1- L'autorité de Saint Augustin
Dans la Cité de Dieu, au livre quinzième , Saint Augustin (qui affirme avoir vu de ses yeux une dent de Géant) traite de la période antédiluvienne, et donc des Géants.
Il explique le fait suivant :
"Une chose encore que les incrédules se refusent à croire, c’est que les hommes fussent alors beaucoup plus grands qu’ils ne sont aujourd’hui. Cependant le plus célèbre de leurs poètes, Virgile, à propos d’une grosse pierre qui servait de borne à un champ et qu’un homme très-robuste des temps anciens leva dans le combat et lança en courant contre son ennemi, s’exprime ainsi :
« A peine douze hommes de nos jours, choisis parmi les plus forts, l’auraient-ils pu porter ».
Par où il veut montrer que la terre produisait alors des hommes bien plus grands qu’à présent. Combien donc l’étaient-ils encore davantage dans les premiers âges du monde avant le déluge? Mais les sépulcres, découverts par la suite des années ou par des débordements de fleuves et autres accidents, où l’on a trouvé des ossements d’une grandeur incroyable, doivent convaincre les plus opiniâtres. J’ai vu moi-même, sur le rivage d’Utique, et plusieurs l’ont vue avec moi, une dent mâchelière d’homme, si grosse qu’on en eût pu faire cent des nôtres: elle avait appartenu, je crois, à quelque géant ; car si les hommes d’alors étaient généralement plus grands que nous, ils l’étaient moins que les géants. Aussi bien, dans tous les temps et même au nôtre, des phénomènes de ce genre n’ont pas cessé de se produire.
Pline, ce savant homme, assure que plus le temps avance dans sa marche, plus les corps diminuent; et il ajoute que c’est une chose dont Homère se plaint souvent. Mais, comme j’ai déjà dit, les os que l’on découvre quelquefois dans de vieux monuments peuvent justifier la grandeur des corps des premiers hommes, tandis que l’on ne saurait prouver de même la durée de leur vie, parce que personne ne vit plus aussi longtemps.
Cependant cela ne doit pas empêcher d’ajouter foi à l’Histoire sainte, puisqu’il y aurait d’autant plus d’imprudence à ne pas croire ce qu’elle nous raconte du passé, que nous voyons de nos yeux l’accomplissement de ce qu’elle a prédit de l’avenir."
Et Saint Augustin affirme un peu plus loin que l'existence des Géants relève de l'histoire tout en y ajoutant une interprétation spirituelle :
"
Il est donc certain, selon les Écritures canoniques, soit juives, soit chrétiennes, qu’il y a eu avant le déluge beaucoup de géants citoyens de la cité de la terre, et que les enfants de Seth, qui étaient enfants de Dieu par la grâce, s’unirent à eux après s’être écartés de la voie de la justice. On ne doit pas s’étonner qu’il ait pu sortir aussi d’eux des géants. A coup sûr, ils n’étaient pas tous géants; mais il y en avait plus alors que dans toute la suite des temps qui se sont écoulés depuis; et il a plu au Créateur de les produire, pour apprendre aux sages à ne faire pas grand cas, non-seulement de la beauté, mais même de la grandeur et de la force du corps, et à mettre plutôt leur bonheur en des biens spirituels et immortels, comme beaucoup plus durables et propres aux seuls gens de bien."
Toujours dans le même traité, Saint Augustin met en garde contre deux tendances : celle qui consiste à ne s'arrêter que sur l'historicité des récits bibliques (on pourrait dire aujourd'hui "le fondamentalisme"), et celle qui consiste à ne donner qu'un sens allégorique aux récits bibliques (et donc à nier le caractère historique de la Bible). Voici donc ce qu'il dit :
"
On aurait tort de croire qu’aucune de ces choses ait été écrite en vain, ou qu’on n’y doive chercher que la vérité historique sans allégories, ou au contraire que ce ne soient que des allégories, ou enfin, quoi qu’on en pense, qu’elles ne contiennent aucune prophétie de l’Église."
