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Brève histoire du catéchisme en France : comment il a été peu à peu égaré.
par Diafoirus 2016-08-28 12:51:08
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Brève histoire du catéchisme en France : comment il a été peu à peu égaré.


L’ÉVÊQUE étant docteur de la foi pour son Eglise diocésaine, chaque diocèse de France avait son catéchisme jus¬qu'en 1937. Seule exception antérieure : la période 1806-1814, où Napoléon Bonaparte imposa l'uniformité du catéchisme dans tout l'Empire français (avec une forte énumération des devoirs « envers Napoléon Ier, notre Empereur »). Le pape Pie VII avait refusé de l'approuver, mais le cardinal Caprara, légat du Pape en France, assura frauduleusement que l'approbation pontificale avait été donnée. A la chute de l'Empire, les évêques reprirent les manuels antérieurs.

CES CATÉCHISMES diocésains s'inspiraient plus ou moins du Catéchisme du Concile de Trente, approuvé par Pie V en 1566 et par Grégoire XIII en 1583. Littéralement ils étaient différents les uns des autres : inconvénient pratique pour les enfants qui changeaient de diocèse pendant leurs années de catéchisme. Saint Pie X, au début du XXe siècle, en rendant obligatoire, dans la province ecclésiastique de Rome, le catéchisme qui porte son nom, exprimait le vœu que les évêques du monde entier, en commençant au moins par ceux d'Italie, l'adoptent volontiers chacun pour sa part, afin d’« arriver à ce texte unique qui est dans le désir de tous » .

Aux environs de 1930, l'épiscopat français entra activement dans cette préoccupation, en raison de la mobilité croissante de la population.

Je tiens de l'un des experts alors consultés, l'abbé V.-A. Berto, qu'il donna l'avis suivant :

- Si l'on renonce au catéchisme diocésain, il faut alors adopter en France le catéchisme romain : celui de saint Pie X.

Cette solution fut écartée.

L'opposition à la mémoire de Pie X était très puissante (elle l'est toujours) dans les milieux dirigeants de l'Eglise de France, et venait d'être encore renforcée par la catastrophique condamnation, en 1926, de l'Action française par Pie XI. (C'est Pie XII, comme on le sait, qui lèvera la condamnation de l'Action française, et qui canonisera Pie X.) Et puis, l'épiscopat voulait un catéchisme « français ». On eut donc le Catéchisme à l'usage des diocèses de France, publié en 1937.

REPOUSSANT un autre projet qui se présentait (déjà) comme plus « évangélique » que l'enseignement traditionnel, le cardinal Verdier avait déclaré :

- Ce que nous voulons, c'est le catéchisme de l'Eglise : dogme, morale, sacrements.

En quoi il se trompait, non quant à l'intention ni à la doctrine, mais quant à la pédagogie de l'Eglise.

En France, au lieu de faire aux enfants une explication de texte concernant les trois textes religieux les plus importants, et en même temps les plus quotidiens et les plus familiers, le Credo, le Pater, le Décalogue, on allait se mettre à leur enseigner « le dogme » et la « morale » comme à des élèves de philosophie ou à des étudiants en théologie. C'était se détourner du concret vécu pour un intellectualisme inadéquat.

Aussitôt, puis surtout à partir des années cinquante, les partisans d'un catéchisme plus « progressif » , plus « évangélique » - et à partir de la fin des années soixante ils diront: plus « conciliaire » - pouvaient reprocher avec quelque raison au catéchisme français d'être trop « abstrait ». Plus « abstrait » à vrai dire par son plan et par sa présentation que par son contenu ; mais assurément en train de perdre le contact avec le concret vécu de la récitation quotidienne du Credo et du Pater, de l'examen de conscience au regard des Commandements. L'épiscopat s'était hâté de vouloir remédier à cette « abstraction » excessive dans une édition « revue et corrigée ». Ce fut le catéchisme français de 1947. Mais on était déjà très enfoncé dans le verbiage idéologique. On ne revint pas au concret de la vie religieuse quotidienne : on se contenta de changer les mots. A la place de « dogme » on écrivit : « Les vérités que Jésus-Christ nous a enseignées » ; à la place de « morale » : « Les commandements que Jésus-Christ nous a donnés ».

Dans le catéchisme français de 1947, qui transmettait encore la foi catholique, on expliquait les commandements ; les articles du Credo étaient cités davantage comme ornement épigraphique que comme texte à expliquer point par point ; et le Pater, dont l'explication est ce qui instruit la vertu théologale d'espérance, était expédié en huit lignes de paraphrase.

Le supposé « esprit du Concile » et la très réelle « évolution conciliaire » accablèrent du nom immérité de catéchisme traditionnel ce catéchisme français de 1947, désigné comme rébarbatif et périmé. Erreur, ce n'était pas le catéchisme romain traditionnel : celui-ci était inconnu, il était introuvable, il était oublié quand la revue Itinéraires prit l'initiative, en 1967, de publier une édition intégrale du Catéchisme de S. Pie X (Premières notions ; Petit catéchisme ; Grand catéchisme; Instruction sur les fêtes; Petite histoire de la religion; en un seul volume, pour aler au plus pressé).

Ce fut alors, en 1968, une situation de choc frontal (Présent du 6 septembre), situation qui pour l'essentiel ne s'est pas modifiée depuis 34 ans.

