Dimanche 6 décembre, auront lieu de nouvelles élections. A cette occasion , La Croix des 7 et 8 novembre 2015 a publié un article de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, intitulé La religion n’est pas tout…il y a aussi la politique. Dans lequel il écrit :
« Pour un chrétien, la religion n'est pas le tout de sa vie ; seul le Christ est tout. (…) Oubliant cela, la religion se mue en système: lorsqu'elle entend être le tout de la vie des personnes, elle devient totalitaire (…). Je parle alors « d'islamisation des esprits », lorsque l'on pense que la violence religieuse est la réponse à une autre violence religieuse. Lorsque la religion n'est pas tout – et elle n'a pas à l'être ni à le devenir –, ce sont les États qui sont détenteurs de la force publique et de l'éventuel recours à la violence.(…) Non, il n'y a pas de politique chrétienne, il n'y a pas à avoir de parti politique chrétien; mais il y a des chrétiens en politique, des chrétiens pour lesquels chaque instant est l'occasion d'une réflexion, d'un discernement, non dans le but de christianiser la société, mais dans celui, à la lumière de l'Évangile et de la personne de Jésus-Christ, de servir l'humanité et l'ensemble du cosmos qui est sa maison commune. Il revient bien entendu aux chrétiens et aux Églises d'avoir une parole et un engagement publics quant à la société qu'ils construisent avec tous. »
Pour clarifier le sujet, voici un rappel de la doctrine de l’Eglise en matière de politique chrétienne par Jacques Trémolet de Villers :
"Serait-il possible que les saints évêques du Vè siècle, Saint Rémi en tête, et tous ceux qui les ont suivis pendant quatorze siècles, en soutenant l'Etat chrétien qui avait en charge la France, se soient radicalement trompés ? Serait-il possible que cette union du trône et de l'autel, sur laquelle se sont construites la politique et la civilisation françaises, ne soit que la résultante d'une conception erronée de la doctrine de l'Eglise ?
Un certain nombre de penseurs catholiques actuels sont enclins à le croire, estimant probablement que la volonté du Père ne doit être faite qu'au Ciel, mais pas sur la terre. (…), ils saluent l'avènement d'un Etat laïque comme une libération pour l'Eglise de ses implications temporelles. Ils voient avec satisfaction (…) la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Séparation de l'Eglise et de l'Etat sur laquelle il ne saurait être question de revenir, sauf à violer les lois fondamentales de la République, tant celle-ci en France s'identifie d'abord à un renvoi définitif de l'Eglise dans ses sanctuaires !(…)
Les siècles précédents furent-ils, par voie de conséquence, une errance doctrinale par rapport à cette soi-disant perfection de la situation actuelle ?
Bien évidemment non ! A l'inverse, c'est l'actuelle tentation à la désincarnation d'une Eglise réfugiée dans ses sanctuaires qui est contraire à la doctrine catholique.
La doctrine de l'Eglise est à la fois claire et fort simple en ce domaine; elle affirme sans équivoque la royauté du Christ sur les pouvoirs de la terre. Elle se fonde, en cela, sur l'interrogatoire du Christ par Pilate, dans l'Evangile de la Passion de Saint Jean. Passage essentiel pour ce qui est de l'organisation de nos cités charnelles puisqu'il est celui où Notre Seigneur affirme à la fois sa royauté et sa divinité (…).
Jésus est donc traduit devant Ponce-Pilate, représentant de César-Auguste, empereur de Rome et maître du monde. Celui-ci, allant droit au but, lui demande : "es-tu le roi des Juifs ?" (Jean 18. 33). Le Christ répond immédiatement par l'affirmation de sa royauté : "c'est toi qui le dis" (Jean, 18. 37) (…). Et Pilate de s'écrier, (…) "Ta nation et tes grands-prêtres t'ont livré à moi, qu'as-tu fait ?" (Jean 18. 35). Et à cette question de Pilate le Christ répond : "Mon royaume n'est pas de ce monde". (…) Et nos modernes clercs sont comme Pilate. Avec lui ils reposent la question : "Ergo rex es tu ?". C'est-à-dire : et donc, quand même, tu es roi ?
Alors Jésus, devant cet homme qui s'intéresse et qui cherche, va répondre en allant droit à I ‘essentiel, avec une fierté souveraine : "Tu le dis, je suis roi. Je suis né pour cela et pour cela je suis venu dans le monde, pour rendre témoignage à la vérité, quiconque est de la vérité écoute ma voix" (Jean. 18, 37).Tu le dis : je suis roi ! La formule est sans équivoque. De deux choses l'une: ou le Christ est un fou doublé d'un menteur, et dans ce cas il n'est pas plus Dieu que roi et le christianisme est la plus incroyable supercherie de l'histoire de l'humanité; ou bien il dit la vérité et sa royauté est sans discussion possible ! Mais on ne peut pas, dans le même temps, croire à sa divinité et lui dénier la royauté. (…)
Dans ce dialogue avec Pilate, le Christ nous révèle donc deux vérités essentielles : Il est roi et son royaume est un royaume de vérité, de rétablissement de la vérité, un royaume dont l'origine n'est pas de ce monde. Son royaume n'est pas comparable à ceux de la terre. Il est au-dessus des rois de la terre. Son royaume est d'origine surnaturelle et la première manifestation de ce royaume est une royauté spirituelle. Mais cela ne veut pas dire que le monde temporel lui échappe, que la société lui échappe et qu'il n'est que le roi des cœurs, le roi des intelligences, le roi des esprits et des âmes.
La suite du dialogue avec Pilate nous le confirme explicitement. Lorsque ce dernier le somme de dire qui Il est, en Lui faisant sentir le pouvoir qu’il a sur Lui : "ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te relâcher et que j'ai pouvoir de te crucifier ?". Notre Seigneur lui fait remarquer : "Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'En haut. Par ces mots le Christ confirme l'origine du pouvoir de Pilate, de celui d'Auguste, de tous les pouvoirs de ce monde d'ici-bas. II affirme ainsi qu'Il est bien le Roi des rois, le souverain maître de toute autorité sur la terre dont II est la seule source de légitimité. Le pouvoir que Pilate a sur Jésus, c'est Jésus Lui-même qui le lui donne et le légitime: et c'est pourquoi d'ailleurs le Maître ne cherchera pas à se dérober à ses décisions.Royauté donc non de ce monde, mais royauté sur ce monde.
(Jacques Trémolet de Villers, Légitimité d’une politique chrétienne, dans Permanences de janvier 1997)