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Dignité du Rosaire par le Fr. R.-Th. CALMEL, O.P.
par Diafoirus 2014-10-23 22:16:12
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En ce mois du Rosaire je vous invite à vous nourrir de ce texte.


Dignité du Rosaire

LE LECTEUR connaît sans doute la lettre et les méditations du Pape Jean XXIII sur le Rosaire : « Il religioso convegno. » ( ) L’enseignement du pontife est d’une plénitude admirable, cependant que la vibration de son âme en présence de la Reine, Mère de Miséricorde, se communique sans peine à l’âme de ses enfants. En marge de ces textes riches et chaleureux que nous donne le Vicaire de Jésus-Christ je proposerai quelques réflexions pratiques.

Les objections que l’on fait à la dévotion du Rosaire sont suffisamment connues ; il serait trop simple, et même Une serait pas honnête, de répondre que, dans aucun cas, elles n’ont de fondement. Lorsque par exemple on entre dans certaines églises vers six heures du soir et que l’on écoute dans la pénombre le bredouillage somnolent et in¬compréhensible des Pater, des Ave et des Gloria il est difficile de penser que ce soit une prière digne. On a beau être indulgent, on ne trouve là qu’un rapport très lointain avec les mystères de notre Salut, bien qu’ils soient annoncés au début de chaque dizaine. En réalité ce rapport existe et ce qui empêche de le percevoir ce n’est pas la forme elle-même de cette prière vocale, mais la faiblesse ou la mauvaise volonté des chrétiens. Sans doute ce genre de prière est-il très particulier ; les formules sont extrêmement peu variées puisqu’elles se réduisent à trois : un Notre Père, dix Je vous salue, un Gloire à Dieu, au Fils et au Saint-Esprit. Cependant cette reprise inlassable de formules choisies est un support très solide pour l’oraison intérieure, un soutien très adapté à la contemplation des mystères.

L’expérience priante d’innombrables chrétiens nous en apporte une garantie certaine, quoi qu’il en soit de ceux qui marmottent ou qui ronronnent. Et ce n’est point parce que l’on récitera une série de Pater et d’Ave que l’on sera détourné de penser à l’incarnation de Jésus-Christ, ou à sa passion très sainte ; que l’on sera entravé pour regarder en paix l’union de la Mère Immaculée avec le Rédempteur de nos âmes. Cette série de Pater et d’Ave permettra au contraire à la méditation de ne pas s’éloigner de son objet.

« On ne peut pas faire deux choses à la fois, me direz-vous. On ne peut pas réciter attentivement une dizaine d’Ave et demeurer attentif par exemple au mystère de la naissance de Jésus. » Je ferai observer que ce mystère, comme du reste tous les autres, ne s’est réalisé qu’avec l’union de la sainte Vierge ; dès lors répéter une formule qui rappelle cette union ne doit pas empêcher de contempler le mystère. On peut quand même faire attention à deux choses à la fois lorsqu’elles sont intimement subordonnées. Nous, pouvons bien nous souvenir de ce que nous devons à telle ou telle personne et faire attention à lui cueillir les roses les plus belles, et veiller à composer un bouquet parfaitement présentable. Ainsi pour le Rosaire.
Évidemment il y a place (faut-il même le dire ?) pour cette contemplation des mystères qui est le plus silencieuse possible, sans bruit de paroles et pour laquelle on réserve d’habitude le vocable d’oraison. Il y a place également et d’abord pour cette contemplation en acte des mystères divins que constitue la célébration liturgique ( ).

Elle se réalise par le Saint Sacrifice et la Communion ; la grâce des mystères nous y est communiquée avec d’autant plus d’abondance que le Seigneur lui-même se rend présent au milieu de ses fidèles dans son immolation salutaire, et les unit avec lui et entre eux comme leur pain vivant. Le Rosaire n’a jamais prétendu jouer le même rôle que l’oraison et la liturgie et l’office choral ; mais inversement l’oraison, la liturgie et l’office choral ne suppriment pas cette forme de prière, car elle revêt un caractère propre et irréductible ; on ne saurait dire qu’elle fait double emploi ; le Rosaire en effet a une certaine façon de considérer les mystères du Salut ; il porte une attention très explicite à la place que Notre-Dame y occupe et c’est pour cela qu’il choisit de multiplier les Je vous salue Marie.