« Il a fallu, quand a commencé en France le choc frontal sur le catéchisme, que ce soient des laïcs qui procurent aux fidèles le catéchisme catholique romain que personne ne leur procurait plus. Ne vous y trompez pas, la publication par des laïcs, en septembre-octobre 1967, du Catéchisme de S. Pie X, marque dans l'histoire de l'Eglise de France, une date singulière, et le début d'une période sans précédent. »

MAIS avant même l'installation de ce choc frontal, la plus grande partie du clergé diocésain et des « enseignants » français n'utilisaient même plus le catéchisme de 1947 qui demeurait théoriquement en vigueur. Sept années avant le Fonds obligatoire de 1967, Etienne Gilson portait déjà ce terrible témoignage :

« Les petits Français de 1900 apprenaient leur catéchisme, ils le savaient par cœur et ne devaient jamais l'oublier. On ne s'inquiétait pas autant qu'aujourd'hui de savoir ce qu'ils en comprenaient alors, c'était pour plus tard qu'on le leur enseignait, en vue du temps où ils seraient en âge de comprendre. En fait, quand une hésitation sur le véritable enseignement de l'Eglise se fait jour dans l'esprit d'un chrétien formé à cette discipline, il sait toujours à quel endroit de son catéchisme retrouver la question dont il a besoin ( . . . ).

« Le catéchisme que l'on enseignait alors [ c'était le catéchisme diocésain d'avant le « catéchisme français » de 1937 - NDLR] était d'ailleurs admirable, d'une précision et d'une concision parfaites. Cette théologie en comprimés suffisait au viatique de toute une vie. Cédant, sur ce point comme sur tant d'autres, à l'illusion que l'esprit démocratique consiste à traiter les citoyens comme s'ils étaient autant de débiles mentaux, on a voulu l'abaisser au niveau des masses au lieu de les élever jusqu'au sien. De là cette diète peu nourrissante qu'on sert aujourd'hui aux enfants sous le nom de catéchisme. C'est oublier que le catéchisme qu'on leur enseigne n'est pas seulement destiné à leur servir au temps de l'enfance ; pour neuf d'entre eux sur dix la vérité religieuse du premier catéchisme restera celle de toute leur vie. Il faut donc que ce soit une nourriture forte (...). Il est d'une importance vitale que cet enseignement soit immédiatement chargé de toute la vérité religieuse que l'on peut lui faire porter. »( Etienne Gilson, Le Philosophe et la théologie, paru en 1960.)

Longuement, le catéchisme catholique a bien été perdu peu à peu au cours des soixante dernières années.

Et à peu près tout le reste, c'est bien normal, a suivi la perte du catéchisme. - J .M.
**

Ils vous le réclameront dans l'éternité

ON PEUT assurément transmettre la foi catholique sans suivre le plan en quatre parties : les trois connaissances nécessaires au salut et la doctrine des sacrements sans lesquels les trois connaissances risqueraient de demeurer inefficaces. On peut avoir, et on a eu à partir de 1937 un catéchisme français en trois parties seulement : le dogme, la morale, les sacrements.

Mais c'est un détour artificiel, plus abstrait et plus compliqué.

En effet :

Ou bien le catéchisme prend une autre voie que l'explication du Je crois en Dieu, du Notre Père et des Commandements : et alors la vie chrétienne de l'enfant est privée de ces prières, ou condamnée à les réciter sans les comprendre. C'est pourquoi nous avons désigné le nouveau catéchisme, issu du « Fonds obligatoire » de 1967, comme un scandaleux catéchisme sans Pater et sans Credo. Car il ne suffit pas d'en donner le texte. Il faut aussi en donner et en expliquer le sens.

Ou bien le catéchisme fait cette explication, et alors l'essentiel, l'indispensable des trois connaissances nécessaires au salut a été enseigné sous cette forme, et elle n'a besoin d'être complétée, en dehors de la doctrine des sacrements, que par l'« instruction sur les fêtes » et par « l'histoire de la religion » (histoire de l'Ancien testament et histoire de l'Eglise) comme fait le Catéchisme de s. Pie X; bref, par des récits d'« histoire sainte » et de « vie de Jésus » ; et par des vies de saints. Tant il est vrai que dans l'ordre surnaturel comme dans l'ordre naturel, les deux méthodes fondamentales, complémentaires, universelles de toute éducation de l'esprit consistent en :

a) expliquer (et faire expliquer) des textes ;

b) raconter (et faire raconter) des histoires.

PAR QUOI l'on petit mesurer à quel oint ce n'est pas seulement dans la catéchèse que l'éducation des enfants a perdu la tête (et le cœur). On peut redire, en 2002 plus que jamais, l'avertissement et l'appel que lançait, le 27 octobre 1972, la « Lettre à Paul VI » :

« Laissez venir jusqu'à vous la détresse spirituelle des petits enfants.

« Les enfants chrétiens ne sont plus éduqués, mais avilis par les méthodes, les pratiques, les idéologies qui prévalent le plus souvent, désormais, dans la société ecclésiastique. Les innovations qui s'y imposent en se réclamant à tort ou à raison du dernier concile et du pape actuel, - et qui consistent, en résumé, à sans cesse retarder et diminuer l'instruction des vérités révélées, à sans cesse avancer et augmenter la révélation de la sexualité et de ses sortilèges, - font lever dans le monde entier une génération d'apostats et de sauvages, chaque jour mieux préparés à demain s'entretuer aveuglément.

« Rendez-leur la messe catholique, le catéchisme romain, la version et l'interprétation traditionnelles de l'Ecriture.

« Si vous ne les leur rendez pas en ce monde, ils vous les réclameront dans l'éternité. » J .M.

*****

PRESENT - Vendredi 13 septembre 2002

Complément grâce à Scrutator Sapientiae :http://www.catechisme.org/index_Catechisme_1947.html

ICI

     

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