Bonjour jejomau,
La curiosité et la studiosité réunies m'ont amené, depuis déjà bientôt deux ans, à commencer à étudier une partie de l'oeuvre et la pensée d'Henri de Lubac, et je pourrais d'ailleurs, si cela vous intéresse, et si ma ferveur de néophyte ne vous fait pas trop sourire, vous indiquer quelques ouvrages récents sur lui.
Je crois savoir ceci : du point de vue de certains d'entre nous, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien du tout, parce que c'est mal, et que c'est même très mal, de commencer à étudier de Lubac, mais j'ai cherché à connaître et à comprendre le moins mal possible une partie des idées et des livres de ce théologien jésuite, et cela ne fait ps de moi un futur lubacien, ni un quasi lubacien.
Lisez, relisez, ses "Mémoires sur l'occasion de mes écrits", et vous verrez que les Jésuites qui, tel le Père FESSARD, ne pensaient pas, ne parlaient pas, ne réfléchissaient pas, ne réagissaient, comme il est devenu quasiment obligatoire de le faire, notamment en France, à partir du début ou du milieu des années 1960, ont commencé à avoir "des problèmes", au sein même de la Compagnie.
La vision des choses formulée par Henri de Lubac est à peu près la suivante, et elle ne diffère guère de celle formulé par le futur Benoît XVI ; à partir du début de la troisième session du Concile, le climat ambiant est devenu de plus en plus propice, au sein et autour de l'aula conciliaire, à la montée en puissance d'une praxis langagière qui s'est prise pour LA nouvelle doxa messagère.
Comment caractériser cette praxis langagière ? S'agit-il d'un modernisme comparable au primo-modernisme des années 1893-1914, ou d'un modernisme consécutif au néo-modernisme apparu en 1937 ? Il s'agit plutôt de ceci que de cela, mais je voudrais dire ici
- qu'il s'agit plutôt d'une extrémisation de certaines thématiques, ou de certaines virtualités, présentes dans seulement une partie de la théologie néo-moderne, et non dans la totalité de celle-ci,
et
- qu'il serait excessif, inexact, injuste, de mettre dans le même sac les théologiens, jésuites ou non, qui ont sévi ou sombré, dans le cadre de ce modernisme là, et des personnalités intellectuelles de l'envergure d'Henri de Lubac.
Je pense, et je l'ai déjà écrit (mais ce n'est évidemment pas parce que je l'ai déjà écrit que c'est vrai...), qu'à l'origine de l'attitude dominante actuelle, il y a une tendance, plus qu'une doctrine, qui découle de ce que j'appelle, non sans précisions, "l'origéno-pélagianisme", puisque je précise aussitôt qu'il s'agit probablement davantage de l'origénisme attribué à Origène et du pélagianisme attribué à Pélage que du fond même de leurs doctrines.
En gros, dans le cadre de cette tendance, le péché originel, la "faillibilité" de l'homme pendant sa vie terrestre, le jugement dernier, la "damnabilité" de l'homme après sa vie terrestre, sont des notions et des réalités méprisées ou négligées, oubliées ou occultées, parce qu'elles sont "culpabilisantes", "obscurantistes", "nostalgiques" d'un augustinisme plus angoissant qu'attractif, pas très "évangéliques" ou pas très "oecuméniques".
Il me semble qu'une fois que l'on a commencé à se défaire de ces notions là, on est mûr pour horizontaliser, pour humanitariser, le christianisme catholique, et pour imposer ce courant de pensée, cette vision des choses, si nécessaire au moyen d'une volonté de puissance intellectuelle, y compris au sein de la Compagnie de Jésus.
Le devoir m'appelle, j'interromps donc ce message.
Bonne journée et à bientôt.
Scrutator.