèle à écouter Dieu, et à répondre, avec douceur mais sans retard aucun, à la Grâce.

Marie est sûre de Joseph, et la confiance de celle dont la sagesse a mérité de concevoir le Verbe, était sans qu’aucun soit possible bien placée.

La lecture pseudo-féministe est, en regard de ce profond Mystère de Communion conjugale des Époux modèles de tous les époux, tout à fait ridicule.

Marie reçoit en l’absence de Joseph par l’Ange Gabriel une mission de Dieu, et toute contente et émancipée, elle lui lance « Banco ! », avant de partir aussitôt visiter sa cousine Elisabeth, parce que la grossesse de sa cousine âgée est la seule vraie urgence.

Elle rentre trois mois plus tard, et prévient (peut-être même par courrier ?) Joseph, qui est un peu interloqué et meurtri, mais décide de la répudier en secret – en secret parce qu’il l’aime quand même malgré tout ce qu’elle lui a fait, et qu’il ne voudrait vraiment pas qu’elle soit lapidée : elle est peut-être indélicate, mais de cela-même elle n’est pas responsable.

N’oublions pas que la liturgie, qui ne saurait mentir, prie Joseph, Époux de Marie, au présent, non au passé. Le Seigneur <em>a reposé</em> dans ses bras, mais Joseph <em>est</em> pour l’éternité Époux de Marie.

Le Oui de Joseph et Marie précède l’Annonciation, d’un lien nécessaire non seulement temporellement, juridiquement, ou socialement, mais même humainement et en un sens ontologiquement : Marie n’a été prête à devenir la Mère du Sauveur qu’une fois Joseph et elle engagés et unis par les liens sacrés du mariage.

Marie, avant d’être Mère du Christ, se définit par sa double et en même temps unique donation à Dieu et à Joseph. Marie se définit par une unique et triple union dans l’unique Esprit – à Dieu son Père, à Joseph son Époux, à Jésus son Fils – qui se dédouble encore :

Marie, Fille bien-aimée du Père et Fille de Sion
Marie, Mère bien-aimée du Fils et Mère de l’Eglise
Marie, Épouse mystique du Saint-Esprit et Épouse de Saint Joseph

En Marie, ces six Mystères n’en sont qu’un : celui de <em>Marie</em>, celui de l’<em>Immaculée Conception</em>.

Il faut sans cesse garder présent aux yeux de l’âme qu’en Marie, la nature et la grâce ne sont qu’une seule Œuvre, le Chef-d’œuvre de Dieu, l’Œuvre dont l’unité et la perfection sont les plus grandes – anticipation en cela de ce qui est notre propre vocation.

Et singulièrement, en Marie et Joseph, la Gloire de Dieu éclate : Dieu nous donne en Lui-même les uns aux autres, Dieu nous unit à Lui pour nous unir les uns aux autres. Tel est le Mystère virginal de Marie et Joseph, tous donnés à Dieu, tous donnés l'un à l'autre, tous donnés à l’humanité pour notre Salut.

La Vierge répond à l’Ange Gabriel : <em>Qu’il me soit fait selon ta parole.</em>

Marie ne lui dit pas : <em>Qu’il me soit fait selon la Volonté de Dieu.</em>

A l’Annonciation, les Anges s’engagent aussi, en particulier l’Archange Gabriel. C’est sur la parole de l’Ange que Marie répond <em>Fiat</em>.

<em>Qu’il me soit fait selon TA parole</em> : il y a là une grande marque de respect et d’attention envers l’Ange envoyé de Dieu – comme ce vouvoiement inattendu qu’une très Belle Dame adressera à Bernadette.

Mais également comme cette tension de Marie dans le film de Mel Gibson, qui malgré la Passion de son Fils et sa Douleur de Mère compatit à chaque douleur qu’elle rencontre (dans le film, celle de Marie-Madeleine et de la femme de Pilate). C’est elle qui souffre le plus, mais sa gloire est précisément d’en faire le lieu d’une immense ouverture, disponibilité et communion aux besoins de chaque membre de l’humanité.

Marie, quoique ravie par la Splendeur du Mystère de Dieu révélé en son Fils, n’en discerne pas moins l’être profond de chacun de ceux que Dieu met sur sa route, et singulièrement de l’Ange Gabriel ou de Bernadette, comme de chacun de nous.