2- Le sens littéral des ÉcrituresIl importe également de prendre en considération un principe catholique d'interprétation de la Bible : celui qui consiste à nous baser d'abord sur le sens littéral (et donc historique) de l'Écriture.
Saint Thomas d’Aquin n'affirme pas autre chose : « tous les sens de la Sainte Écriture se basent sur le sens littéral » (
Somme théologique, I, q.1, a.10, ad 1.)
Il est donc vain de chercher un sens spirituel à l'Écriture si nous omettons d'abord d'en saisir le sens littéral. Il ne s'agit pas ici de littéralisme (comme le font les fondamentalistes) mais de prendre au sérieux le caractère historique des Écritures. Le christianisme n'est pas une gnose qui consisterait à saisir des vérités cachées. C'est d'abord et avant tout une Révélation, c'est-à-dire une manifestation de Dieu dans l'Histoire, et essentiellement une religion de l'Incarnation, celle du Dieu fait homme, qui entre dans l'histoire humaine.
Certes, je ne nie pas que les Écritures ont pour finalité que nous ayons la foi. Cependant, les faits décrits ont un caractère historique qu'il ne faut pas négliger.
Ainsi, dans le cas des Géants mentionnés dans la Bible, il y a certes un sens spirituel à aller chercher, mais ce sens ne nous sera accessible que si, d'abord et avant tout, nous reconnaissons le caractère historique de ce fait.
À titre d'exemple, il serait erroné de donner une interprétation spirituelle de l'épisode où Jésus marche sur les eaux si nous omettions de reconnaître cet épisode comme un événement historique qui a vraiment eu lieu. En sens contraire, il serait tout aussi erroné de nous en tenir uniquement à cet événement sans essayer d'en saisir le sens spirituel.
Évidemment, il faut reconnaître que le texte biblique n'est pas un traité scientifique, ni une encyclopédie de connaissances naturelles (comme peuvent le croire certains fondamentalistes). Cependant, la Bible contient de la documentation historique crédible. Cela m'a toujours étonné, par exemple, d'entendre certains intellectuels remettre en question l'historicité du récit de l'Exode sous prétexte qu'aucune source extra-biblique ne relatait cet épisode central de l'Ancien Testament. Comme si les récits bibliques n'étaient pas une source sûre et fiable en terme de contenu historique !
3- Dinosaures et GéantsIl est encore plus surprenant de voir que certains n'ont aucune difficulté à croire en l'existence d'animaux géants (que l'on nomme "dinosaures") ayant vécus il y a des millions d'années (et qu'aucun homme n'a donc pu voir de ses yeux), mais rejettent du revers de la main l'existence de Géants ayant vécus il n'y a que quelques milliers d'années, et dont l'existence est attestée, d'une part, par des humains qui les ont vu et, d'autre part, par les Saintes Écritures qui jouissent du charisme de l'inerrance.
Bien qu'il s'agisse de deux phénomènes différents, l'existence des dinosaures d'une part, et celle des Géants d'autre part, prouvent - à mon avis - que le monde antédiluvien était différent du nôtre et que ce que certains appellent le gigantisme constitue l'une des caractéristiques de cette époque dont le Déluge changea le visage.
Pour conclure, je trouve que Jejomau a posé une très bonne question. Il s'agit d'un sujet intéressant et captivant qui mérite que l'on s'y penche avec sérieux. On ne peut s'en tenir à une comparaison avec les dragons, les cyclopes et les sirènes, et encore moins avec une mention de l'existence des pygmées. On peut, certes, questionner l'existence des Géants, mais faisons-le d'une manière rationnelle.
Personnellement, je m'en remets à l'enseignement et au témoignage de Saint Augustin. Si quelqu'un ne veut pas croire ce Père et Docteur de l'Église, qu'il ait au moins la décence de nous livrer l'enseignement d'un autre Père et Docteur d'égale importance !