FAUTE de prendre le Rosaire comme il est, faute de reconnaître et de respecter sa nature on en tire peu de profit pour soi-même, on le rend pénible, ridicule et même détestable à son prochain. On transforme en rabâchage, en mécanique, en véritable scie, ce qui n’est rien de moins qu’une prière très pleine et très élevée. Il faut d’abord comprendre que la justification inébranlable de cette prière réside dans une grande vérité révélée : Marie est une digne mère de Dieu, mère consciente de la mission de son Fils et associée à cette mission comme jamais il ne sera possible à aucune mère, puisqu’avant même de le concevoir elle sait pour quoi il veut naître d’elle et puisqu’elle rend possible par son Fiat tout le déroulement de l’incarnation rédemptrice. « Voici que vous concevrez et que vous enfanterez un Fils à qui vous donnerez le nom de Jésus (c’est-à-dire Sauveur des hommes). Il sera grand et on l’appellera Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il règnera sur la maison de Jacob à jamais et son règne n’aura pas de fin. (Il s’agit du règne messianique par la rédemption des âmes ; la maison de Jacob n’est autre que « l’Israël de Dieu », la Sainte Église des rachetés)… Et Marie dit alors : Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole. » ( )
De l’Annonciation à la Passion et à la Résurrection, Marie est toujours associée aux volontés et aux actes de son Fils, avec une intimité de Vierge Immaculée et de Vierge Mère ; c’est là une union d’un ordre à part ; indépassable, sans commune mesure avec celle d’aucun saint et d’aucune sainte ; c’est l’union d’une digne Mère de Dieu, union qui perdure toute l’éternité, qui fonde une intercession d’une qualité unique. Ainsi donc la supplication de la Vierge est universelle puisque Marie a été unie à Jésus pour la Rédemption de tous ; et la supplication de la Vierge est infiniment tendre, pure, sage et forte puisque Marie a été unie à Jésus comme la Vierge-mère.


Dès lors, dès que nous commençons le chapelet, et avant même de commencer, sachons autant que possible ce que nous allons faire. Nous allons recourir à l’intercession privilégiée de celle qui est la digne Mère de Dieu, considérer la place absolument unique qui est la sienne dans les mystères de notre salut. Que notre chapelet ne soit pas mal engagé ; et, par légèreté ou routine, engagé dans l’inattention. Pour y remédier il peut être utile, dans la récitation privée, de faire le rappel du mystère à l’intérieur même du Je vous salue ; de dire par exemple : Jésus, qui a versé son sang pour nous, le fruit de vos entrailles est béni ; Jésus qui s’est offert en sacrifice, ou Jésus qui est à jamais victorieux, le fruit de vos entrailles est béni. Dans la récitation privée cette mention ne sera évidemment pas gênante pour notre voisin et elle pourra être profitable pour nous. (De même dans la récitation privée rien ne nous empêche de consacrer une dizaine à l’exil en Égypte ou au miracle des noces de Cana ; l’action de la Vierge s’y trouve tellement décisive.)
Prenons bien conscience, prenons conscience dans la foi, de l’événement évangélique que nous annonçons au début de chaque dizaine. Il ne s’agit pas d’un événement de l’histoire ordinaire, serait-il gracieux ou pathétique, mais bien d’un mystère de l’histoire du salut. En effet cet événement est efficace pour le salut de tous les hommes, parce qu’il est vécu par une Personne divine, par le Fils de Dieu fait homme, plein de grâce et de vérité. Par ailleurs, cet événe¬ment de l’histoire du salut, que ce soit la vie cachée, la pas¬sion ou l’envoi de l’Esprit-Saint est accompli avec l’union privilégiée de la Sainte Vierge. Donc avant de commencer la dizaine, voyons le mystère comme il est ; ne nous limitons pas à une considération anecdotique et superficielle comme si ce n’était pas un mystère de foi ; comme si la personne du Rédempteur et de sa Mère n’étaient pas en cause.


Puisque les mystères du Rosaire ne font que reprendre le cycle de Noël et de Pâques souvenons-nous que cette Liturgie a parlé à notre foi. Et au moment où nous redisons en présence de la Sainte Vierge les mêmes mystères que nous avons célébrés liturgiquement, ne mettons pas de côté ce que la célébration liturgique a suggéré à notre esprit et à notre cœur. Sans quoi nous ne penserions pas de la même manière par exemple en célébrant la Semaine Sainte et en récitant les mystères douloureux ; la récitation serait plate et vide alors que notre méditation durant la semaine sainte était pleine et fructueuse. Voyons bien que ce sont les mêmes mystères.