<em>Qu’il me soit fait selon TA PAROLE</em> : l’Ange n’est pas un héraut qui répète un message pré-rédigé par Dieu, mais le libre Messager du Dessein divin. Saint Michel ou Saint Raphaël auraient vraisemblablement choisi d’autres mots pour annoncer à Marie sa Mission. Mais Dieu a voulu se faire connaître par Son Archange Gabriel.

La médiation angélique qui ouvre l’ère du Salut montre ainsi bien le Dessein de Dieu sur les hommes : leur redonner par la Mort et la Résurrection du Fils la gloire des mérites d’une vraie liberté. Dieu veut confier une mission véritable à chacun. Nous ne sommes rien devant Dieu et ne pouvons rien sans Lui. Mais Dieu veut faire de nous les coopérateurs en un sens irremplaçables de Son Œuvre, car toujours uniques.

Et Jésus recevra, comme Jean Baptiste avant lui, le prénom que </m>l’Ange</em> Lui a donné. Matthieu ajoutera aussitôt que le Christ aurait pu s’appeler Emmanuel, qu’Il est l’Emmanuel véritable. Mais l’Ange Gabriel lui a donné – et donc choisi – le prénom de Jésus.

L’Ange Gabriel confirmera à Joseph que c’est bien à lui, fils de David, choisi pour être père sur terre du Fils de Dieu, de donner ce nom de Jésus et cette filiation davidique à l’enfant que porte son Épouse Marie.

La crainte de Joseph a suscité bien des interprétations, elle a assez souvent été prise pour un doute. Ce n’est pas un doute envers Marie, mais envers lui-même, une crainte comparable à celle qui saisit Pierre à la pêche miraculeuse : <em>Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur</em>.

Il fallait la Pureté inaltérable de Marie, et sa parfaite Confiance en Joseph, pour pouvoir répondre instantanément, et dans la plus grande paix : <em>Qu’il me soit fait selon ta parole</em>, après avoir pourtant été bouleversée au début par la Salutation de l’Ange.

Joseph, lui aussi, est saisi de crainte. Et, nous dit l’Évangéliste Matthieu, <em>lui, son Époux, qui était un homme juste, décida de la répudier en secret. </em>

La Peshitta (version syriaque, araméenne, des Écritures) porte : <em>Joseph, qui était un homme juste, ne voulut pas divulguer (son ou leur) secret. </em> Et une note dans son édition française ajoute que le mot employé ne permet de penser aucune nuance de doute.

En fait, ce choix – choix commun de Joseph et Marie – résulte assez logiquement du dialogue entre Marie et l’Ange.

Marie ne pose à l’Ange qu’une question, essentielle : <em>comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? </em>

L’Ange lui répond : <em>L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous Son Ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. </em>

Marie demande, et reçoit la réponse : la Conception de son Fils sera un Miracle, une intervention directe de Dieu, comme la conception de Jean-Baptiste pour ses cousins Zacharie et Élisabeth.

Pour autant, Marie n’a pas demandé à l’Ange si elle devait commencer sa vie commune avec Joseph, son Époux. L’Ange n’a pas même évoqué Joseph dans ses paroles. Et ce silence, gardé dans leur cœur à tous deux et médité ensemble, les conduira à choisir de vivre leur mariage séparés, ce qui pour eux est un véritable arrachement.

Il est possible que cette décision repose principalement sur la crainte de Joseph. C’est en tout cas ce que pourrait discrètement suggérer l’Évangéliste Matthieu. Mais ce n’est pas certain.

Peut-être aussi s’agissait-il pour Joseph de délier Marie, son Épouse, pour qu’elle puisse accomplir parfaitement sa mission : partir au désert porter et élever son Fils. Mais en réalité le désert, la clôture voulue par Dieu, était bien leur foyer.

Peut-être encore s’agissait-il de la part de Joseph et Marie de reconnaître la grandeur et l’exclusivité de l’Appel de Dieu à Marie.

En tout cas, après deux récits où la Foi d’Abraham reçoit en écho le doute de Sara, et où le doute de Zacharie vient s’enfouir dans le silence de la Foi d’Elisabeth, Joseph et Marie ont tous les deux cru et engagé leurs libertés : Dieu a reconnu qu’ils étaient justes, et ils ont parfaitement accompli le Dessein de Dieu.

La résolution de Joseph et Marie est en tout cas humilité, non pas erreur, la réponse réelle et profonde, la grande et belle réponse aux mérites immenses, la réponse immédiate au Dessein de Dieu tel qu'il se révélerait par la mort précoce de Joseph.

