A la demande de Monseigneur Gand.

L’événement a été annoncé hier matin, au cours d’une conférence de presse qu’a donnée l’évêque de Lille, Mgr Gand, en présence du consul d’Algérie M. Ali Salah et du chancelier de Tunisie, M. Sfaxi. La future mosquée sera inaugurée en grande solennité vers la rentrée d’octobre. Elle est mise à disposition gratuite de la communauté musulmane par les religieuses dominicaines dont la supérieure générale a dit : « La chapelle ne servait plus, la céder est un geste simple et normal. »

Historique de la session
À la fin de 1962 et au début de 1963, quelques membres de la communauté musulmane présente à Lille de nationalité algérienne faisaient transmettre au cardinal Liénart leur souhait qu’il mette à la disposition de la communauté musulmane du Nord de la France un édifice qui puisse servir de mosquée.

Le cardinal avait accepté favorablement cette demande en mettant comme seule condition que cet édifice soit consacré exclusivement au culte musulman et donc qu’il ne serve pas à double usage, tantôt pour le culte musulman, tantôt au culte chrétien. Mais les membres de la communauté musulmane n’avaient pas alors donné suite à ce projet.

En 1967, le consul d’Algérie à Lille reprenait le projet, Mgr Gand répondait tout de suite favorablement à cette demande en reprenant les perspectives énoncées par le cardinal Liénart : cet édifice servira uniquement pour le culte musulman.

Un certain nombre de démarches furent faites alors pour trouver un tel édifice. En 1971, les Dominicaines des Saints Anges n’utilisant plus une très grande chapelle construite vers 1954, furent sollicitées par Mgr Gand au sujet de leur chapelle et acceptèrent le principe d’une donation à la communauté musulmane. Des contacts furent alors pris entre les religieuses dominicaines et le consul d’Algérie. Il fallut certes quelques mois d’échanges pour mettre au point le transfert. C’est maintenant chose faite et entérinée juridiquement.

« Nous avons entre musulmans et chrétiens de nombreux liens spirituels »

Il faut souligner l’esprit dans lequel ce transfert a été envisagé puis résolu. Cela s’inscrit dans la perspective conciliaire qui déclare :

« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu même s’ils sont cachés comme s’est soumis à Dieu Abraham auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète, ils honorent sa Mère virginale, Marie et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, le carême et le jeûne.

Si au cours des siècles de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.



Cela s’inscrit a dit Mgr Gand, dans mon désir de voir les membres de la communauté chrétienne en dialogue toujours plus approfondi avec les membres de la communauté musulmane comme avec les membres des autres religions ou idéologie. Mais il faut dire et on ne le dira jamais assez, nous avons entre musulmans et chrétiens de nombreux liens spirituels : attitude de dialogue, c’est-à-dire d’échanges : attitude d’hospitalité ou plutôt partage dans une hospitalité réciproque. Dieu est l’hôte par excellence.

« C’est un peu aussi comme un geste-défi contre le racisme »

Louis Massignon, le grand orientaliste disait : « Pour comprendre l’autre, il ne faut pas se l’annexer, mais devenir son hôte. »

« N’avons-nous pas tous à devenir les hôtes les uns des autres. Et nous, chrétiens de France, qui devrions mieux accueillir les membres de la communauté musulmane nombreux et divers dans le Nord, n’avons-nous pas aussi à nous mettre à l’école du monde musulman présent dans la région ? À recevoir de lui, cette part de vérité religieuse et humaine dont il est détenteur ? »

« Il y a aussi attitude de fraternité. Ce partage que nous faisons avec nos frères musulmans doit être le signe, le symbole d’un côte à côte plus fraternel. Nous avons à vivre ensemble. Et il doit se réaliser partout, non seulement par un édifice religieux, mais dans la vie de chaque jour, au travail, dans les différents quartiers où se côtoient tous ces frères que nous sommes. »

« C’est un peu aussi comme un geste-défi contre le racisme qui sévit à l’égard du monde arabe présent dans la région. Racisme qui se manifeste de différentes façons, mais qui parfois semble s’enraciner dans les attitudes de certains de nos compatriotes. »

La Voix du Nord

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