Voyons aussi qu’il faut prononcer décemment et non pas bredouiller le Notre Père et les Je vous salue qui soutiendront notre contemplation. Vous me direz que, à ce compte-là, on ne va pas en finir, et qu’il faudrait pourtant achever les cinq dizaines. Je ne crois pas. Il faut d’abord et avant tout vouloir passer du temps avec le Seigneur et sa Mère et vouloir prier pour de vrai dans le temps dont on dispose. Si l’on n’a pas le loisir de réciter décemment cinq dizaines, que l’on récite ce que l’on peut, mais que ce soit une prière vraie.

Des remarques assez semblables pourraient être faites au sujet de la récitation publique. On sait l’admirable effort qui se poursuit en telle ou telle paroisse pour aider les fidèles à participer à la messe. La dignité du prêtre qui célèbre, la simplicité et la plénitude des invitatoires avant les oraisons, l’allure évangélique de l’homélie, l’ambiance mystique de la communion, enfin tout dans la Messe est accompli avec assez de religion pour que les fidèles y participent en esprit et en vérité. Au principe : non pas des recettes ou des techniques mais l’esprit de foi du célébrant, son sens de la Messe éclairé et contemplatif. Eh bien ! cet effort que l’on a fait pour la Messe serait à prolonger dans la récitation publique du Rosaire ( ).

Ici encore, le principal dépend de l’esprit de foi de celui qui dirige la prière.

ON AURA PEUT-ÊTRE noté dans la lettre apostolique de Jean XXIII cette déclaration : « Le Rosaire est élevé au rang de grande prière publique et universelle, face aux besoins ordinaires et extraordinaires de la Sainte Église, des nations et du monde entier. » Effectivement les choses se passent ainsi depuis des siècles (que l’on se souvienne de Lépante) ; mais c’est quand même beaucoup que le Souverain Pontife déclare que c’est ainsi que les choses doivent se passer et que cette manière de faire est vraiment dans l’ordre.


La déclaration du Pape donne à l’ancienne pratique une autorité, un poids, une force nouvelle. On n’a pas de peine à saisir pourquoi le Rosaire peut prétendre à ce rang sublime, Par son élément sensible en effet, à la différence de l’oraison silencieuse, il se prête à la récitation publique et collective ; mais c’est plus encore en ce qu’il a d’intérieur que nous apparaît son universalité extraordinaire ; en effet on médite sur le déroulement de l’universelle rédemption et on se réfugie dans la supplication de la corédemptrice. Comment dire Sainte Marie Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pêcheurs, comment le dire en se souvenant de Bethléem, du Calvaire et du Cénacle et ne pas ouvrir son cœur à toutes les nécessités, toutes les aspirations de l’Église. Car enfin le désir le plus profond de la Vierge à qui nous demandons de prier n’est autre que la sanctification du Corps mystique méritée à Bethléem et sur le Calvaire ; de même les mystères de la vie cachée, de la vie publique, de la vie glorieuse du Sauveur n’ont-ils d’autre raison d’être que le Salut de tous les hommes, et de chacun de nous comme s’il était seul au monde. (Puisque le Bon Pasteur, qui a donné sa vie pour tout le troupeau, appelle ses brebis chacune par son nom.)
Pratiquement, pour que l’universalité du Rosaire ne tourne pas au vague et à l’indéfini, ne soit pas dissoute dans le rêve, il est bon de se fixer une intention précise avant la dizaine ou le groupe de dizaines ; intention qui peut être très tenue et limitée, mais qui ne laisse pas de baigner dans l’intention immense de la prière de Marie. Je prierai pour tel et tel, pour que tel genre de bien arrive à celui-ci et celui-là, et à moi-même ; mais, en définitive, mon désir sera que tel et tel et moi-même, devenions dignes de la rédemption, dignes des promesses de Jésus-Christ. Notre intention est précise, elle n’est pas close ; elle est déterminée, elle n’est pas refermée, parce qu’elle a été remise au Cœur Immaculé de la Mère de Dieu. (Ce qui permettra d’élargir et de préciser nos intentions en disant le Rosaire, c’est de relire quelquefois, dans notre missel, les grandes oraisons du Vendredi saint, la longue série des « oraisons diverses », enfin les implorations des Litanies des saints.)