Ce Mystère nous fait comprendre quelle patience, quelle fidélité, et quel abandon total nous devons avoir pour nous disposer à recevoir de connaître le Dessein de Dieu sur nous-mêmes, et nous disposer à y répondre.

Nous connaîtrons ce Dessein, car Dieu nous a créés libres, pour être libres, pour nous engager librement à Sa Suite, pour Lui donner notre libre réponse d’amour, pour répondre librement à l’Amour par l’Amour. Mais en temps opportun : <em>fructum suum dabit in tempore opportuno.</em>

Relevons cependant en passant que Dieu nous aime, et que comme tout amoureux, Il veut ce que nous voulons. Dieu ne nous a pas créés « pour Lui » par narcissisme : Il nous a créés pour Lui parce que la Béatitude est dans la Vision de Dieu. Mais au fond, Il nous a créés pour nous : nous n’ajoutons rien à Sa Perfection, ni même à Sa Joie. La Création, l’Incarnation, la Rédemption, la Passion et la Résurrection sont pour nous, pour notre Bonheur.

Relevons également que la fine pointe de notre personne est dans notre liberté. Dieu veut que nous soyons nous-mêmes : Il nous donne la liberté de choisir quels dons nous chercherons et recevrons de son Amour, de quelle façon nous apprendrons à Le connaître et L'aimer, de quelle manière unique nous réfléchirons, réfracterons et diffuserons sa Gloire, dans ce monde et pour l'éternité.

« Sans injure pour les autres, l’Église chante en toute vérité de chaque saint : <em>Non est invéntus símilis illi</em>, on n’a pas trouvé son semblable. (<em>Bréviaire romain, Antienne des Laudes d’un confesseur pontife</em>) Tout cela procède de l’infinie puissance et aussi de la libéralité de Celui qui sanctifie, et qui veut et peut seul faire rayonner, en chacun de ses saints, la gloire d’un don tout particulier. » (Bhx Raymond de Capoue o.p., <em>Vie de Catherine de Sienne</em>)

Nous n'avons cependant pas à suivre un plan prédéfini, à devenir une image déterminée de l'extérieur : Dieu assiste dans son Éternité au déploiement dans le temps de notre liberté sous l'effet d'une grâce toujours offerte, et riche de potentialités infinies. Dieu sait bien sûr quel sera notre visage ultime, mais Il ne nous l'impose pas, Il ne le choisit ni ne le fixe pour nous. Il nous laisse par nos actions volontaires lui donner la forme que nous lui choisissons, et que de notre point de vue Il pré-connaît.

C'est évident dans la vie spirituelle : se nourrir de Saint Jean ou de Saint Paul, des Psaumes ou de la méditation du chapelet, toutes excellentes choses, nous fera connaître le même Dieu, réellement et en vérité, mais par des canaux différents. Nous Le connaîtrons Lui, mais pas de la même manière. Nous avons certes des dispositions personnelles qui nous orientent vers telle voie spirituelle, mais à chaque instant nous avons la liberté de choisir entre une insurpassable profusion de choix bons, qui nous façonneront différemment, et contribueront à nous donner notre véritable visage ou personnalité : notre œuvre, que Dieu veut transfigurer par le Don de Lui-même (et rien de moins que ce Don).

Pour le dire autrement : nous ne sommes pas acculés à chaque instant à un unique choix parfait possible, mais appelés à choisir librement telle action parmi toutes celles que la grâce de Dieu peut rendre parfaites, action qui sera nôtre, et gravée pour l'éternité : « Un acte une fois posé ne se reprend pas. Ses orbes et ses ressacs se prolongent en des lointains inaccessibles. Nous créons du définitif et c’est ce prolongement dans l’éternité de nos moindres actions qui fait notre grandeur d’homme. » (Guy de Larigaudie, <em>Étoile au grand large</em>)

Dieu nous donne(ra) d'être plus que ce que nous sommes – "<em>semblables à Lui, car nous Le verrons tel qu'Il est</em>", ce que Lui seul peut faire – mais pas autres que ce que nous aurons choisi d'être et devenir, ce que nous seuls pouvons faire.

Pour résumer d'un mot, on retrouve ici tout l’élan de l'admirable prière de l’Aspirant Zirnheld : « Je m'adresse à Vous, mon Dieu, car Vous seul donnez ce qu'on ne peut obtenir que de soi » – notre visage, tracé pour l'éternité par nos labeurs, que de l'intérieur le Saint-Esprit vivifie, éclaire et unit en plein cœur à Dieu, pour en faire Sa pleine Image et Ressemblance.

