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De saint Augustin à saint Thomas
par Abbé Néri 2015-05-19 14:15:18
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En partant d’un constat de Benoit XVI, sur la déchristianisation actuelle du à une profonde crise de la foi, j’ai engagé une analyse de la foi en considérant plusieurs nuances de l’acte de foi. J’ai pris comme point de départ l’enseignement de saint Augustin et je le poursuis aujourd’hui avec saint Thomas.

Saint Thomas aborde le sujet dans la Somme Théologique (II-IIae q. 2 art. 2). Le saint docteur se demande de combien de manières emploie-t-on le mot « croire ». En suivant sa méthode il commence par envisager les difficultés, et donc, il formule une première objection à la distinction de saint Augustin :

« Il semble illogique de distinguer l'acte de foi entre " croire Dieu ", " croire en Dieu " et " croire à Dieu ". Car un seul habitus n'a qu'un seul acte. Mais la foi est un seul habitus, puisqu'elle est une seule vertu. Il est donc illogique de lui attribuer plusieurs actes. »

La difficulté souligne donc la nécessité de sauvegarder l’unité de l’acte de foi.

La deuxième difficulté concerne le principe de la distinction :

« Ce qui est commun à tout acte de foi ne doit pas être posé comme un acte de foi particulier. Or croire Dieu se retrouve communément dans tous les actes de foi, puisque cette foi s'appuie sur la vérité première. Il ne convient donc pas, semble-t-il, de distinguer cela de certains autres actes de la foi. »

Ainsi donc, puisque « croire Dieu » est commun à tout acte de foi, il ne convient pas pour établir une distinction.

La troisième difficulté contienne un problème dont l’intelligence échappe à beaucoup de nos contemporains :

« Ce qui convient même à des infidèles ne peut être compté comme un acte de foi. Mais croire que Dieu existe convient même aux infidèles. Donc on ne doit pas compter cela parmi les actes de foi. »

Puisque le fait que croire que Dieu existe est commun aux fidèles et aux infidèles, il est clair que « croire » ne peut pas être pris dans le même sens par les uns et les autres.

La quatrième difficulté concerne le « croire en Dieu » qu’implique une relation de finalité :

« Le fait de se porter vers une fin appartient à la volonté qui a pour objet le bien et la fin. Mais croire n'est pas un acte de la volonté, c'est un acte de l’intelligence. Donc, on ne doit pas faire de " croire en Dieu " qui implique mouvement vers une fin, une espèce particulière de l’acte de croire. »

Sain Thomas commence sa réponse en mettant en avant qu’il s’agit de l’enseignement de saint Augustin. Ensuite il énonce une prémisse composée d’un axiome universel :

« L’acte d’une puissance ou d’un habitus dépend toujours de l’adaptation de la puissance ou de l’habitus à son objet. »

Ensuite il en fait l’application particulière à la foi :

« Or l’objet de la foi peut se présenter de trois façons. »

Il y aura en conséquence trois manières de considérer l’acte de foi, que ne correspondent pas à trois actes différents.

Pour bien comprendre cela, le saint docteur rappelle c’est qu’est croire :

« Croire, on vient de le dire, appartient à l’intelligence en tant qu’elle est portée par la volonté à donner son adhésion. »

A partir de là, il opère une première distinction :

« Aussi l’objet de foi peut-il se prendre :

- soit du côté de l’intelligence elle-même,
- soit du côté de la volonté qui la meut. »


Et, ensuite il subdivise le premier rapport :

« Si on le prend du côté de l’intelligence, on peut voir dans l’objet de foi deux choses, selon ce que nous avons dit plus haut. De ces deux choses :

- L’une est objet matériel de la foi, et à ce point de vue l’acte de la foi consiste à " croire à Dieu " (Credere Deo) puisque rien ne nous est proposé à croire, avons-nous dit, si ce n’est dans la mesure où cela concerne Dieu.

- L’autre est la raison formelle de l’objet; c’est comme le moyen à cause de quoi l’on adhère effectivement à telle et telle chose parmi les réalités à croire et à cet égard l’acte de la foi consiste à " croire Dieu " (Credere Deum): car, avons-nous dit, l’objet formel de la foi c’est la vérité première, et c’est à elle que l’on s’attache pour adhérer par elle à ce qu’on croit ».


Par rapport à l’intelligence on distingue donc entre « credere Deo » = objet matériel de la foi et « credere Deum » = objet formel.

Ensuite, il le considère par rapport à la volonté :

« Enfin, si l’on regarde l’objet de foi de la troisième manière, en tant que l’intelligence est mue par la volonté, alors c’est " croire en Dieu " (Credere in Deum), qui est l’acte de la foi; car la vérité première se réfère au vouloir en tant qu’elle s’offre comme une fin. »

Et, l’explication terminée il répond aux difficultés :

« Par ces trois expressions, nous ne désignons pas divers actes de la foi, mais un seul et même acte ayant diverses relations avec l’objet de la foi. »

Sa réponse revêt une grande importance puisqu’elle met en évidence l’unicité de l’acte de foi. Saint Thomas excelle dans l’usage de la métaphysique en théologie, on peut le constater ici, en appliquant le principe d’adéquation entre la puissance et l’acte. Et ce principe est valable pour répondre à la deuxième difficulté, puisque le « credere Deum » qui est commun à tout acte de foi, concerne tout simplement à son objet formel.

La réponse à la troisième difficulté présente un précieux élément de réflexion pour mieux comprendre la nécessité de rigueur de l’emploi du terme « croire » :

« Croire à Dieu ne se trouve pas chez les infidèles sous l’aspect où nous en faisons l’acte de la foi. »

Quand on dit que les infidèles croient en Dieu, il faut préciser qu’ils ne le font pas selon le même aspect que nous en faisons l’acte de foi, mais d’une manière essentiellement diverse. Parce que comme le dit saint Thomas :

« Ils ne croient pas que Dieu existe dans ces conditions que détermine la foi.»

Et :

« Aussi n’est-ce pas vraiment à Dieu qu’ils croient puisque, selon la remarque du Philosophe, en face d’un être simple notre connaissance est en défaut du seul fait qu’elle n’atteint pas cet être en sa totalité.»

En ce qui concerne la quatrième difficulté, il répond logiquement que le « credere in Deum » ne désigne pas une espèce particulière de la foi mais simplement, l’intervention de la volonté dans tout acte de foi :

« Comme nous l’avons dit, la volonté meut l’intellect et les autres puissances de l’âme vers sa fin. Et c’est à ce titre que croire en Dieu est donné comme un acte de la foi. »

     

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