A ces remarques sur les intentions, j’en ajouterai une autre sur le Pater. Autant que possible que le Pater soit en rapport avec le mystère que l’on médite. S’il s’agit de l’agonie au Jardin des Oliviers faisons attention que le nom du père est sanctifié par son Fils Unique et en Lui ; et grâce à l’agonie de ce Fils Unique ; de même pour la venue de son règne et l’accomplissement de sa volonté ; de même pour les autres demandes de l’oraison dominicale. Il en va proportionnellement comme du Pater au Saint Sacrifice de la Messe. Que ce soit le dimanche de la Passion, le dimanche de Pâques ou celui de Pentecôte, la formule du Pater est invariable ; c’est toujours par son Fils et en Lui que nous rendons au Père, dans l’unité de l’Esprit, tout honneur et toute gloire. Mais comment ne pas se souvenir que nous lui présentons son Fils dans des mystères diffé¬rents ; et chacun de ces mystères a une manière propre de glorifier le Père, nous configure à Jésus-Christ d’une ma¬nière spéciale pour la gloire du Père.


SUR LES RAPPORTS du Rosaire avec la civilisation, et avec « les besoins des nations » comme dit le Pape, dans cet article je serai bref. Je ferai simplement remarquer ceci : une mère comprend mieux que personne, que l’être humain, cette créature si chétive qu’elle a portée et nourrie, n’est pas un esprit pur, céleste et désincarné ; par suite une certaine harmonie, une certaine honnêteté des choses temporelles importent souverainement à la vie de l’âme elle-même. Semblablement la mère de Dieu, elle qui est en même temps notre mère selon la grâce, encore qu’elle se préoccupe avant tout de notre sanctification et de la ferveur de l’Église, qui est la cité de Dieu, comprend mieux que personne qu’un certain ordre de la cité terrestre repré¬sente la condition normale, et voulue de Dieu, pour notre sanctification et pour la ferveur de l’Église. On peut avoir une foule de griefs contre la civilisation chrétienne, on peut (et on doit) s’indigner de ses lourdeurs et de ses hypocrisies, il reste que, après avoir abondamment analysé, disséqué, critiqué, trois vérités demeurent intactes : d’abord lorsque les institutions temporelles deviennent un scandale codifié, cette situation n’est pas, en elle-même, un avantage pour la foi, c’est un terrible danger ; ensuite, encore que Dieu puisse tirer le bien du mal, et qu’il le fasse très souvent, nous serions très coupables si nous favorisions le mal afin qu’il en sorte du bien ; enfin puisque les chrétiens se mêlent à la vie publique, puisqu’ils ne sont pas tous et pour toujours condamnés aux catacombes, ils doivent promouvoir des institutions dignes de leur foi, c’est-à-dire conformes au droit naturel chrétien.


Tel étant le rapport entre l’Église et le temporel, entre l’ordre de la grâce et l’ordre des corps et des esprits, il est inévitable que la Sainte Vierge qui est notre mère de grâce, intercède pour des conditions temporelles favorables à la grâce. Il est inévitable également que l’Église recoure à son intercession non seulement pour le salut des âmes, pour la paix surnaturelle des âmes, mais encore pour l’harmonie entre les familles des nations, pour la paix temporelle des armes ; la paix dans la justice. Il est enfin normal que le chrétien, en récitant son chapelet et méditant les mystères, désire de toute son âme de vivre et de mourir en conformité avec le mystère du Christ, dans le spirituel et le temporel.


Encore un mot sur la relation entre le Rosaire et « les besoins ordinaires et extraordinaires de la sainte Église, des nations et du monde entier. » Il n’est pas difficile de faire le procès de ce monde moderne qui se débat dans des convulsions atroces. Il suffit d’être lucide pour observer que, l’humanité actuelle est possédée d’une véritable rage d’aséité. Que l’on se tourne vers les sciences biologiques avec leurs expérimentations hallucinantes pour fabriquer le surhomme ( ) ; que l’on analyse la politique moderne avec les formidables moyens de pression qu’elle met en œuvre pour édifier un État mondial totalitaire ( ) ; que l’on dévoile la tactique des sociétés secrètes et du communisme, « la pratique de la dialectique et la technique de l’esclavage » ; que l’on considère l’extension dégoûtante des mœurs contre nature ; que l’on jette un regard sur les philosophies modernes qui commentent dans une langue de décadence la folle maxime de Nietzsche : rien n’est vrai tout est permis ; de toute part ce qui apparaît c’est une volonté d’exaltation luciférienne de l’homme. Je n’ignore pas la valeur des progrès scientifiques réalisés depuis un siècle. Je déclare que très souvent, et non seulement en vertu d’une initiative particulière mais par la force des institutions, ce progrès est asservi à l’iniquité suprême : la promotion de l’humanité au rang de Dieu, l’orgueil satanique.