Le Dieu qui se cache, Dieu d’Israël Sauveur, se cache ainsi également dans ce qu’Il nous donne d’être, précisément pour nous donner de l’être pleinement.

La Virginité de Marie n’est en effet pas qu’une réalité d’ordre matériel. Marie est préservée du péché, rien de ce qu'elle est ne fait obstacle à l'éclat et au plein rayonnement de la Gloire de Dieu – et elle conçoit et enfante Dieu Lui-même. Marie se reçoit totalement de Dieu, et est toute offerte à Lui, sans que sa personne ne soit en rien forcée. Sa transparence ne fait pas disparaître son Mystère ; son ouverture à la Grâce n'exclut pas la clôture d’un Jardin où Dieu Lui-même repose, mais sans le posséder entièrement.

Marie réalise et préfigure ainsi le Don que Dieu veut nous faire : agir en nous, autant que nous Le laissons faire, avec cette suprême délicatesse qui sert <em>l'éveil de notre personnalité</em> et la couronne de ses dons, sans la forcer ni la déformer. C'est bien ce que montre la Toujours Vierge, <em>Épouse inépousée</em>. Dans sa transparence, elle découvre mystérieusement présente en elle la Lumière divine. Elle en est traversée, elle s'en laisse envelopper, et elle la réfléchit parfaitement, sans cesser d'être elle-même, ni perdre le secret de son être virginal, le mystère de sa personne :

<em>Dei Mater alma
Atque semper Virgo</em>

Redisons en effet, à défaut de pouvoir en dire beaucoup plus, que nous ne serons pas au Paradis face à Dieu comme des papillons fascinés par lampe un soir d’été : aveuglés, hypnotisés, englués, piégés, et finalement calcinés, pour redevenir la poussière que nous sommes. Au contraire, tout simplement « <em>nous serons semblables à Lui, parce que nous Le verrons tel qu’Il est.</em> » <em>La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la Vie de l’homme, c’est la Vision de Dieu.</em>

Rappelons encore que la gloire des Saints n’éclipse pas celle des autres, mais qu’elle la rehausse : la beauté de l’Ange le plus « bas » n’est en rien ternie ou obscurcie par la splendeur de l’Ange le plus parfait. La perfection de l’un n’est pas incluse dans la perfection de l’autre : il y a comme un chatoiement de couleurs ineffables, l’apothéose de perspectives insondables : un paysage – ou Dieu – vu de près ou de loin n’offre pas le même coup d’œil ni la même beauté.

L’homme, créature voulue et aimée de Dieu pour elle-même, révèle la fin de la Création et de la Rédemption : notre perfection, possession paisible et joyeuse de nous-même dans le don parfait à Dieu et aux autres. Dieu aime en effet chacun d'un amour unique, qui n'est pas distinct de Lui, par lequel Il se donne totalement, selon une perspective propre qui fonde chacun, lui donne son être unique, et sa richesse inépuisable.

Plaisant renversement des hiérarchies angéliques éternelles, par exemple, où les Anges les plus élevés se consacrent à la pure Louange de Dieu et où les Chœurs inférieurs aident les hommes... au cœur desquels Dieu vient vivre en personne, et où ce qui est fait à l'un de ces petits est fait à Dieu.

Fait à Dieu Lui-même, et comme sans intermédiaire. D’une part, l’union de Dieu à l’homme a plus de réalité que la personne que nous voyons. Ou plutôt, la personne dès cette terre est par l’union de Dieu Présence de Dieu, tout en étant elle-même – ce qui constitue l’ultime spécificité de notre humanité.

Et d’autre part, cette présence et cette union toutes spirituelles se font sans intermédiaire, de même que le Christ Médiateur sert notre union personnelle et sans intermédiaire au Père. <em>Je ne dis pas que j’interviendrai pour vous auprès du Père, car le Père vous aime.</em> Et qui aime spirituellement est uni sans intermédiaire à son Aimé.

Pour les anges aussi peut-être, le sens de la parole « les premiers seront les derniers » sera-t-il dévoilé au dernier Jour dans une Allégresse, une Exultation, une <em>Louange de Gloire</em>, universelle.

