Lettre aux Amis et Bienfaiteurs de l'ADEC n° 29 de novembre 2016 - Développement des écoles de la Tradition
Chers amis et bienfaiteurs
Si l'enseignement concerne davantage l'éveil de l'intelligence, la transmission des connaissances, et si l'éducation embrasse la formation de l'être humain dans le domaine moral, on ne peut nier que la nature de l'enseignement délivré dans une école engage aussi l'enfant dans certaines directions, et qu'elle soit porteuse d'influences morales qui le marqueront durablement.
Autrement dit, le professeur qui enseigne est aussi un éducateur. Il l'est par sa personnalité, par l'exemple qu'il donne, par ses conceptions morales qui transparaissent dans ses cours, par sa foi qu'il professe... ou qu'il ne professe pas ! Il l'est par l'autorité qu'il incarne et qu'il assume, mais aussi par la présentation de la discipline qu'il enseigne.
Le professeur de littérature, française ou étrangère, ne peut faire abstraction du climat moral de l'oeuvre qu'il fait étudier. Comme l'écrit le Père Calmel,
« toute oeuvre littéraire un peu grande détient une portée morale par le seul fait que l'être humain dont elle retrace devant nos yeux la destinée est un être moral. (...) Les grands textes littéraires, parce qu'ils évoquent notre condition et les jeux inouïs de notre terrible liberté, nous atteignent aussi dans la sphère morale ; ils nous obligent à porter des jugements de valeur et nous empêchent de nous enfermer dans la seule appréciation esthétique. (1)»
Sans vouloir faire de tout texte un prétexte à un cours de morale, il est impensable, même si l'on doit étudier la dimension esthétique de l'oeuvre, de faire abstraction des grandes questions que l'homme se pose et auxquelles l'oeuvre littéraire étudiée tente de répondre.
Le cours d'histoire n'échappe pas non plus à la règle. Au-delà des renseignements factuels, des dates, de l'usage des témoignages et vestiges du passé, en plus des interprétations possibles, une certaine idée de l'homme social transparaît nécessairement dans le déroulement des faits humains exposés. L'historien ne peut passer sous silence ce qui est juste ou injuste, ce qui relève de la fidélité ou de la trahison des hommes envers leurs concitoyens ou leur patrie, quels principes philosophiques ou religieux animent les institutions de l'Etat étudié, etc.
Quant aux sciences, on peut aisément comprendre que la présentation purement matérielle et physique de leurs contenus butera, à un certain moment, sur les questions philosophiques qu'elles impliquent. S'il est honnête, le professeur de sciences saura reconnaître ses limites en tant que scientifique et prolongera son discours, muni d'une sagesse réaliste, en s'élevant jusqu'au registre philosophique, ou bien y renverra ses élèves. S'il ne l'est pas, il leur donnera l'illusion que la science physique ou naturelle peut se dispenser de la science des sciences qu'est la philosophie, laquelle trouve son aide et sa règle dans les lumières de la Révélation et de la théologie qui en découle. Là où la science de la nature ne peut répondre qu'au «comment» des choses, certains prétendent, à tort, qu'elle peut résoudre tous les «pourquoi». Cette confusion des genres peut être la cause de bien des impasses intellectuelles. L'enseignement des sciences a donc bien une influence d'ordre éducatif.
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