Mais enfin ce qui importe en même temps que la lucidité sur notre monde, ce qui importe même encore plus, car nous sommes les frères de nos frères, c’est la compassion ; une compassion sans complicité ni vertige, et cependant qui rejoigne nos frères au point le plus douloureux de leur détresse. Car enfin dans ce monde qui offense. Dieu horriblement par sa manière de voir et sa manière de vivre, par son refus de la lumière et ses institutions d’orgueil et d’athéisme, beaucoup d’hommes assurément sont coupables, et c’est en toute délibération qu’ils ont choisi du côté de Satan et se sont endurcis. Mais combien d’autres ne sont que de tristes victimes. Il n’est sans doute pas vrai qu’ils soient innocents. Il y eut une heure, une heure décisive, où ils pouvaient encore ne pas céder. Mais il est vrai aussi qu’ils sont victimes autant que coupables, même s’ils sont coupables de s’être rendus victimes. C’est pour avoir été poussé à bout par le scandale général, par l’organisation diabolique de la cité qu’ils en sont venus à transgresser les lois les plus saintes. Ils subissent autant et plus qu’ils ne choisissent et c’est avec un grand luxe de souffrance qu’ils doivent payer ensuite leur mollesse devant le mal. Car, sur¬tout dans notre monde, ce n’est pas à ceux qui offensent Dieu le plus horriblement que sont réservés les tourments les plus horribles.

Quand on réfléchit sur l’action de Satan dans l’humanité d’aujourd’hui, il faut se le représenter non pas comme un vampire accroché à ses flancs, mais comme un tireur de ficelle d’une méchanceté sans limite qui manœuvre avec un savoir-faire sacrilège une multitude de pauvres hommes. Il les a réduits à l’état de pantin par tout un système d’institutions, en les soumettant à des pressions sociales continuelles et asphyxiantes et qui ne sont devenues possibles à ce degré que depuis l’extension des sociétés occultes et les grandes découvertes scientifiques.


C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent. Qui le fera lâcher ? Jusques à quand sera-t-il permis à celui qui fut homicide dès le commencement de mener une multitude d’hommes, rachetés par le sang du Christ, comme un troupeau d’esclaves dressés à accomplir les gestes affreux, qu’ils n’entendent même plus, d’une liturgie de blasphème et d’orgueil ? Si par grâce l’on a échappé, à cette tyrannie comment n’être pas pitoyable à l’immense foule qui est aveuglée et manœuvrée ? Comment ne pas désirer la délivrance ? Comment ne pas redire la parole du Sauveur : « J’ai com-passion de la foule » ; misereor super turbam.


La Vierge s’est montrée à Fatima. Le sens de son apparition est de nous assurer qu’elle est puissante pour briser nos chaînes, qu’elle le veut, mais qu’elle attend la conversion et la prière de ses enfants. Or c’est la prière du Rosaire que Notre-Dame a recommandée. Elle a même dit : Je suis la Reine du Rosaire. – Et si délivrance n’est pas accordée maintenant à cause de la lâcheté et de la mauvaise volonté des hommes ? Dans cette navrante hypothèse, la prière à Notre-Dame nous aura du moins obtenu de souffrir et de mourir dans la paix, avec la conviction inébranlable que Satan, malgré les apparences, est véritablement vaincu depuis la Passion du Christ et la Compassion de sa Mère ; – avec l’assurance encore que, d’ici la fin des temps, ce pauvre monde connaîtra un renouveau de l’Église, une nouvelle floraison de la civilisation chrétienne, et comme un dernier dimanche des Rameaux.

Le Rosaire est une prière de compassion parce qu’il s’adresse à la Vierge douloureuse qui a souffert infiniment au pied de la croix pour la rédemption de l’humanité ; le Rosaire est une prière de victoire parce qu’il a recours à la Vierge glorieuse qui a écrasé la tête du serpent dans l’instant même de sa conception Immaculée, ensuite par le Fiat de l’Annonciation, le consentement du Calvaire, et l’Assomption royale dans la gloire des cieux.

Fr. R.-Th. CALMEL, O.P.

Itinéraires Avril 1962 Numéro 62

     

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