La réponse en songe de l’Ange, rapportée par Matthieu, confirme en tout cas la crainte filiale de Joseph : <em>Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton Épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint.</em>

<em>L’enfant qui est engendré en elle vient du Très-haut</em> : cette phrase n’est donc pas la réponse à un doute de Joseph, mais la libération vient de ce qui, lu superficiellement, pourrait redoubler la crainte de Joseph – et qui en réalité est le motif de la véritable Libération, la vraie raison de n’avoir pas de crainte : Dieu est entré dans l’Histoire, c’est précisément parce que le Très-haut, le Tout Autre, l’Au-delà de tout, parce que Dieu Lui-même agit, que la Confiance et la Paix sont possibles.

Dans le « <em>Ne crains pas !</em> » nous avons en fait la réponse à ce qui est le fond du choix de Joseph (et Marie) : la crainte devant la Grandeur de Dieu et le Mystère de Son Action, et devant sa propre humilité, voire peut-être même indignité.

<em>Joseph, fils de David, n’aie pas de crainte provenant de ce que l’Enfant que porte ton Épouse est conçu de l’Esprit-Saint. Mais au contraire, puisqu’Il est conçu de l’Esprit-Saint, n’aie pas de crainte : Il est le Libérateur d’Israël, c’est Lui qui sauvera Son Peuple de ses péchés, tu Lui donneras donc le Nom de Jésus. N’aie donc aucune crainte, et prends chez toi Marie, ton Épouse. </em>

Jésus répondra de la même façon, dans la même logique, à Pierre saisi de crainte après la pêche miraculeuse : <em>n’aie pas peur d’avoir pris du poisson, désormais ce sont des hommes que tu pêcheras. </em>

Et <em>quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son Épouse. </em>

Joseph éclairé sur la Volonté de Dieu, agit ensuite sans hésitation ni retard. Il prend tout simplement chez lui son Épouse.

L’amour conjugal de Joseph et Marie est ainsi à la source et au confluent de toutes leurs actions, de toutes leurs œuvres, de toutes leurs décisions, de toutes leurs pensées, de toutes leurs prières.

Il est probable cependant que ce choix résolu de vivre séparés aura préparé Joseph et Marie à la grande séparation due à la mort de Joseph.

Le cœur de Joseph a bien sûr été lui aussi transpercé de savoir que son Épouse et le Fils à Qui il a été donné pour père, et dont il est réellement le père, affronteraient sans lui la Contradiction, l’Hostilité, la Persécution, et les Souffrances de la Passion.

Le martyre de Joseph fut le martyre de l’amour conjugal, qui doit laisser ceux qu’il aime affronter seuls la souffrance et la mort. Joseph dut accepter de laisser Marie et Jésus seuls sur cette terre pour affronter la Passion. Or qui aime souffre doublement de savoir que vont tant souffrir et souffrir si seuls ceux qu’il aime tant.

Son oblation silencieuse et son acceptation paisible, malgré sa souffrance, valurent peut-être la palme du Martyre à l’Époux de la Reine des Martyrs.

Par ce départ aux Cieux avant les grands et terribles Jours de la Passion, Joseph vit en plénitude le Mystère vicarial de son ministère de père du Fils sur la terre. Le Père à la Béatitude <em>impassible mais compassible</em> envoie son Fils aux hommes, et Le voit de la Gloire divine vivre, souffrir et mourir pour eux.

Mais Joseph est en même temps en toute vérité l’Époux de l’Épouse inépousée.

Marie, Épouse de Joseph, et Reine des Cieux, a toujours Joseph pour Chef.

Maria, Regina Angelorum et Regina Caeli Caelorum
Maria, semper una cum et sub Ioseph : non enim vir ex muliere est, sed mulier ex viro
Omnis viri caput, Christus est ; caput autem mulieris, vir ; caput vero Christi, Deus

Le Couronnement de Marie, Reine des Cieux, Reine de l’Église, est médité comme le dernier des Mystères Glorieux.

<em>Quand tout sera achevé,
quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père,
après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance,
quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils,
Lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui Lui aura tout soumis,
et ainsi, Dieu sera tout en tous. </em>

Puisse Dieu alors nous donner de voir couronné dans la Gloire l’Abîme de Paix du Silence de Joseph.

Rien – rien de Saint, rien de Vrai, rien de Réel – n’est caché qui ne sera révélé.

Dans la Jérusalem Céleste, <em>on ne se souviendra plus de passé. </em>

Car l’Amour seul – <em>Veritas in Caritate, Caritas in Veritate</em> – demeure, éternellement présent.




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