La très sainte Vierge Marie est non seulement la Mère de Dieu mais aussi celle des fidèles. Cette maternité spirituelle éclaire les motifs qui permettent de parler de sa co-rédemption. Saint Alphonse, grand dévot de Notre-Dame dans son ouvrage les gloires de Marie explique ainsi cette maternité :
« Marie nous a enfantés à la grâce sur le Calvaire, lorsque, d'un cœur brisé par la douleur, elle offrit au Père Éternel pour notre salut la vie de son Fils bien-aimé. Saint Augustin affirme en effet qu'en contribuant alors par sa charité à faire naître les fidèles à la vie de la grâce, Marie devint notre Mère à tous, la Mère spirituelle de tous les membres du corps mystique de Jésus-Christ.
Et c'est dans ce sens qu'on applique à la bienheureuse Vierge ces mots des Cantiques :
« Ils m'ont placée comme gardienne dans les vignes, et je n'ai pas gardé ma propre vigne. »
Car, dans son désir de sauver nos âmes, Marie consentit à sacrifier, à livrer à la mort son propre Fils : En vue du salut d'un grand nombre d'âmes, dit Guillaume, elle a abandonné son âme propre à la mort.
Or, l'âme de Marie, n'était-ce pas son Jésus ? n'était-il pas la vie et l'unique amour de sa Mère ?
Saint Siméon avait donc raison de prédire à cette tendre Mère qu'un jour son âme bénie serait transpercée d'un glaive cruel ; ce glaive fut la lance qui perça le côté de Jésus, et, je le répète, Jésus était l'âme de Marie. Eh bien ! ce fut en ce moment que, par ses douleurs, elle nous enfanta à la vie éternelle, et dès lors tous nous pouvons nous dire les enfants des douleurs de Marie.
Cette Mère très aimante fut toujours parfaitement unie à la volonté de Dieu ; c'est pourquoi, voyant le Père porter l'amour envers nous jusqu'à vouloir sacrifier son Fils à notre salut, et le Fils nous aimer jusqu'à vouloir mourir pour nous, elle conforma son amour envers le genre humain à l'amour excessif du Père et du Fils.
C'est la pensée de saint Bonaventure :
" Il ne faut nullement douter, écrit-il, que Marie n'ai voulu, elle aussi, livrer son Fils pour le salut du genre humain, afin que la Mère fût de toute façon la fidèle imitatrice du Père. "
Il est vrai que Jésus a voulu être le seul à mourir pour la rédemption du genre humain, et, selon l'expression d'Isaïe, à fouler le vin de notre salut ; néanmoins, ayant égard à l'ardent désir qui pressait Marie de coopérer de son côté à ce grand ouvrage, il décida qu'elle y prendrait part en l'offrant, lui, Jésus, à l'autel du sacrifice, et qu'ainsi elle deviendrait la Mère de nos âmes.
Ce mystère nous fut dévoilé par notre Sauveur lui-même : sur le point d'expirer, il abaissa ses regards sur sa Mère et sur son disciple saint Jean, tous deux debout au pied de sa croix, et dit d'abord à Marie : Ecce filius tuus, " voilà votre fils ".
C'est comme s'il eût dit : Voilà l'homme que vous venez de faire naître à la grâce en offrant ma vie pour son salut.
S'adressant ensuite au disciple : Ecce Mater tua, lui dit-il, " voilà votre Mère ".
Par ces paroles, remarque saint Bernardin, Jésus donnait Marie pour mère, non pas au seul saint Jean, mais à tous les hommes, en raison de son amour pour eux. Et c'est là, selon Silveira, le motif pour lequel saint Jean, qui rapporte lui-même ce fait dans son Évangile, se désigne sous le nom commun de disciple : Jésus dit au disciple : Voilà votre Mère ; le Sauveur ne parlait donc pas à Jean, mais au disciple ; c'est-à-dire qu'en lui il voyait tous ceux qui, par la foi, sont ses disciples ; et c'était à eux tous qu'il donnait Marie pour Mère. »