Saint Jean de la Croix dans son cantique spirituel nous fait saisir dans une strophe parlant de l’âme du fidèle et son désir de Dieu en quelque lignes de ce que l’Église nous invite à méditer dans ce moment de transition ; de la fin au début du cycle liturgique.
Il s’agit du désir ardent de s’unir au Christ, l’attente de son retour glorieux qui clôture la fin du temps après la Pentecôte est évoqué dans le premier dimanche de l’Avent qui le tempère par la contemplation de la réalisation de la promesse du Saveur qui nous est manifestée dans la fête de sa Nativité.
Mais revenons au cantique spirituel :
Découvre ta présence,
que la vision de ta beauté me tue !
Vois, la douleur d'amour
rien ne peut la guérir
si ce n'est la présence et la figure. (onzième strophe)
Il s'agit toujours d'accéder à la présence de Dieu, à sa vision, fût-ce au prix de la vie ici-bas.
La présence de Dieu dit saint Jean de la Croix peut s'entendre de trois façons :
- par essence : il s'agit de sa présence naturelle, créatrice, qui donne la vie et l'être à toutes les créatures.
- par grâce : il s'agit d'une présence surnaturelle, théologale, mais non perçue par son détenteur.
- par affection spirituelle : il s'agit aussi d'une présence surnaturelle, mais perceptible, quoique encore couverte.
C'est le troisième genre de présence que demande l'âme, c'est-à-dire "une présence affective que l'ami fait de soi à l'âme".
Mais comme elle l'a déjà perçue et "qu'elle a senti y avoir là un Être immense, voilé", elle lui demande de faire plus : de lever le voile.
On rejoint par-là si on peut s’exprimer ainsi le désir de toute l’Eglise : l’avènement de l’apocalypse.
Étymologiquement, le mot « apocalypse » est la transcription d’un terme grec (ἀποκάλυψις / apokálupsis) signifiant « dévoilement » ou, sous un aspect religieux, « révélation ».
Et comme le fidèle sait que sa condition charnelle ne le permet pas, il demande à Dieu d'y mettre fin : "que la vision de ta beauté me tue !"
Une précision toutefois :
"Si l'âme pouvait voir la beauté de Dieu sans mourir, elle ne demanderait pas que cette vision la tuât : parce que vouloir mourir est une imperfection naturelle."
Il y a donc là un bémol au désir de mourir ; bémol qui rejoint ce que disait St Paul :
"Nous ne voulons pas être dépouillés, mais être sur-vêtus, afin que ce qui est mortel soit absorbé par la vie." (2 Cor 5,4)
Il n'empêche que
"l'âme ne craint pas de mourir, quand elle aime ;
au contraire elle le désire...
parce que l'âme qui aime Dieu vit plus en l'autre vie que dans celle-ci,
et plus où elle aime qu'où elle anime."
C'est donc l'amour là encore qui est le grand mobile, l'amour dont la dynamique même tend à l'union, plus : à l'unité.
"Où il faut remarquer que l'amour n'arrive jamais à être parfait, jusqu'à ce que les amants viennent à être tellement appariés en ressemblance qu'ils se transforment l'un en l'autre."
Ce thème est aussi présent dans le poème de la Nuit obscure :
« Oh nuit qui a uni l'ami avec l'aimée,
l'aimée en l'ami même transformée. »
A mettre en parallèle avec les paroles de l’Ami dans l’évangile de saint Matthieu :
« Aussitôt après la tribulation de ces jours, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera pas sa clarté, les astres tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme, et alors toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec grande puissance et gloire. Et il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. » (24 ; 29-31)
Nuit qui unira l’ami avec l’aimée :
« Puisque certains – comme dit le père Calmet - croient que l’éclat de la majesté du Fis de Dieu qui paraîtra alors, sera telle, qu’il obscurcira le soleil, la lune et les étoiles, comme le soleil couvre, pour ainsi dire, de ténèbres tous les autres astres. »
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